Editorial du Monde

Message par ianovka » 27 Jan 2003, 16:11

La leçon de Lula


Tenir le même discours au Forum social mondial de Porto Alegre et au Forum économique et social de Davos ; dire devant les militants du "mouvement social mondial" ce que l'on va expliquer, quelques heures plus tard, à la crème de "l'élite entrepreneuriale globale". Prendre à bras-le-corps la réalité économique de ce début du XXIe siècle sans céder au confort de l'idéologie. C'est un peu cela le courage intellectuel et politique.

Et, dans l'exercice auquel il vient de se livrer de Porto Alegre à Davos, Luiz Inacio Lula da Silva a fait preuve de ce courage-là.

Il n'a pas renié son "camp", l'ancien ouvrier métallo diplômé de la "business school" de la lutte syndicale, devenu président du Brésil trois semaines plus tôt. : "J'apporte ici l'espoir de mes frères et s½urs de Porto Alegre", a-t-il dit, samedi 25 janvier, devant le parterre de chefs d'entreprise et de responsables politiques réunis à Davos. Mais, en exposant son "appel à un nouveau modèle de développement", il n'a pas, non plus, renié ce qui fait la singularité des propos qu'il tient devant ses amis du Forum social.

Qu'est-ce qui fait l'originalité du discours de Lula ? Deux grandes convictions, semble-t-il. La première est que la globalisation commerciale, si elle a laissé en l'état une partie de la misère du monde (en Afrique, notamment), en a allégé une autre (en Asie et aussi en Amérique latine). Le président du Brésil sait bien que l'on ne reviendra pas sur le libre-échange. Le chef de l'Etat d'une nation de 170 millions d'habitants qui est aussi la première puissance économique d'Amérique latine n'imagine pas d'avenir pour son pays à l'abri de barrières douanières protectionnistes. Il veut, au contraire, développer les exportations du Brésil. Il a souscrit à Davos à ce "renforcement du libre commerce mondial" auquel appellent les Etats-Unis.

Mais la "liberté de marché", poursuit-il, n'a de sens qu'à des conditions de concurrence bien moins inégales qu'aujourd'hui. C'est sa deuxième conviction : l'échange n'est pas libre quand il met aux prises un Nord qui a tous les attributs de la puissance et un Sud qui en est largement dépourvu. Le premier fixe les règles, l'autre les subit. Lula a beau jeu de dénoncer les subventions agricoles des Etats-Unis et de l'Union européenne. Sur un marché essentiel, elles faussent la concurrence, inondant les marchés du Sud d'exportations à prix de dumping qui torpillent les agricultures des pays sous-développés, lesquelles devraient avoir accès aux marchés du Nord qui s'en protègent...

Lula parle d'un libre-échange mieux partagé, réciproque. Autrement dit, le libre-échange est l'une des armes pour sortir du sous-développement, mais à condition d'être organisé en tenant compte de l'inégale aptitude à la compétition du Sud et du Nord. Il appelle implicitement à une manière de discrimination positive en faveur du Sud pour rétablir les conditions de concurrence. Il ne s'oppose pas à la mondialisation. Il veut la moduler pour qu'elle profite davantage au Sud. Le professeur Lula doit être écouté.
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par ianovka » 27 Jan 2003, 16:20

Rouge N° 2001, 23 janvier 2003

a écrit :Gouvernement Lula
L'heure des choix


La constitution du gouvernement Lula constitue un tournant de la situation politique au Brésil et en Amérique latine. C'est une victoire des classes populaires contre l'impérialisme et les classes dominantes du Brésil.

La victoire de Lula constitue dans toute l'Amérique latine un immense espoir. Elle représente la victoire du Parti des travailleurs, parti qui représente, depuis une vingtaine d'années, l'expression organique des luttes, des syndicats et des mouvements sociaux, même si elle ne résulte pas d'une mobilisation sociale.
Aussi, dans les rapports de forces actuels, tant les classes dominantes que les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) exercent une terrible pression sur le nouveau pouvoir de Brasilia : respect des engagements du Brésil vis-à-vis du FMI, remboursement de la dette, négociation de l'Alca (1), lutte contre l'inflation. La nomination d'Henrique Campos Mirelles, premier Latino-Américain qui a présidé une banque étatsunienne, comme gouverneur de la Banque centrale et celle de certains ministres enclins à accepter les diktats du FMI ne vont pas dans le bon sens.

Le gouvernement de Lula est donc un gouvernement qui va gérer les affaires des classes dominantes, mais dans un contexte marqué par une forte présence des mouvements de masses, et en particulier des syndicats et des mouvements des sans-terre. C'est un gouvernement de crise. Il est aujourd'hui à la croisée des chemins. Ira-t-il vers des réformes de structures significatives - sur le plan de la réforme agraire, de la concentration des richesses, etc. - ou les compromis avec les institutions financières internationales et les grands groupes privés brésiliens et transnationaux vont-ils marquer de leur empreinte sa politique ? Le "noyau dur" du gouvernement Lula s'oriente, pour le moment, vers cette politique de compromis. Mais déjà, le groupe parlementaire du PT résiste au projet gouvernemental d'autonomie de la Banque centrale. Dans l'Etat du Sertao, des paysans sans terre ont occupé des banques pour exiger des crédits consacrés au financement des terres qu'ils occupent.
C'est dans cette situation contradictoire que nos camarades de la Démocratie socialiste (tendance du PT, membre de la IVe Internationale) soutiennent le gouvernement et qu'un des leurs, Miguel Rosetto, est ministre de la Réforme agraire.
Sa nomination a été, en particulier, saluée par le Mouvement des sans-terre et dénoncée par toutes les associations de propriétaires fonciers. La participation gouvernementale soulève une série de questions, mais nous ne sommes pas des donneurs de leçons, et c'est bien entendu à nos camarades brésiliens de décider de leur orientation. D'autant qu'ils sont les cofondateurs et les coanimateurs de ce parti, et qu'il est difficile, alors, de ne pas prendre ces responsabilités.
Une très large majorité s'est exprimée pour participer au gouvernement Lula, d'abord parce que l'essentiel des courants du PT, notamment la gauche du PT, participent au gouvernement, ensuite en raison de la dynamique du soutien populaire à celui-ci et de la nécessité de faire l'expérience de ce gouvernement avec les mouvements sociaux.
A l'inverse, une autre position s'est exprimée pour soutenir tout "pas en avant" du gouvernement, sans pour autant y participer. Les concessions de la direction du PT à la pression libérale ne permettant pas une participation gouvernementale.

Au-delà des positions des uns et des autres, ce qui est décisif, maintenant, c'est la politique que mènera le gouvernement.
Réaliser la réforme agraire ou céder devant les propriétaires fonciers ? Rompre avec l'Alca ou accepter les diktats du FMI ? Soutenir les revendications populaires ou s'adapter à la pression libérale ? Aller à Porto Alegre ou à Davos, il faut choisir.

Dans cette bataille - et Miguel Rosetto est déjà aux côtés des paysans sans terre - les révolutionnaires doivent tout faire pour stimuler et développer la mobilisation sociale et imposer la satisfaction des revendications populaires. C'est la clé de la situation.

François Sabado.
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Message par stef » 27 Jan 2003, 16:41

a écrit :Le gouvernement de Lula est donc un gouvernement qui va gérer les affaires des classes dominantes


Et pourtant
a écrit :C'est un gouvernement de crise. Il est aujourd'hui à la croisée des chemins.


Donc si je suis bien c'est un gouvernement bourgeois à la croisée des chemins (lesquels, alors ?). :blink: Réponse :

a écrit :Ira-t-il vers des réformes de structures significatives (...) ou les compromis avec les institutions financières internationales et les grands groupes privés brésiliens et transnationaux vont-ils marquer de leur empreinte sa politique ?

Bref : Sabado revendique... des réformes (par opposition à la rupture avec l'impérialisme, le refus de payer la dette, etc.)

a écrit :La participation gouvernementale soulève une série de questions, mais nous ne sommes pas des donneurs de leçons, et c'est bien entendu à nos camarades brésiliens de décider de leur orientation.

Visiblement, Sabado n'est effectivement pas un "donneur de leçon". Mais il est surtout un type qui a perdu les principes élémentaires du marxisme : le refus de participer à un gouvernement bourgeois.

a écrit :Au-delà des positions des uns et des autres, ce qui est décisif, maintenant, c'est la politique que mènera le gouvernement.

Mais la politique de Lula, qui ne la connait pas ? Soumission la plus plate à l'impérialisme US ! Et la composition de son gouvernement l'illustre !

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Il faut caractériser ce texte. C'est un texte réformiste. Il contribue à mener les travailleurs au désastre. A l'inverse un trotskyste au Brésil dirait : on ne peut aller de l'avant si on craint d'aller au socialisme, si on craint la rupture avec l'impérialisme.

Le simple fait de publier un tel éditorial prouve qu'à la LCR le vieux débat "réforme ou révolution ?" est désormais à l'order du jour.
stef
 
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Message par stef » 27 Jan 2003, 17:03

Sandy,

Relis mon post : il n'est pas agressif. Où s'il l'est c'est une maladresse dont je m'excuse. Mais je crois très profondément que tu devrais te focaliser sur le contenu du post.

Du point de vue de ton organisation, cet éditorial est gravissimme. Et il n'est dans l'intérêt de personne que Sabado mène la LCR là où il est en train d'aller. De personne.
stef
 
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Message par stef » 27 Jan 2003, 17:16

:smile:
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