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RTL le 17/08/04
Richard ARZT : Bonjour Arlette Laguiller comme les années précédentes Lutte Ouvrière fait circuler en France des caravanes d'été avec des militants qui vont au contact de zones en difficultés. Quelle impression, quelle conclusion vous tirez de cet aller sur le terrain cette année?
Arlette LAGUILLER : Ecoutez il y a encore des caravanes en cours mais un petit peu le bilan qu'on peut en tirer c'est bien sûr de la colère mais aussi beaucoup de démoralisation dans la classe ouvrière de ce pays face aux attaques continuelles du patronat concernant les plans de licenciements, les délocalisations, concernant le chômage, les bas salaires. Beaucoup de désillusions aussi sur le fait que la gifle donnée à ce gouvernement par les élections régionales, européennes, n'a strictement rien changé. Puis au-delà quand même des militants ouvriers qui essayent de garder le moral et se battent le dos au mur et qui espèrent qu'un jour ou l'autre, il y aura quand même un mouvement d'ensemble qui fera reculer le patronat.
C'est ce mouvement que vous appelez, que vous espérez pour la rentrée ?
C'est ce mouvement auquel on travaille tout le temps ; c'est vrai qu'il faut en quelque sorte remonter le moral des travailleurs aujourd'hui.
Le référendum annoncé par Jacques Chirac pour approuver ou non la constitution européenne, quelle est exactement la position de Lutte Ouvrière ?
Ecoutez, ce référendum c'est manifestement une sorte de plébiscite honteux pour Jacques Chirac qui se met pas vraiment en avant dans cette affaire mais qui en fait espère bien qu'un oui pourrait faire oublier justement les échecs électoraux dont je parlais tout à l'heure concernant les régionales et les européennes. Et de ce point de vue là, la position de Lutte Ouvrière c'est bien sûr que nous n'appellerons pas à voter oui à cette constitution. D'ailleurs personnellement j'avais avec mes camarades, lorsque je j'étais encore élue parlementaire européenne, j'avais voté contre le texte de cette constitution qui est un texte pour les financiers, pas du tout pour le monde du travail; mais au-delà de ça il est évident que Lutte Ouvrière ne saurait donner un oui à Jacques Chirac, comme je le répète sa décision de faire un référendum est une façon d'essayer d'effacer son échec.
Si je vous pose la question c'est parce que la Ligue Communiste Révolutionnaire envisage un rapprochement avec des partis à la gauche du Parti Socialiste : les communistes, les mouvements alternatifs, tout ça, pour prôner, ce qu'ils appellent un non de gauche à la Constitution européenne.
Il est extrêmement difficile dans une élection de distinguer dans les bulletins, les bulletins non de gauche, ou les bulletins souverainistes ou d'extrême droite. Donc tout ça c'est un peu aléatoire mais ce qui est certain en tout cas, c'est que nous nous ne savons pas encore quelle campagne nous ferons; mes camarades commencent seulement à rentrer au travail; on veut voir ce que pensent les travailleurs. Je pense que beaucoup de travailleurs auront envie de s'abstenir parce qu'ils voient bien que le oui ou le non l'emporte, que ce soit le oui ou le non qui l'emporte, de toute façon ça n'arrêtera ni les délocalisations, ni les bas salaires, ni les plans sociaux et que le problème il est ailleurs. Cela dit, c'est vrai que je pense qu'aussi beaucoup de travailleurs vont être tentés de sanctionner une nouvelle fois la politique de ce gouvernement en votant non. Donc on prendra notre décision; on a le temps encore mais ce qui est sûr c'est qu'on votera pas oui, voilà.
Les échecs électoraux vous en avez parlé pour la droite, mais pour vous, enfin alliés dans les dernières élections avec la Ligue communiste révolutionnaire, ça n'a pas été très bon comme résultat. La Ligue d'ailleurs a lancé une souscription nationale parce qu'il y a des problèmes financiers; Lutte ouvrière, vous n'avez pas lancé de souscription, vous n'avez pas de problèmes financiers ?
Vous savez, nous on est des petites fourmis et en général on ne se présente pas aux élections sans être sûrs de pouvoir s'en sortir même si on franchit pas la barre fatidique. Cela dit pour les régionales on sera remboursée en partie puisqu'il y a des région où nous avons dépassé les 5% nécessaires. Mais c'est vrai que pour les Européennes c'est un petit peu un coup dur sur le plan financier.
Cela dit au-delà de ça je crois que les élections ça va, ça vient. Vous savez, nous, Lutte ouvrière, on n'a jamais fait dans les élections législatives ou régionales de si bons scores que ce que j'avais pu faire en 95 aux présidentielles. Donc, voilà. On va continuer le combat en dehors des élections. Puisque des élections il n'y en aura pas avant un moment de toute façon.
Dans la revue Contre temps qui va paraître en Septembre, Olivier Besancenot, de la LCR, se livre à une réflexion sur la place de l'individu dans les organisations militantes. Il dit qu'aujourd'hui on ne peut plus sacrifier sa vie personnelle à un engagement politique. Ca vous surprend ce genre de réflexion ?
Non, il a raison; je pense qu'on ne peut pas militer 30 ans ou 40 ans comme c'est mon cas en étant malheureux. Si on est malheureux je crois qu'on arrête. Ca me paraît...
Vous, vous êtes heureuse ?
Oui, tout à fait. Moi j'ai trouvé au contraire que ma vie militante, ma vie politique, était en parfaite harmonie avec mes choix personnels. Donc je n'ai pas de problème de ce point de vue là. Il n'y a pas que moi, remarquez. Je ferais quand même remarquer que Alain Krivine est porte-parole de la LCR depuis encore plus longtemps que mois, puisqu'il a commencé en 69 et moi en 74. Donc je crois qu'on peut vivre tout à fait en harmonie avec sa vie personnelle et ses idées politiques
Olivier Besancenot le place en terme de génération. Il explique que dans sa génération on demande à pouvoir vivre tranquillement sa vie sans que le parti se permette de la juger; d'ailleurs il dit, il exclut que la Ligue Communiste révolutionnaire fasse avec lui ce que Lutte Ouvrière a fait avec Arlette. Vous ressentez ça comment ?
Il aurait pu dire ce que la LCR a fait avec Krivine; je viens de le dire. Moi je suis un peu gênée par rapport à cette interview, parce que je ne l'ai pas lue; elle n'est pas encore parue. Alors il y a quelques extraits dans un journal.
Dans Le Monde…
Cela dit, si les citations sont exactes, d'une certaine façon c'est une forme d'honnêteté de la part d'Olivier Besancenot de dire à ceux qu'il veut défendre qu'ils ne pourront pas compter sur lui très longtemps.
Ce n'est pas un manque de galanterie ?
Non, je crois, il vaut mieux honnêtement dire si ces intentions ne sont pas de continuer, il vaut mieux qu'il le dise, je pense.
Est-ce qu'on sait déjà qui sera candidat à la présidentielle en 2007 pour Lutte Ouvrière ? Vous êtes tentée ?
Franchement on n'est pas du tout, on n'est pas du tout là-dessus. Vous savez la situation des travailleurs aujourd'hui, elle est extrêmement difficile. Quand on voit tous ces chantages qui sont faits à la délocalisation, à la baisse des salaires chez Bosch, chez Perrier à Vergèze, à Ronal en Lorraine; c'est ça les préoccupations des travailleurs et franchement 2007 je m'en moque assez aujourd'hui.
En tant que marxiste léniniste quel commentaire vous inspire la visite du Pape à Lourdes ?
Tout simplement en tant que hâtée et laïque d'ailleurs plus en tant que marxiste; non je pense pour moi Chirac représente pas ni la laïcité, ni la liberté, ni la fraternité; et je trouve qu'il y a justement une grande différenciation entre les paroles et la réalité parce qu'autrement il faudrait commencer par donner les moyens par exemple à l'enseignement public qui en manque beaucoup alors qu'on privilégie aujourd'hui de plus en plus l'enseignement privé, surtout d'origine confessionnelle. Non Chirac a dit qu'il avait reçu le Pape en tant que chef d'Etat et pas en tant que chef religieux puisqu'il est chef du Vatican. Bon, il y aurait à protester contre beaucoup de chefs d'Etat qui viennent ici. C'est vrai que le Pape tient sur les femmes un langage que je ne saurais accepter; malheureusement il y a beaucoup de dictateurs que Chirac invite et qui, quelques fois sont bien pires que le Pape, qui vont même jusqu'à lapider les femmes.
Merci Arlette Laguiller.