a écrit :En 1989, la chute du mur de berlin (sous la poussée des masses)
Justement, je voyage souvent en Rép. Tchèque, où je rencontre des ouvriers et je m'aperçois de plus en plus qu'ils n'étaient pas si nombreux à vouloir le retour au capitalisme. En fait, seul un groupe d'intello issu du mouvement de 1968 a fait monter le jeu en épingle pour renverser la dictature - comme c'était grosso modo déjà le but en 68 - pour finalement proclamer qu'il fallait renverser le capitalisme. La dessus s'est greffer l'europe qui leur a dit "si vous renverser le socialisme, vous quitter le joug soviétique, et nous on vous aide financièrement, mais seulement si vous renverser le socialisme".
Des ouvriers moraves m'ont raconté que pendant les manifs de prague en 89 contre le régime (et c'était surtout des masses qui étaient contre la dictature et pas contre le socialisme), il y avait des manifs en Moravie contre les manifs de Prague...
Certains (des anciens de 68) étaient même au Forum Civique de 89 pour empêcher un retour au capitalisme.
Ceux-là ont été assez nombreux à me dire que la situation actuelle est pire que l'ancienne parce qu'avant 89 tout le monde s'intéressait à la politique, même s'ils n'avaient pas de parti de classe, ils formaient une certaine classe non organisée pourrait-on dire. Mais maintenant, c'est pire dans le sens où on leur a mis dans la tête qu'il n'y avait pas d'autre alternative que le capitalisme, que le chômage était inévitable, parce qu'avant le chômage n'existait pas mais les emplois étaient "fictifs" etc. De sorte que maintenant plus personne ne se bat, n'a d'opinion politique claire. Les jeunes courent après un emploi, et font tout pour être le plus "compétitif" possible, quitte à écraser tout ce qu'il y a sur leur passage. Avant 89 cet état d'esprit n'existait pas. Lorsque les gens faisaient quelque chose, ils le faisaient dans l'intérêt de tous, ou du moins du plus grand nombre, même s'ils ne parlaient pas forcément de lutte de classe parce que ça leur semblait des termes vidés de leur sens par le PC.
Maintenant comme certains se sont bien enrichis grâce au capitalisme, tous ont ce modèle dans la tête. Chez les Tchèques, les intellectuels ont une grande importance dans l'histoire et dans la vie politique depuis le 19e siècle. C'est eux qui ont proposé des modèles politiques d'organisation de l'Etat etc. depuis 1918. Certains ont soutenu le Parti en 48, d'autres ont commencé de réfléchir sur les déformations du stalinisme dès 1956. Bref, maintenant ils sont tous relégués au rang des "non-rentables".
Quelques partis politiques semblent tenter une alternative, mais ils sont d'ores et déjà discréditer par leurs anciens liens au PC. Le plus drôle - ou le plus cynique - c'est que Vaclav Havel, celui-là même qui a livré son pays au capitalisme clef en main - était lui aussi au PC..., mais il était aussi fils et petit-fils de bourgeois (c'est aussi pour ça que sur un autre fil je disais que je m'éfiais toujours des bourges), et ce qui importait avant tout pour lui en 89, c'était de récupérer tout les immeubles qui appartenaient à sa famille avant 1948. C'est ce qu'il a fait en deux minutes, alors que d'autres anciens proprio attendent encore.
Malgré l'écrasante "pensée unique", il semble que les ouvriers aient acquis une certaine conscience politique, mais quand je dis ouvriers, je pense vraiment ouvriers, pas ensemble de travailleurs. Même ceux-là, on a du mal à voir comment ils pourraient s'organiser parce qu'ils n'ont pas de partis, et ne veulent même pas entendre parler de syndicat (l'ancien syndicat était utilisé par le parti pour faire appliquer les décisions du gouvernement dans les entreprises, et n'était donc pas perçu comme un élément de lutte). Un des partis de gauche parle d'un syndicat indépendant, mais il semble que ce soient des anciens du pc...
Tout ça sans parler des ravages de l'alcoolisme chez tous et de la drogue chez les plus jeunes...