a écrit :Emploi. Travail et territoires : des outils pour intervenir
Par Alain Morin, économiste et membre du PCF.
Le chômage massif, la précarité galopante, les localisations déséquilibrées des emplois touchant de plein
Par Alain Morin, économiste et membre du PCF.
Le chômage massif, la précarité galopante, les localisations déséquilibrées des emplois touchant de plein fouet les populations sur les territoires ont, dans les deux dernières décennies, renforcé le besoin d'intervention croissante des collectivités territoriales (communes, syndicats intercommunaux, départements et régions) sur les questions d'emploi, de formation, d'insertion et de développement maîtrisé du territoire.
Mais, aujourd'hui, ces interventions sont fortement conditionnées par les décisions que prennent tous les jours les entreprises et les banques sous la pression des marchés financiers et par les politiques de soutien de l'État à ces choix.
Ainsi, le développement des compétences des collectivités a été canalisé dans deux directions :
- l'accompagnement social des destructions massives d'emplois avec les graves insuffisances des dispositifs de réaction sur les licenciements, les fermetures de sites, les délocalisations, tels les contrats de site, l'action de comités départementaux de développement de l'emploi et de la formation (CODEF) et les plans locaux d'insertion et d'emploi (PLIE) pour les chômeurs jeunes et de longue durée ;
- la mise en concurrence des territoires (communes, départements, régions), avec un chantage à l'emploi exercé sur les collectivités et leur population pour leur faire supporter un maximum de dépenses pour soutenir la rentabilité financière des entreprises : financement de locaux, exonérations fiscales et sociales, etc. L'UMP voudrait aller plus loin par la prise en charge d'une partie des salaires avec les contrats " d'initiative emploi " régionaux.
Mais cette domination des grands groupes et des marchés financiers sur les décisions des collectivités territoriales pour les contraindre à accompagner les politiques du capital n'est pas fatale. Elle ne doit pas amener, comme le proposent les dirigeants de LO et de la LCR, au renoncement des collectivités territoriales à intervenir concrètement pour responsabiliser socialement et territorialement les entreprises et chercher à infléchir leur gestion pour le développement de l'emploi et de la formation. Mais il s'agit aussi de combattre la fuite en avant de la droite pour baisser encore et toujours plus le coût du travail, soutenir les marchés financiers et le taux de profit des groupes, comme les impasses des corrections sociales du marché du PS, sans remise en cause des gestions actuelles des entreprises, de la domination des marchés financiers ou de la soumission des banques aux critères de rentabilité financière.
Rompre avec ces dominations exige de changer, avec les intéressés, les institutions, les procédures, les rapports de force dans les territoires pour des résultats concrets, et ainsi donner sa pleine efficacité aux atouts d'une approche territoriale tels que la proximité et la mobilisation de nombreux acteurs, pour favoriser un tout autre traitement de ces enjeux. Cela permettrait de réduire le fossé entre les efforts déployés par les élus territoriaux et la faiblesse quantitative des populations en difficulté touchées ainsi que celle des résultats relativement aux immenses besoins.
Il s'agirait de pousser à des transformations profondes des pratiques avec des financements publics locaux tout autres et nationaux beaucoup plus importants pour changer les pratiques des entreprises, et avec des objectifs concrets annuels d'emplois qualifiés, de formation, de transformation du travail précaire visant une sécurisation de l'emploi et de la formation. Ces objectifs seraient élaborés par bassin d'emploi, débattus publiquement avec les entreprises, les services publics et de formation.
C'est l'objet de la proposition de constitution d'un fonds régional d'intervention pour la sécurisation et la promotion de l'emploi et de la formation qui viserait une tout autre utilisation des fonds publics avec des programmes concrets concertés de novation des productions et de sortie du chômage et de la précarité. Ce fonds prendrait en charge tout ou partie des intérêts, des crédits à moyen et long terme, et les garanties de ces crédits, pour des investissements matériels ainsi que de recherche et développement. Il inciterait à des coopérations entre entreprises, organismes de formation, organismes de recherche, services publics. Les taux d'intérêt des crédits seraient d'autant plus abaissés que seraient programmés des emplois et des formations pour de meilleurs emplois.
Bien sûr des changements nationaux et européens seraient décisifs, mais, tout de suite, la région et les collectivités territoriales pourraient disposer de moyens pour inciter les banques à financer en priorité les entreprises dont les investissements développent l'emploi, la formation et la recherche dans le respect de l'environnement. Elles peuvent y consacrer des fonds actuellement versés par milliards aux entreprises, au nom de l'emploi, et qui ne visent en fait qu'à soutenir les profits et à exercer une pression à la baisse sur l'ensemble des salaires.
De même, les élus peuvent s'appuyer sur des avancées de la loi de modernisation sociale qui n'ont pas été suspendues par le gouvernement, tel que l'article 118, pour obliger les entreprises de plus de 100 salariés à financer des projets de réindustrialisation des territoires touchés par les licenciements tout en exigeant d'élargir les points d'appui juridiques des collectivités territoriales et des salariés pour contester les choix des groupes sur leur territoire et pour les responsabiliser.
Article paru dans l'édition du 18 mars 2004.