CITATION Loi d'interdiction du voile à l'école
Logique sécuritaire
A deux mois de la remise du rapport de la commission Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République, plusieurs ministres du gouvernement et responsables nationaux du Parti socialiste se sont déclarés en faveur d'une loi d'interdiction du port du voile islamique.
"Si l'on n'aime pas la République française, il faut aller ailleurs." Ces mots prononcés mardi 14 octobre sur i-Télé par Xavier Darcos, le ministre délégué à l'Enseignement scolaire, à la suite de l'exclusion d'Alma et Lila Lévy, lycéennes à Aubervilliers - toutes deux françaises - parlent d'eux-mêmes.
Surfant sur la surmédiatisation des récentes affaires du voile islamique (Aubervilliers, Thann, etc.), plusieurs ministres se sont déclarés en faveur d'une loi d'interdiction du port du voile islamique. Le Parti socialiste aussi. Ceci alors que la commission sur l'application du principe de laïcité dans la République, installée le 3 juillet par Jacques Chirac et présidée par Bernard Stasi, doit rendre son rapport avant la fin de l'année. Une petite minorité d'enseignants du lycée d'Aubervilliers, soutenue par Gisèle Halimi, réclame une telle loi au nom de la défense de la laïcité et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Comment peuvent-ils croire que le gouvernement légiférera au nom de la laïcité quand il défend le financement public des écoles confessionnelles et s'accommode très bien de la présence de près de 1 500 aumôneries dans les établissements scolaires ou du statut privilégiant l'Eglise catholique en Alsace-Moselle ? Comment peuvent-ils croire que le gouvernement légiférera au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes lorsque Xavier Darcos déclarait à propos du port du string à l'école : "Il est normal que l'on demande aux jeunes filles, lorsqu'elles commencent à être désirables, de faire en sorte qu'elles ne provoquent personne." Ce faisant, il reprend à son compte le fondement de l'obligation faite par l'islam le plus rigoriste de porter le voile, c'est-à-dire pour protéger "la femme" du regard et du comportement des hommes.
Cette loi ne traduira que la volonté de soumettre et de stigmatiser toute une génération de jeunes issus de l'immigration qui constate et expérimente l'inégalité et les discriminations au quotidien, comme de démontrer que l'islam est non seulement insoluble (insécularisable) dans la société française mais dangereux. En ce sens, elle ne peut qu'être le prolongement des lois sécuritaires mises en place par ce même gouvernement dans le contexte international de l'après-11 Septembre.
Ceux et celles, à gauche, qui pensent qu'une loi contre le port du voile à l'école peut répondre à la situation se trompent. C'est en s'attaquant aux raisons pour lesquelles ces jeunes filles portent le voile et en suscitant le débat au sein des établissements scolaires de façon systématique que l'on pourra avancer : prendre le temps de débattre dans les cours, comme dans le cadre de journées banalisées, sur les discriminations politiques, économiques, sociales et culturelles contre les immigrés, les enfants d'immigrés ou contre les femmes et sur les objectifs de la laïcité, avec la participation d'associations féministes, antifascistes, antiracistes, etc.
Cela implique également de remettre en question les contenus sur l'histoire de la colonisation et les luttes d'émancipation, mais aussi sur l'histoire des luttes féministes et celles du mouvement ouvrier, de réfléchir collectivement sur la pratique pédagogique souvent sexiste à l'insu même des hommes et des femmes qui enseignent, de développer avec les élèves la critique du sexisme et de la marchandisation des corps.
L'objectif étant d'installer un tel rapport de forces dans le débat pour faire reculer l'ensemble des intégrismes religieux. Pour que les jeunes filles elles-mêmes puissent percevoir qu'elles ont d'autres moyens - collectifs - pour lutter contre les violences masculines ou pour accéder à l'espace public que le port du voile. Pour que la lutte contre les discriminations transcende largement les références "communautaires" auxquelles certains d'entre eux se réfèrent.
Pauline Terminière
Rouge 2037 30/10/2003[/quote]
