La bourgeoisie américaine devrait élever un monument à Martin Luther King.
Il y en a beaucoup. Un beau sur le mall de Washington notamment, un buste dans le bureau ovale, en symétrie de celui d'Abraham Lincoln.
Mais la mémoire de MLK est mensongère, on se souvient bien mal de lui, devenu égérie consensuelle et dénaturée de ce qu'on peut bien dire officiellement sur l'antiracisme en vidant son histoire de ses luttes. King s'est battu pour les noirs américains, la paix et la classe ouvrière, autant de batailles d'actualité pour lesquelles l'occupant du bureau ovale fait figure d'ennemi. Tu critiques en réalité la mémoire que l'on a de lui, peut-être en raison de ce que sont devenus ses camarades depuis, mais pas l'homme qu'il était vraiment. Tu ne critiques d'ailleurs pas plus le film lui-même, qui montre en réalité un gouvernement démocrate raciste, au fédéral comme au local. Gouvernement qui étudie la possibilité de se débarrasser de lui. Et tout ce que tu trouves à voir, c'est une connivence alors que Lyndon Johnson parle de "nègre", que les services secrets le harcèlent, que les flics castagnent, que la réforme ne parvient que grâce au mouvement social qui contraint les politiciens. Le film est intelligent, honnête, loin de l'hagiographie.
Ta description est une calomnie générale (et bien floue en plus, "venant des profondeurs"...). King n'était pas un obsédé de la légalité (il l'a changé !), il n'était pas non plus un politicien du milieu. La fin du film n'est pas la fin de sa vie. Ta critique sur le goût d'inachevé est malhonnête ou ignorante. Il meurt défendant les éboueurs de Memphis quelques années plus tard, alors qu'une majorité d'américains ont une opinion négative de lui, pas lors de l'épisode Selma.
L'autre jour je voyais sur internet le secrétaire déchu de l'UMP jeunes commémorer Martin King, à tort. Bien sûr il n'y comprend rien. Mais je note que toi-même tu comprends encore moins, et tu laisses la mémoire d'un grand militant à ceux qui l'ont tué, d'abord son corps, puis son histoire.
S'il faut avoir une discussion intelligente sur Martin King, sa stratégie et son histoire, je ne suis pas contre, mais là c'est partir sur des bases très mauvaises. Le mouvement des droits civiques a une histoire longue, complexe, et parcourue de tendances multiples. Les socio-démocrates américains n'ont pas l'histoire des socio-démocrates européens (pas le même contexte du tout !), et il serait bon de ne pas incriminer avec des lunettes déformantes.