le stade suprême de la barbarie ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par com_71 » 11 Nov 2002, 16:20

Il existe actuellement dans l’extrême-gauche (et depuis longtemps dans la gauche) une tendance à dissocier la barbarie nazie de la putréfaction du capitalisme. L’horreur extrême de la Shoah la placerait en quelque sorte au-dessus de toute analyse en termes de classes, pratiquement au-dessus de l’histoire elle-même. Serait-ce alors le diable en personne qui se serait invité en Europe Centrale ?

Une telle vision tend à exclure la barbarie extrême des perspectives d’avenir, alors que l’éventualité existe de voir apparaître des phénomènes sociaux, ou a-sociaux, à côté desquels, malheureusement, le nazisme ferait figure d’historiette.

C’est l’urgence de la révolution qui est ainsi gommée, avec l’hostilité organique des révolutionnaires à la société actuelle et à son devenir. Car, bien-sûr, si le nazisme n’est pas à mettre au compte de la bourgeoisie, alors sont légitimés les rapprochements avec les courants libéraux, humanistes de celle-ci, sur la base d’une commune réprobation de l’Holocauste.

C’est pourquoi, à ce sujet, il faut réaffirmer : «L’extermination des juifs européens par l’impérialisme allemand est un avertissement pour tous les autres peuples, leur montrant le sort qui les attend si la société actuelle continue à pourrir.»

(C.Picquet @ dans Rouge a écrit :
Ni les organisations palestiniennes, ni le mouvement de solidarité n'ont à gagner à une assimilation absurde, conduisant nécessairement à relativiser l'exceptionnalité de la Shoah. Dans le même sens, il ne saurait être accepté que certains pays arabes se soient opposés au rappel, dans la déclaration officielle cette fois, du caractère imprescriptible du génocide hitlérien.


(F.Duval @ PF.Grond, C.Picquet,dans Rouge a écrit :
Aucune analyse ne peut éviter de partir de ce qui est à la fois central et spécifique lors du dernier conflit mondial. A savoir le nazisme, notamment dans sa dimension irréductible aux analyses en termes de classe: le judéocide. L’organisation méthodique, industrielle, de la solution finale, ce que l’on appelle improprement l’Holocauste ou la Shoah, ne peut sérieusement être présentée comme une simple conséquence des menées impérialistes, de la lutte pour "un nouveau partage du monde et de ses richesses" entre puissances impérialistes et dont l’issue nous serait relativement indifférente.


(F.Duval @ dans Rouge a écrit :
Si Milosevic égale Hitler, finalement Hitler n'est plus qu'un dictateur parmi d'autres, juste peut-être un peu plus sanguinaire. Cette instrumentalisation ne peut que déboucher sur la négation du caractère unique de la Shoah et, en définitive, sur la banalisation du nazisme.

(Mandel en 1947 @ . a écrit :
En Allemagne c’est le pouvoir d’Etat, tombé entre les mains des dirigeants nazis, qui a organisé d’en haut la persécution et plus tard l’extermination des juifs. En ce sens c’est le capitalisme décadent qui remit sciemment entre les mains d’une bande de criminels sanglants, (qui) est pleinement responsable du sort effroyable des masses juives en Europe durant la guerre. L’extermination des juifs européens par l’impérialisme allemand est un avertissement pour tous les autres peuples, leur montrant le sort qui les attend si la société actuelle continue à pourrir.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 11 Nov 2002, 16:54

Oui, et on doit intégrer que le conformisme social, la routine et... les défaites du mouvement ouvrier, leur ont permis de compter sur des dizaines de milliers de complices.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par pelon » 11 Nov 2002, 21:03

(com_71 @ Monday 11 November 2002, 16:20 a écrit :
(F.Duval @ PF.Grond, C.Picquet,dans Rouge a écrit :
Aucune analyse ne peut éviter de partir de ce qui est à la fois central et spécifique lors du dernier conflit mondial. A savoir le nazisme, notamment dans sa dimension irréductible aux analyses en termes de classe: le judéocide. L’organisation méthodique, industrielle, de la solution finale, ce que l’on appelle improprement l’Holocauste ou la Shoah, ne peut sérieusement être présentée comme une simple conséquence des menées impérialistes, de la lutte pour "un nouveau partage du monde et de ses richesses" entre puissances impérialistes et dont l’issue nous serait relativement indifférente.


Comment comprendre cela ? Que l'on peut parler des horreurs de l'impérialisme mais qu'il faut faire une exception pour l'Allemagne nazie ?
D'habitude, il s'agit de "simples menées impérialistes" là c'est autre chose. Mais quoi ? Il ne faut pas mettre ce crime là sur le dos de l'impérialisme ?
Toutes ces tentatives de minimiser les horreurs dont est capable la bourgeoisie n'est qu'une tentative de plus de plaire à une certaine petite-bourgeoisie. Il s'agit de s'affranchir de ce qui pourrait gêner ces alliés potentiels.
Déjà le mot "communiste" devient tabou, remplacé par un anti-capitalisme qui pourrait être autre chose que le communisme (une 3ème voie ?). Il faut critiquer les "excès" de la révolution russe. Tout cela pour quoi ? Plaire aux réformistes avec qui on veut construire un nouveau PSU ?
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Message par stef » 11 Nov 2002, 21:38

Tout est dit dans la phrase suivante :

a écrit :
A savoir le nazisme, notamment dans sa dimension irréductible aux analyses en termes de classe : le judéocide.


Donc il existe des questions à propos desquelles la collaboration avec la bourgeoisie est possible - ce qui nous ramène au vote pour Chirac en avril, dont Piquet était un fervent partisan... CQFD.

L'essentiel n'est pas de plaire à la petite bourgeoisie. L'essentiel est de liquider ce qui reste de trotskysme, de marxiste révolutionnaire au sein de la LCR. Bref d'adapter sa théorie à sa pratique.
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Message par Louis » 11 Nov 2002, 22:02

(com_71 @ Monday 11 November 2002, 17:20 a écrit :Il existe actuellement dans l’extrême-gauche (et depuis longtemps dans la gauche) une tendance à dissocier la barbarie nazie de la putréfaction du capitalisme. L’horreur extrême de la Shoah la placerait en quelque sorte au-dessus de toute analyse en termes de classes, pratiquement au-dessus de l’histoire elle-même. Serait-ce alors le diable en personne qui se serait invité en Europe Centrale ?

Une telle vision tend à exclure la barbarie extrême des perspectives d’avenir, alors que l’éventualité existe de voir apparaître des phénomènes sociaux, ou a-sociaux, à côté desquels, malheureusement, le nazisme ferait figure d’historiette.

C’est l’urgence de la révolution qui est ainsi gommée, avec l’hostilité organique des révolutionnaires à la société actuelle et à son devenir. Car, bien-sûr, si le nazisme n’est pas à mettre au compte de la bourgeoisie, alors sont légitimés les rapprochements avec les courants libéraux, humanistes de celle-ci, sur la base d’une commune réprobation de l’Holocauste.

C’est pourquoi, à ce sujet, il faut réaffirmer : «L’extermination des juifs européens par l’impérialisme allemand est un avertissement pour tous les autres peuples, leur montrant le sort qui les attend si la société actuelle continue à pourrir.»

(C.Picquet @ dans Rouge a écrit :
Ni les organisations palestiniennes, ni le mouvement de solidarité n'ont à gagner à une assimilation absurde, conduisant nécessairement à relativiser l'exceptionnalité de la Shoah. Dans le même sens, il ne saurait être accepté que certains pays arabes se soient opposés au rappel, dans la déclaration officielle cette fois, du caractère imprescriptible du génocide hitlérien.


(F.Duval @ PF.Grond, C.Picquet,dans Rouge a écrit :
Aucune analyse ne peut éviter de partir de ce qui est à la fois central et spécifique lors du dernier conflit mondial. A savoir le nazisme, notamment dans sa dimension irréductible aux analyses en termes de classe: le judéocide. L’organisation méthodique, industrielle, de la solution finale, ce que l’on appelle improprement l’Holocauste ou la Shoah, ne peut sérieusement être présentée comme une simple conséquence des menées impérialistes, de la lutte pour "un nouveau partage du monde et de ses richesses" entre puissances impérialistes et dont l’issue nous serait relativement indifférente.


(F.Duval @ dans Rouge a écrit :
Si Milosevic égale Hitler, finalement Hitler n'est plus qu'un dictateur parmi d'autres, juste peut-être un peu plus sanguinaire. Cette instrumentalisation ne peut que déboucher sur la négation du caractère unique de la Shoah et, en définitive, sur la banalisation du nazisme.

(Mandel en 1947 @ . a écrit :
En Allemagne c’est le pouvoir d’Etat, tombé entre les mains des dirigeants nazis, qui a organisé d’en haut la persécution et plus tard l’extermination des juifs. En ce sens c’est le capitalisme décadent qui remit sciemment entre les mains d’une bande de criminels sanglants, (qui) est pleinement responsable du sort effroyable des masses juives en Europe durant la guerre. L’extermination des juifs européens par l’impérialisme allemand est un avertissement pour tous les autres peuples, leur montrant le sort qui les attend si la société actuelle continue à pourrir.

tout d'abord, une petite précision : c'est un sujet qui a mon sens ne peut pas etre bien traité dans ce genre de forum : il demande du temps, de la rigueur et un certain nombres de conditions qui ne sont pas réunis ici

Je renvois pour ceux que la question interesse a Enzo Traverso et à certains passages de Bensaïd.

Tout d'abord, encore une fois, il ne s'agit pas de "faire plaisir" à une petite bourgeoisie en mal de nouveautés théoriques affaiblissant notre si pure pensée marxiste, mais bien d'affuter l'outil pour faire coller notre analyse aux réalités de l'histoire. "Seule la vérité est révolutionnaire" et "la théorie devient, elle aussi, force matérielle, dès qu'elle s'empare des masses. La théorie est capable d'émouvoir les masses, dès qu'elle démontre ad hominem, et elle démontre ad hominem dès qu'elle devient radicale." Il nous faut donc aller au fond des choses

Y a-t-il une radicale nouveauté du nazisme, et en quoi cette nouveauté échappe a l'analyse marxiste ?

C'est une question déterminante, et qui s'est posée dès la victoire de Hitler en 1933 et la défaite cocommitante du mouvement ouvrier allemand. Mais la question du judéocide pose le problemes en des termes nouveaux. Comment introduire celui ci dans l'analyse marxiste classique ? Celle ci pose que le nazisme est la réponse que l'impérialisme apporte à la montée du mouvement ouvrier et de la révolution. Il y a deux réponses qui me semblent fausses : celles qui minimisent le judéocide dans le processus nazi pour ne pas avoir a changer une ligne de la vulgate marxiste et ceux qui "profitent" du judéocide pour dénier l'appuis que la bourgeoisie apportait au nazisme et incidemment dédouanner la "démocratie bourgeoise" de sa responsabilité. Il me semble que la bonne réponse est bien de réintroduire le judéocide dans l'analyse marxiste. Bien entendu le judéocide proprement dit ne peut se juger en terme de "lutte de classe" mais il peut etre reintroduit dans une analyse dynamique du systeme
En d'autre termes, le nazisme ou le fascisme n'est pas seulement un régime bourgeois autoritaire un peu plus autoritaire. C'est le second terme de l'alternative pronostiquée par Rosa Luxembourg "Socialisme ou Barbarie". Lui, c'est la barbarie, et elle est totale
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Message par stef » 11 Nov 2002, 22:11

Ah ah ah ! Tu écris bien, mon cde, mais tu joue au chat et à la souris.

La seule question essentielle est la suivante (tout le reste se discute) : Penses-tu que le massacre des juifs est irréductible aux analyses en termes de classe ?

Moi non, car marxiste, je pense que la lute de classes est le moteur de l'histoire...
stef
 
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Message par Louis » 11 Nov 2002, 23:12

(stef @ Monday 11 November 2002, 23:11 a écrit :Ah ah ah ! Tu écris bien, mon cde, mais tu joue au chat et à la souris.

La seule question essentielle est la suivante (tout le reste se discute) : Penses-tu que le massacre des juifs est irréductible aux analyses en termes de classe ?

Moi non, car marxiste, je pense que la lute de classes est le moteur de l'histoire...

je ne joue pas du tout au chat et a la souris

=> le judéocide est irréductible a une analyse en terme de classe

C'est précisément ce que j'ai dit

Maintenant, et sans faire le malin, la lutte de classe est bien le moteur de l'histoire. Ca ne veut pas dire que tout s'analyse en terme de classe, mais que tout est incorporée dans les rapports de classe. C'est un peu comme les rapports de classe précapitalistes qui peuvent etre intégré dans les rapports de classe capitalistes. Et c'est pour cela que le marxisme si il veut garder son caractère opérationel doit intégrer ces rapports dans son analyse. Et c'est en particulier le cas pour celui la qui est le deuxieme terme du "socialisme ou barbarie" qui est notre horizon historique

Maintenant au niveau de Byrrr :

a écrit :
Penser cela, c'est oublier cette haine qu'éprouvait la bourgeoisie allemande - ou française - au début du XXème siècle à l'égard de la bourgeoisie juive, en laquelle elle voyait une concurrente. Cette haine n'était donc pas que purement raciste.

Le racisme antisémite se portait fort bien des deux cotés du Rhin, c'est un fait. Le racisme n'était pas pourtant de meme composition : en france c'était un racisme d'intellectuel et de petits bourgeois, en Allemagne les juifs étaient "relativement" protégés par la grande bourgeoisie

Et le nazisme n'est pas le seul régime raciste de l'histoire. MAIS justement le "point noir" de l'affaire, le coté irrationnel de l'histoire c'est que justement le régime nazi, en tant que tel a abandonné à un momment toute "rationnalité capitaliste" : par exemple les camps de concentration étaient sous traités a des entrepreneurs capitalistes qui se plaignaient beaucoup du taux d'extermination trop rapide (ils n'avaient pas le temps de former leurs ouvriers) Et "the last but not least" le fait d'avoir accéleré l'extermination a couté cher en ressources aux nazi a partir du retournement de la situation millitaire des années 42/43. Ils n'ont pas cherchés non plus a trouver des compromis avec les capitalistes dans ces années alors qu'ils étaient préssés de terminer leur besogne

Enfin, moi je pense comme ça. Il se peut que je me trompe (mais vous aussi) Le probleme avec ce sujet, c'est qu'on a pas le droit de se tromper deux fois
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