a écrit :Pierre DELION : LETTRE OUVERTE
lundi 20 avril 2009, par Michel Balat
PROPOSITION POUR UNE DEFENSE DES SOINS PSYCHIQUES
LETTRE OUVERTE AUX PARENTS D’ENFANTS D’ADOLESCENTS ET D’ADULTES AUTISTES, A LEURS PROFESSIONNELS EDUCATEURS PEDAGOGUES ET SOIGNANTS
Pierre Delion
Avril 2009
Depuis plusieurs années, quelques rares parents d’enfants autistes règnent dans le monde des associations de parents d’enfants autistes par la terreur, les dénonciations, les calomnies ad hominem et la manipulation médiatique. Jusqu’à présent, nous étions un certain nombre de professionnels de la pédopsychiatrie à y voir le signe d’une souffrance telle qu’en vivent tous les parents dont un enfant est touché par une maladie, un handicap ou une difficulté majeure qui met en jeu son présent et son avenir. Entre-temps, les pratiques et les prises en charge éducatives, pédagogiques et thérapeutiques ont progressé quelquefois de manière notable, notamment en ce qui concerne les neurosciences, mais aussi les techniques éducatives et les psychothérapies intensives. Aujourd’hui, les équipes de pédopsychiatrie françaises se forment activement pour se situer dans cette perspective intégrative, réorganisent leurs dispositifs pour y accueillir les aspects complémentaires nécessaires pour la prise en charge de chaque enfant et engagent des réflexions cliniques, psychopathologiques et thérapeutiques en tenant compte des avancées des neurosciences, notamment dans la pratique des bilans diagnostiques, mais aussi dans l’élaboration d’hypothèses intégrant les différents aspects complémentaires.
Nous arrivons ainsi à ce que d’aucuns appellent une « pédopsychiatrie intégrative » qui conjugue sous l’égide des parents, un développement des aides éducatives pour tous les enfants qui en ont besoin, une approche pédagogique à chaque fois que c’est possible et un soutien thérapeutique quand c’est nécessaire. Cette approche plurielle nécessite de se concerter avec les partenaires autour de l’enfant de façon à lui apporter au plus près de ses besoins définis lors du bilan, du diagnostic et des indications de prises en charge, les différentes aides nécessaires. Dans ces perspectives intégratives, le rôle de l’équipe de pédopsychiatrie est de proposer les soins dont chaque enfant a besoin en fonction de son histoire pathologique, de ses symptômes actuels et d’autres éléments qui sont déterminés par les ressources existant autour de l’enfant et de sa famille. C’est ainsi que certains enfants présentant des symptômes très préoccupants tels que les très graves automutilations, une violence mettant en péril la vie familiale, la poursuite de leurs soins et de leur intégration scolaire et finalement leur développement, peuvent recevoir des soins spécifiques tels que le packing ou enveloppements humides, ou une approche avec la pataugeoire, ou tout autre média qui peut faciliter l’instauration du lien avec l’enfant atteint de TED, et qui constituent autant de moyens utilisés par les équipes soignantes et souvent éducatives pour rentrer en contact avec ces enfants. Dans le grand ensemble de ces approches, le packing est une technique de soin qui appartient au groupe des techniques d’enveloppement requises pour rassembler le corps d’un enfant qui manque de contenance du fait de sa pathologie. Elle consiste à envelopper doucement un enfant qui garde ses sous vêtements, dans des serviettes trempées dans l’eau à la température du robinet (autour de dix degrés) jusqu’au cou, puis dans un drap sec, puis dans un tissu imperméable qui permettra un réchauffement rapide et dans deux couvertures chaudes. L’enveloppement dure environ une minute et en quelques minutes (deux à cinq), le corps de l’enfant se réchauffe soudainement produisant chez lui une détente musculaire importante, le surgissement de sourires et éventuellement de sons (et de paroles quand il a accès au langage) et d’échanges par le regard. La séance dure entre quarante cinq et soixante minutes et se termine par le « désenveloppement » de l’enfant, son rhabillage et le partage d’une collation avec les soignants qui sont restés avec lui pendant la séance. En fonction de la pathologie de l’enfant, l’équipe peut lui prodiguer plusieurs séances par semaine quand l’effectif des soignants le permet. Ces traitements peuvent durer plusieurs semaines ou mois en fonction de l’évolution clinique.
Dans tous les cas, les parents donnent leur accord à cette prise en charge pour laquelle ils sont informés loyalement des effets attendus.
Nous voyons désormais un grand nombre de professionnels participant à des équipes d’établissements du médicosocial venir nous demander d’apprendre la technique pour en faire bénéficier les enfants et les adolescents qu’ils accueillent. Quand c’est possible, la prise en charge par packing commence en milieu hospitalier et se poursuit dans l’établissement médicosocial avec des réunions de supervision communes aux équipes thérapeutiques et médicosociales dans le cadre d’une pratique de psychiatrie de secteur. La pratique de cette technique permet de ne pas utiliser les médicaments psychotropes de façon excessive et facilite la restauration des échanges entre l’enfant et ceux qui le prennent en charge, et donc avec ses parents et sa fratrie.
Les reproches qui sont faits aux praticiens du packing au sujet du fait qu’ils ne demandent pas leur avis aux enfants ne sont pas recevables puisque dans les cas de la plupart de ces enfants, leur avis ne serait pas suffisant du fait de l’importance de leur retard de langage voire de leur déficience co-morbide, ce qui vaut pour tous les soins qui sont indiqués pour les enfants en question, et que ce sont les parents qui doivent donner un accord éclairé pour les soins proposés à leur enfant. Dans certains cas d’enfants qui parlent, nous leur présentons la technique et demandons aux parents d’en parler avec eux de leur côté. Et il n’est pas rare de voir un enfant sans langage nous prendre par la main lors des jours qui suivent les premières séances pour nous conduire dans la salle dans laquelle son enveloppement est réalisé. Ces reproches montrent à quel point un malentendu existe puisque nous ne parlons manifestement pas des mêmes enfants autistes : les uns ont un pronostic relativement favorable et peuvent bénéficier pleinement des approches éducatives si les parents le souhaitent, tandis que d’autres ont absolument besoin d’approches thérapeutiques du fait de la gravité de leur tableau clinique. Les praticiens sont dans l’obligation de tenir compte de tous les cas et ne peuvent s’en tenir à généraliser à partir d’un seul exemple. Et les parents le comprennent habituellement sans difficulté.
Enfin, cette technique fait l’objet de l’expérience de très nombreuses équipes, et depuis plus de dix ans, des demandes ont été faites pour obtenir la possibilité d’en évaluer les effets thérapeutiques en référence aux critères habituellement reconnus en médecine et en psychiatrie sous la forme de dossiers de Programme Hospitalier de Recherche Clinique. Après plusieurs demandes déposées auprès des commissions ad hoc, un Programme Hospitalier de Recherche Clinique National a été obtenu en 2007, suivi d’un avis favorable du Comité de Protection des Personnes du CHRU de Lille ( à l’unanimité et à bulletin secret) fin 2008. Nous venons donc de rassembler tous les éléments qui nous permettent de lancer cette recherche pour démontrer les effets de cette méthode et en évaluer l’efficacité. Je rappelle qu’une telle évaluation ne peut être entreprise que si la technique est réalisée en fonction de critères éthiques admis par la communauté scientifique médicale. Ce qui est le cas pour notre recherche.
Nous voici donc dans la position paradoxale d’avoir enfin réuni les éléments permettant d’évaluer clairement et rigoureusement ce que l’expérience nous montre depuis longtemps. Et c’est précisément à ce moment-là que des voix s’élèvent pour demander un arrêt de ces pratiques, sans avoir pris la précaution de se renseigner suffisamment sur elles ni auprès de ceux qui la proposent. Et loin de le faire dans un esprit consistant à s’informer à partir des expériences de ceux qui en expriment le besoin, à savoir des professionnels posant les indications de soins par packing pour les raisons déjà évoquées, mais aussi plus fréquemment que ces détracteurs ne veulent le reconnaître, par des parents qui y trouvent une réponse aux symptômes épouvantables que sont, entre autres, les automutilations graves.
Je crois pour ma part que cet aveuglement manifesté par les calomniateurs tient à plusieurs raisons : premièrement, au fait qu’ils ont été blessés par des praticiens s’inspirant de la psychanalyse et souhaitent que tout ce qui s’en inspire soit banni à jamais, oubliant que si des psychanalystes ont sans doute commis des erreurs en ce qui concerne la prise en charge de l’autisme, la psychanalyse a eu un rôle prévalent dans la construction d’un savoir psychopathologique aux effets considérables sur les processus civilisateurs contemporains. Pour ce qui est de l’autisme, de nombreux praticiens formés aujourd’hui à la psychothérapie des enfants présentant des TED peuvent apporter un témoignage de leur travail dans ce domaine et plusieurs d’entre eux participent à une évaluation de leurs prises en charge.
Le deuxième faisceau d’arguments se trouve dans le fait que les calomniateurs ne connaissent sans doute pas assez les cas les plus graves d’autisme, aboutissant trop souvent à des symptômes difficilement imaginables par la violence que ces personnes autistes produisent soit sur eux-mêmes soit sur autrui. Je pense d’ailleurs à ce sujet que les méthodes prônées de façon univoque ne peuvent pas répondre en général à toutes les formes d’autisme et qu’il y a bon nombre de malentendus qui résultent de cette méconnaissance. La méthode ABA pourra répondre à certains types d’autisme tandis que d’autres méthodes ou techniques pourront répondre à d’autres types. Il en va de même pour la plupart des symptômes. Ce qui nous conduit à penser des prises en charge multiples et complémentaires réfléchies avec les parents en fonction de chaque cas. Et d’ailleurs, les praticiens du packing ne proposent en aucun cas d’étendre la technique à tous les enfants autistes, juste à ceux qui en ont besoin. Troisièmement, il apparaît que lorsqu’une technique est efficace pour certains patients, je suis toujours surpris que des parents, dont ce n’est sommes toutes pas le métier, puissent s’arroger le droit d’empêcher d’autres parents d’en bénéficier pour leur enfant, les soumettant ainsi à une tyrannie qui se fait passer pour la vérité, y compris en utilisant la science comme caution, quand elle n’est que l’expression d’une intolérance vertigineuse et peut-être la couverture d’une publicité commerciale, voire sectaire, pour la méthode encensée. Et d’ailleurs, n’ayant pas les arguments pertinents pour leur plaidoyer, ils manipulent les médias pour faire pression sur l’opinion de façon à obtenir par la rue ce que les procédures classiques ne peuvent leur donner.
Les autres approches proposées dans les lieux de soins des équipes de pédopsychiatrie française, c’est-à-dire les hôpitaux de jour qu’il est devenu habituel de critiquer sans vergogne, sont également menacées par ces nouveaux contempteurs de la psychiatrie : ne nous faisons aucune illusion, leur haine tenace a l’ensemble des équipes de pédopsychiatrie dans le collimateur, et sitôt le packing interdit, ce sont les autres soins qui seront les victimes suivantes. Car à quelque chose près, il s’agit de la même pensée clivante et simplificatrice qui consiste à utiliser la calomnie quand on est à court d’arguments recevables. Jusqu’à présent, j’avais supporté avec une indulgence trop bienveillante ces procédés dignes de régimes totalitaires de sinistre mémoire, mais aujourd’hui, la limite est franchie, il n’est pas possible de continuer à accepter de quelques parents qui ont dépassé la norme du fonctionnement démocratique, les pratiques qu’ils utilisent pour occire leurs opposants sur le modèle inquisitorial.
Je demande à tous les parents qui bénéficient pour leurs enfants de prises en charge dans les secteurs de pédopsychiatrie de France de nous aider à aider leurs enfants dans la poursuite de la mise en œuvre de telles prises en charge avec tous les partenaires nécessaires, étant entendu que ces équipes qui les accueillent sont dans un processus de formation à l’intégration des différents aspects complémentaires : l’éducatif, la pédagogie et les soins psychiques.
Je demande à tous les professionnels des équipes de pédopsychiatrie française de se ressaisir, et de ne pas continuer à accepter les calomnies dont nous sommes aujourd’hui pratiquement tous victimes de façon scandaleuse et injustifiée, et de développer avec les parents des enfants qu’ils accueillent dans le cadre d’une politique de secteur bien comprise, des actions qui visent à montrer que les agresseurs ne sont pas les seuls à pouvoir parler de l’autisme de façon autorisée, et notamment de ce qu’ils ne connaissent pas personnellement et que leurs calomnies montre de façon éclatante ; j’en profite pour dire qu’il ne suffit pas de lire des informations sur internet pour devenir compétent de ce seul fait. Si je répugne à demander aux parents de nous aider, je crois qu’aujourd’hui, après avoir observé en silence les dégâts réalisés par notre attitude antérieure de neutralité bienveillante, il n’est plus possible de laisser se répandre de telles manifestations de haine sans que cela ait des conséquences sur le travail que nous menons.
Je demande aux scientifiques de faire l’effort conceptuel d’avancer sur les chemins des neurosciences autant que faire se peut, mais sans réduire les pratiques admises aux seuls résultats validés. Par définition, avant d’être validés toutes les hypothèses doivent pouvoir être envisagées, posées, travaillées, sans courir le risque d’être disqualifiées pour des raisons idéologiques, si les conditions éthiques dans lesquelles ces soins se délivrent font l’objet d’un consensus accepté par les instances concernées. Je ne parle pas là des caricatures toujours faciles à faire pour dénigrer celui qu’on veut déstabiliser.
Je demande aux politiques de ne pas tomber dans la posture démagogique qui consisterait à tenir compte de ceux qui font le plus de bruits sans tenir compte des différents points de vue concernés. Bien au contraire, nous avons vu que c’est de la mobilisation des parents d’enfants autistes qu’est venue la possibilité de faire remonter auprès des décideurs les manques insondables en matière de prises en charge sur tout le territoire national. Ils doivent tenir compte de l’ensemble de la problématique présentée, et aussi prendre en considération les avis exprimés par les professionnels et leurs représentants. C’est de cette articulation fondamentale que leur rôle pourra produire les meilleurs effets de déblocage des crispations insupportables auxquelles nous sommes arrivés.
Je demande aux administrations nationales, régionales et locales de nous aider à mettre autour de la table de discussion, quitte à se faire aider d’un médiateur, tous les partenaires qui gravitent autour de la question de l’autisme pour que le dialogue qui est le seul ressort sur lequel nous pourrons avancer puisse devenir le scénario le plus fréquent.
Je demande aux médias dont le rôle de quatrième pouvoir se vérifie de plus en plus, de continuer à tenir bon sur leur rôle qui consiste à informer le citoyen de la façon la plus objective possible en donnant la parole aux différentes parties en présence, et de ne pas tomber dans une utilisation pervertie de leur outil, qui accentuerait, déformerait et conflictualiserait les souffrances des uns contre les autres dans une visée médiamétrique aux effets ravageurs sur les personnes directement concernées, alors que cet outil recèle des possibilités pédagogiques énormes quand il est justement utilisé. La psychiatrie est aujourd’hui un bouc émissaire trop facile à désigner. Les professionnels qui y travaillent font dans la plupart des cas tout ce qui est dans leurs capacités pour rester humains dans la relation qu’ils instaurent avec les patients qui leur sont confiés. A trop leur faire porter l’ensemble des malheurs qui touchent la population des personnes autistes, on risque d’aboutir à un « burn out » généralisé qui aurait des conséquences désastreuses en matière de psychiatrie, et in fine, sur le plan sociétal. Les médias peuvent nous aider puissamment à un véritable débat démocratique.
Je demande enfin à tous les citoyens de ce pays de ne pas oublier que nous sommes des corps et des esprits humains, dont les deux aspects sont inséparables. Une maladie, même d’origine génétique ou neurologique, connaît toujours des développements qui englobent le psychisme du malade, et contribuer à une meilleure santé nécessite d’associer des approches physiques et psychiques pour y parvenir. Les soins psychiques proposés par les équipes de psychiatrie de secteur aujourd’hui ont pour objectif d’aider à cette démarche dans un climat pacifié. Toute polémique haineuse ne peut qu’en minimiser les effets bénéfiques attendus.
a écrit :Abus de confiance, par Caroline Eliacheff
jeudi 8 décembre 2011, par Michel Balat
14. ABUS DE CONFIANCE
(7 décembre 2011)
Caroline Eliacheff, les Matins de France-Culture
Imaginez, cher Marc, que vous soyez un ou une pédopsychiatre psychanalyste ayant une renommée nationale voire internationale dans le domaine de l’autisme auquel vous consacrez tout ou partie de votre vie professionnelle. Une personne se présentant comme journaliste, Sophie Robert vous contacte se recommandant de collègues prestigieux. Son projet : réaliser pour la chaîne Arte une émission sur les grands concepts de la psychanalyse et sur la place actuelle de cette discipline dans la prise en charge des autistes. La référence à Arte vous met en confiance. Après tout, il n’est plus si fréquent d’avoir l’occasion de parler sérieusement de la psychanalyse à la télévision et la prise en charge des autistes est le champ de controverses qu’il serait grand temps de clarifier. Vous recevez donc Sophie Robert qui vous assure que chacun aura le temps d’exposer son point de vue et qu’elle vous soumettra le montage final. Bref, toutes les conditions sont réunies pour que vous y alliez !
Les personnes sollicitées, une trentaine, ont toutes eu droit à un long entretien, alternant questions précises et discussion libre autour par exemple de la biologie de la grossesse, de la place historique de Bettelheim ou encore du concept peu connu de censure de l’amante.
Au final, elles se sont faites rouler dans la farine : la journaliste n’en est pas une, elle n’a jamais eu d’accord formel de la chaîne Arte qui a refusé le documentaire, ce dont elle s’est bien gardée d’avertir les protagonistes. Qu’a-t-elle fait de ces archives ? Eh bien elle n’a pas retenu la leçon de Godard qui disait que le montage est l’art de rendre l’image dialectique. Tout effet de montage étant producteur de sens, Sophie Robert a donné à son documentaire Le MUR un sens unique, celui qui conforte ceux qui veulent éradiquer la psychanalyse de la prise en charge des autistes. L’une de ses techniques a consisté à refaire hors champ une question concernant l’autisme en donnant comme réponse des phrases tronquées extraites d’un autre contexte. L’effet de ridicule est assuré mais plus grave, le message est inversé. En manipulant leurs propos, est accréditée l’idée que les psychanalystes ne font que culpabiliser les parents ; mieux encore : accrochés à des certitudes passéistes, ils sont les uniques responsables du retard pris par la France dans la mise en place de méthodes éducatives qui, elles seules, je dis bien seules, seraient efficaces. En réalité, ces spécialistes de l’autisme non seulement défendent mais mettent en pratique un trépied comportant, comme l’un d’eux le résume " une approche éducative toujours, une approche pédagogique si possible et une approche thérapeutique si nécessaire". Mais pour qui roule Sophie Robert ? Pour une association de parents d’enfants autistes, Vaincre l’autisme qui mène depuis des années une véritable croisade d’intoxication contre les psychanalystes. La projection en salle du MUR a été placée sous son égide avant d’être complaisamment accueilli sur internet.
Trois des interviewés ont demandé à la justice qui se prononcera demain d’interdire ce film. La très sérieuse association CIPPA (Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant de personnes avec Autisme), dont plusieurs adhérents ont été floués a mis en ligne un dossier rétablissant la vérité autour de leurs pratiques conçues en constante articulation avec les autres approches qui loin de se contredire s’enrichissent les unes les autres. Le Mur est une pure escroquerie qui serait risible si le sujet n’était aussi grave.
a écrit :Notice explicative sur les derniers évènements à propos du packing Janvier 2012
Pierre Delion
vendredi 6 janvier 2012, par Michel Balat
Notice explicative sur les derniers évènements à propos du packing
Janvier 2012
Pierre Delion, professeur à la faculté de médecine de Lille 2, chef du service de pédopsychiatrie au CHRU de Lille
L’ampleur de la polémique autour du packing enfle chaque jour et les informations qui circulent à son propos sont tellement erronées et outrancières que je me résous à rédiger cette mise au point. Je ne peux évidemment répondre que des pratiques conformes à ce que j’enseigne depuis de très nombreuses années, et je n’ignore pas que, par ailleurs, des entreprises douteuses peuvent être incriminées car elles dérogeraient à la pratique et à l’éthique médicale. De plus, le packing ne concerne que quelques enfants porteurs de TED/TSA lorsqu’ils présentent des signes graves voire gravissimes de troubles du comportement, pour lesquels une indication précise doit être posée et une formation de l’équipe réalisée dans de bonnes conditions.
Lorsque j’ai pratiqué les premiers packings avec des enfants autistes dans les années 1985, il s’agissait pour moi, en tant que pédopsychiatre hospitalier sectorisé, de trouver une solution de traitement pour des symptômes extrêmement préoccupants que présentaient quelques enfants avec Troubles Envahissants du Développement/Troubles du Spectre Autistique, notamment des automutilations pour lesquelles les soignants n’avaient aucun autre recours (une des premières enfants concernées s’était automutilée l’œil avec son ongle, et son symptôme automutilatoire a cédé en quelques semaines de packing). Les bons résultats de cette méthode, utilisée par mes prédécesseurs pour traiter la dissociation schizophrénique des adultes, m’ont conduit à en formaliser la pratique sous la forme d’écrits de cas cliniques parus dans diverses revues et livres. J’insistais déjà à l’époque sur le fait que la technique du packing permet de traiter l’automutilation et d’autres symptômes graves du comportement, mais ne guérit pas l’autisme.
Lorsque les possibilités de conduire des recherches dans le cadre de Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique ont été créées (1992), j’ai présenté des projets en ce sens au CHU d’Angers, mais sans succès. Entre-temps la pratique du packing avait rencontré un vif succès auprès de nombreuses équipes de pédopsychiatrie qui constataient que cette technique ouvrait une possibilité de traiter les symptômes graves des enfants TED/TSA déjà évoqués. Peu après ma nomination à la faculté de médecine et à la chefferie de service au CHRU de Lille, nous avons, avec l’aide de Jean Louis Goeb, construit un nouveau projet et l’avons déposé auprès des services concernés. En 2008, un PHRC National a enfin été accepté (PHRC 2007/1918, No Eudra CT : 2007-A01376-47) et le ministère de la Santé a financé notre projet de recherche visant à mettre en évidence « l’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA ». Je rappelle que les PHRC reçoivent obligatoirement un avis favorable du Comité de Protection des Personnes du CHRU à l’origine du projet de recherche pour être validés. Actuellement, après trois ans de travail avec l’aide de Céline Lallié (psychologue PHRC) et de Maud Ravary (psychomotricienne PHRC), nous sommes toujours en phase d’inclusion des enfants dans cette recherche dans la mesure où un certain nombre d’actions ont été conduites par ses détracteurs pour en empêcher la réalisation de la recherche, ce qui nous a obligé à demander une prolongation de deux ans de l’étude, ce qui a été accordé, mais sans obtenir pour autant de financement supplémentaire.
Les conditions de réalisation de cette étude, ainsi que la pratique du packing de façon plus large, restent problématiques pour les raisons que je vais tenter de résumer comme suit. Le président d’une association de parents d’enfants autistes (d’abord Léa pour Samy puis désormais Vaincre l’autisme) décide de faire interdire la pratique du packing, la jugeant contraire à ses idées d’éthique et de recherche en matière d’autisme. Il élabore une stratégie utilisant la dissuasion et la menace auprès des praticiens de terrain et le lobbying auprès des scientifiques et des politiques pour arriver à ses fins. Il commence par organiser diverses manifestations spectaculaires pour attirer l’attention des médias et, lors de la journée mondiale de l’autisme (2009), sa prestation sur le pont des Arts et au ministère de la Santé à Paris lui permet d’être reçu par les plus hautes autorités de la Santé auxquelles il demande un moratoire sur ces pratiques en France.
Sensibilisée à la question de l’autisme, Valérie Létard, alors secrétaire d’Etat à la Solidarité, se fait l’écho exact de ces revendications, en soutenant de façon officielle les positions de cette association, ce qui aura des effets durables auprès de l’ensemble du secteur médicosocial dans lequel elle est très implantée. Heureusement, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, plutôt que de céder à ces demandes tendancieuses, demande le 30 juin 2009 un avis au Haut Conseil de la Santé Publique. Cette instance reconnue rend le 2 Février 2010 un avis favorable à la pratique du packing, à la condition de suivre la méthode telle qu’elle est stipulée dans le PHRC déjà évoqué. J’ajoute que les risques psychologiques évoqués par le rapport et mis en avant par le président de l’association Vaincre l’autisme pour disqualifier la pratique du packing, font partie des précautions que j’ai moi-même transmises au Haut Conseil afin d’éviter d’utiliser cette technique sans la garantie d’une supervision. Le président de l’association en question, surpris et scandalisé de l’avis du Haut Conseil, décide de poursuivre la mission qu’il s’est fixée. Il arrive par l’intermédiaire de scientifiques appartenant ou ayant appartenu au conseil scientifique de son association, à organiser, lors d’un congrès international (Catane 2010), une réunion rassemblant plusieurs grands scientifiques, reconnus sur le plan international pour leurs travaux en matière d’autisme, et que je respecte à ce titre, qui signent une lettre (ce qui n’équivaut pas, loin s’en faut à un article scientifique) qui paraîtra dans le JAACAP (Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry) en février 2011, intitulée « Against the packing ». A noter que dans la liste de ces grands scientifiques, plusieurs ne sont pas précisément en position d’experts et/ou de médecins chargés de soigner les troubles graves du comportement (Pr. Bourgeron généticien, Pr. Rizolatti neuroscientifique des neurones miroirs…). A noter également que la réponse (en France on parle de « droit de réponse ») que j’avais proposée à cette prestigieuse revue (« Again the packing ») n’a pas été publiée, montrant à l’évidence que le débat intellectuel et scientifique n’était pas à l’ordre du jour. A noter enfin que les dits grands scientifiques, lorsqu’ils seront confrontés à la publication des résultats de la recherche actuelle sur l’efficacité du packing, à condition que les résultats soient positifs, regretteront sans doute de s’être laissés embarquer dans cette aventure peu scientifique. En effet, ils savent bien qu’avant de pouvoir démontrer quelque vérité scientifique que ce soit, le chercheur émet des hypothèses abductives (j’ai l’intuition que) puis conduit ses recherches pour tenter de démontrer de façon déductive et inductive les hypothèses émises. S’il n’y avait pas d’abord des intuitions basées sur la clinique, aucune découverte n’aurait pu être faite en médecine, ni a fortiori démontrées dans le cadre de l’Evidence Based Medicine.
Ensuite, lors d’une récente réunion à Glasgow, en mars 2011, le Professeur Gillberg, un des auteurs de la lettre citée précédemment, lance, à l’initiative de Vaincre l’autisme dont il préside le comité scientifique, un manifeste déclarant le packing contraire à la déontologie. Non content de ces manifestations plus idéologiques que scientifiques (le président de l’association déclare dans les lettres de mise en demeure qu’il adresse aux directeurs du CHRU de Lille et de Pitiè-Salpêtrière/Paris, que les signataires de ces manifestes ne connaissaient pas le packing ! et je me permets de douter de la qualité de l’information « loyale » qu’ils ont dû recevoir à ce propos), une association proche intervient auprès d’une autre revue internationale, le Journal of physiology-Paris, pour faire retirer un article modeste que j’y avais fait paraître, intitulé « Towards a dialogue between psychoanalysis and neurosciences/vol 105, issues 4-6, december 2011, p.220-222 » exposant ma position de pédopsychiatre intégratif, et dans lequel j’ai eu le malheur de mettre le mot « packing » dans les mots-clés. Est-ce que cet article, maintenu malgré les pressions pesant sur la rédaction, présentant succinctement le packing, les articles scientifiques sur lesquels sa pratique repose et la recherche en cours actuellement à Lille, pourrait amener des lecteurs à s’étonner qu’on veuille faire taire une pratique qui finalement peut répondre à des questions que se posent un certain nombre de cliniciens aux prises avec l’automutilation ? Voilà de quoi réfléchir sur l’importance que ce mouvement accorde au débat scientifique dont il ne cesse de se prévaloir ! Plus loin encore, le président de cette association a récemment écrit à mon directeur du CHRU de Lille, ainsi qu’à celui de mon confrère le Professeur David Cohen, pédopsychiatre à la Pitié-Salpêtrière pour les mettre en demeure de répondre à des questions qu’il pose sur l’utilisation des fonds publics et autres critiques faites à l’exercice de la pédopsychiatrie publique dans les cadres hospitalier et universitaire (la pratique du packing serait une manière de détourner l’argent du contribuable). Les doubles de ses lettres adressées aux partenaires de ma pratique ordinaire (par exemple le Conseil Régional, la Mairie de Lille…) tendent à jeter un discrédit sur mes actions et recherches, et ainsi, par rebonds successifs, à empêcher la réalisation du PHRC incriminé et à me déconsidérer aux yeux des personnes avec lesquelles je suis en contact permanent pour effectuer mes missions de service public. Je rappelle que la pratique du packing représente une infime partie de mon travail de professeur à la faculté de médecine de Lille 2 et de chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille.
Enfin, une lettre signée de Martine Aubry lorsqu’elle était candidate à la primaire socialiste, fait état de sa décision de supprimer la packing si elle était élue à la présidence de la République dès 2012. Après information auprès de l’intéressée, il apparaît que l’insertion de la mention concernant l’interdiction du packing a été introduite sans qu’elle soit au courant ; une lettre de démenti de sa part, dans laquelle elle rappelle à juste titre qu’un politique n’a pas à prendre partie dans le soin. Sa lettre est désormais disponible pour les personnes intéressées sur le site de Michel Balat.
Toutes ces informations tronquées produites par le président de cette association, ne retenant que les arguments qui arrangent la défense de sa cause, confinent au harcèlement professionnel et à la diffamation, et on peut s’interroger, à la lumière de telles méthodes, sur le but poursuivi quand il tente d’écarter toute réflexion n’appartenant pas aux courants qu’il juge lui-même importants, et notamment, en simplifiant les problématiques complexes telles que les prises en charge des enfants TED/TSA qu’il connaît de façon partielle.
Je remarque à ce propos que ma position de responsable d’un service de pédopsychiatrie me met au contact avec les enfants qui présentent les problématiques les plus graves et dont l’état de santé nécessite, en plus des approches éducatives et pédagogiques, une approche sanitaire quelquefois importante en temps et en espaces thérapeutiques proposés, ce qui justifie le recours aux hôpitaux de jour en pédopsychiatrie. Il ne s’agit pas pour moi de minimiser les souffrances de ces enfants et adultes porteurs de TED/TSA ni celles de leurs parents avec lesquels j’ai cheminé depuis près de quarante années. J’ai la plupart du temps noué des relations très positives avec eux et je note d’ailleurs que les rumeurs, disqualifiantes à mon endroit, qui circulent sur les forums ne sont écrites que par des personnes que je ne connais pas et qui ne me connaissent pas personnellement. Par contre, il s’agit manifestement d’une entreprise concertée, menée de façon méthodique, pour déstabiliser les « adversaires » qui ne pensent pas conformément à leur point de vue, et prêts à aller jusqu’au bout de leur intransigeance.
Pour ma part, j’ai tenté depuis de nombreuses années de proposer et de réaliser des actions au niveau de ma pratique, de mes recherches et de mes enseignements universitaires qui visent à intégrer les différentes données en présence, aussi bien sur les plans scientifiques et de recherche que sur celui de la qualité de la relation humaine, dans laquelle l’approche psychanalytique nous apporte, parmi beaucoup d’autres approches qu’il s’agit d’intégrer au service des enfants autistes, une précieuse contribution. Actuellement dans mon service du CHRU de Lille, les enfants porteurs de pathologies TED/TSA sont pris en charge de manière intégrative en appui sur le trépied « éducatif toujours, pédagogique si possible et thérapeutique si nécessaire » et sous l’égide des parents. Tous ceux qui aujourd’hui colportent le contraire se livrent à de lâches calomnies (il est tellement facile de répandre ces rumeurs sur le « net » en sachant que l’on n’aura pas à en répondre en conscience, les yeux dans les yeux, devant quelqu’un que l’on connaît personnellement). Des parents dont j’ai soigné les enfants sont en train de préparer des témoignages qui viendront s’ajouter aux quelques deux mille messages de soutien recueillis sur le site de Michel Balat à la suite de ma lettre ouverte aux parents et aux professionnels d’enfants autistes. Au niveau du Centre Ressources Autismes du Nord Pas de Calais dont mon équipe CHRU est partenaire puisqu’elle assume la responsabilité de l’Unité d’Evaluation Diagnostique, notre politique suit la même logique intégrative et essaye de développer cette philosophie de travail auprès de tous les collègues de notre région. Au niveau de la faculté de médecine, mon enseignement va également dans ce sens, tendant à conjuguer de façon ouverte et apaisée, les articulations entre neurosciences et psychopathologie au service des patients présentant des pathologies pédopsychiatriques, dont les TED/TSA font partie, ainsi que beaucoup d’autres pathologies du développement. Notre équipe de recherche n’a pas à rougir des nombreux résultats obtenus dans ces domaines (interactions foeto-maternelles en imagerie cérébrale fonctionnelle, hallucinations chez l’enfant, carences affectives précoces des bébés…). Enfin, les pratiques et les réflexions engagées pour permettre aux disciplines pédopsychiatriques et neuropédiatriques de collaborer autour des problématiques complexes (THADA, TED/TSA, épilepsies, déficiences,…), par exemple en organisant des consultations conjointes, afin de rendre les meilleurs services aux enfants et à leurs parents, sont issues de la nécessité d’articuler aujourd’hui les approches neuroscientifiques et psychopathologiques.
Nos détracteurs peuvent continuer à faire comme si nous étions d’un autre âge, d’une autre planète, d’une autre complexion, disqualifiant en passant beaucoup d’acteurs majeurs de notre santé publique, et notamment les nombreuses équipes de pédopsychiatrie qui se préoccupent, quoiqu’on en dise, des enfants porteurs de TED/TSA. Cela facilite sans doute l’accumulation d’arguments aussi fallacieux que simplificateurs, caricaturant une pratique dans laquelle je ne me reconnais absolument pas, ni mon équipe hospitalo-universitaire.
En revanche, j’assume ce que nous sommes vraiment, des praticiens enseignants chercheurs nourris de l’humanisme de nos pères, engagés dans le soulagement des souffrances des enfants et de leurs parents et déterminés à faire cesser cette entreprise, aussi insensée que cruelle, de désinformation générale de nos concitoyens, dont les conséquences rejaillissent sur les enfants concernés et sur leurs parents et sur ceux qui les aident au quotidien.
Qu’on prétende faire la guerre à l’autisme, soit !, encore faut-il ne pas se tromper d’ennemis.