La notion d'"état ouvrier dégénéré"

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Zelda » 09 Oct 2011, 18:45

Yann, t'as vraiment décidé d'être désagréable aujourd'hui ? :hinhin:
Zelda
 
Message(s) : 0
Inscription : 31 Jan 2010, 14:08

Message par shadoko » 09 Oct 2011, 22:22

Je sens que ce fil est en train de dégénérer.
shadoko
 
Message(s) : 2
Inscription : 17 Juin 2004, 19:35

Message par Matrok » 09 Oct 2011, 23:11

(shadoko @ dimanche 9 octobre 2011 à 22:22 a écrit : Je sens que ce fil est en train de dégénérer.
Oui, ça vole bas.
Matrok
 
Message(s) : 177
Inscription : 12 Mars 2003, 21:43

Message par Puig Antich » 09 Oct 2011, 23:18

Trotsky a dit et fait plein de choses grandioses en défense du programme communiste face aux bourgeois et aux staliniens. Sur plein de plans, politiques, il est bien supérieur à Bordiga, (sans parler des autres " capitalistes d'état " cités plus haut qui sont dans la cour au-dessous). Mais pas sur la structure économique de la Russie et, du coup, sur la question de la transition au socialisme et de ce qu'elle signifie.

Il faudra bien finir par reconnaître qu'on ne peut pas analyser une société comme postcapitaliste en se fondant uniquement sur des rapports juridiques de propriété, indépendamment même de la nature de l'état - sauf à considérer le socialisme comme un simple capitalisme étatisé, plus ou moins démocratisé. D'ailleurs on ne peut pas dire que Trotsky comment entièrement cette erreur : c'est vrai que sa conclusion, c'est ça : " l'état est issu d'une révolution ouvrière, il a entre les mains une partie substantielle des moyens de production, donc la société n'est pas capitaliste ", mais il insiste beaucoup sur les rapports sociaux en Russie eux-mêmes, pour faire apparaître toutes les similitudes du régime économique avec le capitalisme.

Le "mouvement trotskiste" lui n'a globalement retenu que la conclusion sur ces rapports juridiques-là. Or, si au lieu de chercher sociologiquement des classes sociales pour en trouver une bourgeoise, on observe le salariat et son expansion comme le facteur essentiel, alors il est clair qu'on est face au capitalisme. Pas besoin de lire Le Capital, même si ça peut aider, c'est déjà très clair dans Le Manifeste : là où s'accroit le salariat, s'accroit le capital, et vice et versa. Trotsky d'ailleurs dans la " révolution trahie " s'attaque au mot d'ordre d' "abolition du salariat" pour justifier son mot d'ordre (une révolution politique, pas une révolution sociale). C'est pourtant le mot d'ordre phare de Marx, et surtout le contenu du socialisme.

Cela n'est d'ailleurs pas à mon avis un jugement moral sur le régime ni même politique sur des mots d'ordre comme " défense de l'URSS ", car ce développement était progressiste, mais au sens simplement bourgeois du terme, au sens où effectivement le capitalisme est la base matérielle du socialisme. Mais voir ça historiquement impliquerait d'ailleurs pour certains " orthodoxes " (soi-disant) de remettre en cause aussi des idées un peu simplistes et mécaniques comme " les forces productives ont cessé de croître ", etc.
Puig Antich
 
Message(s) : 0
Inscription : 25 Nov 2004, 02:02

Message par yannalan » 10 Oct 2011, 10:46

Oui, mon post volait bas,mais quand j'ai vu l'histoire de la poule ça m'a rappelé le proverbe, que je ne reprends évidemment pas à mon compte....
Pour le reste, quelque soit l'analyse, la nécessité d'une révolution est de toute façon évidente...
yannalan
 
Message(s) : 303
Inscription : 15 Déc 2005, 17:37

Message par quijote » 10 Oct 2011, 11:57

Personnellement je pense qu 'il faut parler plutôt qu'en termes "économiques " , en termes politiques .. car la dictature du prolétariat , un Etat ouvrier ,peut très bien prendre en tant que mesures transitoires et pour assurer sa survie , prendre dis-je , des mesures capitalistes comme la NEP en Russie , l 'essentiel étant que le prolétariat et son avant garde , garde politiquement le pouvoir , ce qui ne fut pas le cas, car le pouvoir fut , comme on sait, confisqué par la bureaucratie ..d'où 'exploitation des travailleurs au profit d 'une couche...mais à l 'époque de Trotsky et même à la nôtre ( là je fais preuve d 'optimisme révolutionnaire , direz -vous) , tout n'est pas définitivement joué , enfin..
quijote
 
Message(s) : 0
Inscription : 25 Mars 2003, 17:11

Message par artza » 11 Oct 2011, 08:46

(Puig Antich @ lundi 10 octobre 2011 à 00:18 a écrit :

Il faudra bien finir par reconnaître qu'on ne peut pas analyser une société comme postcapitaliste en se fondant uniquement sur des rapports juridiques de propriété, indépendamment même de la nature de l'état - sauf à considérer le socialisme comme un simple capitalisme étatisé, plus ou moins démocratisé. D'ailleurs on ne peut pas dire que Trotsky comment entièrement cette erreur : c'est vrai que sa conclusion, c'est ça : " l'état est issu d'une révolution ouvrière, il a entre les mains une partie substantielle des moyens de production, donc la société n'est pas capitaliste ", mais il insiste beaucoup sur les rapports sociaux en Russie eux-mêmes, pour faire apparaître toutes les similitudes du régime économique avec le capitalisme.

Le "mouvement trotskiste" lui n'a globalement retenu que la conclusion sur ces rapports juridiques-là. Or, si au lieu de chercher sociologiquement des classes sociales pour en trouver une bourgeoise, on observe le salariat et son expansion comme le facteur essentiel, alors il est clair qu'on est face au capitalisme. Pas besoin de lire Le Capital, même si ça peut aider, c'est déjà très clair dans Le Manifeste : là où s'accroit le salariat, s'accroit le capital, et vice et versa. Trotsky d'ailleurs dans la " révolution trahie " s'attaque au mot d'ordre d' "abolition du salariat" pour justifier son mot d'ordre (une révolution politique, pas une révolution sociale). C'est pourtant le mot d'ordre phare de Marx, et surtout le contenu du socialisme.

Cela n'est d'ailleurs pas à mon avis un jugement moral sur le régime ni même politique sur des mots d'ordre comme " défense de l'URSS ", car ce développement était progressiste, mais au sens simplement bourgeois du terme, au sens où effectivement le capitalisme est la base matérielle du socialisme. Mais voir ça historiquement impliquerait d'ailleurs pour certains " orthodoxes " (soi-disant) de remettre en cause aussi des idées un peu simplistes et mécaniques comme " les forces productives ont cessé de croître ", etc.

Bref, tu dis un peu tout et son contraire, et de tout ça ne sort qu'une petite pique contre les "trotskystes" dont tu fais un lot, qui n'auraient pas compris que etc...

Le fond du problème c'est qu'en fait tu ne sais pas qu'il y a eu une révolution prolétarienne en URSS ou tout au moins que tout ça a eu bien peu de conséquence à tes yeux.

Si la semaine prochaine la classe ouvrière en France s'empare du pouvoir politique sur les débris de l'état bourgeois, exproprie l'industrie, les banques, les moyens de transports et de communication, les grandes surfaces, nationalise la terre (la, mine de rien comment faire sans que le pouvoir ouvrier soit illico renversé par les siens?) et bien oui, on peut dire qu'on est dans une société post-capitaliste. Je préfère dire transitoire entre le capitalisme et le socialisme.

Trotsky avait raison en son temps, tu ne dis pas trop le contraire d'ailleurs sans t'engager vraiment.

La Russie d'aujourd'hui n'est évidemment pas l'URSS de 1940 ni même de 1990, et alors Trotsky s'est trompé. En quoi? Ah, oui il n'y a pas eu de révolution politique, et alors, franchement ça prouve quoi?

Que Martov avait raison, c'était folie de prendre le pouvoir en 1917... car si erreur, il y a, elle est là!
artza
 
Message(s) : 2525
Inscription : 22 Sep 2003, 08:22

Message par Puig Antich » 11 Oct 2011, 14:18

Bien sûr que la révolution d'Octobre a eu des conséquences formidables, aussi bien au plan politique qu'au plan économique.

Au plan politique d'abord, le marxisme révolutionnaire est restauré face à l'opportunisme social-démocrate, ce qui se matérialise dans la création de l'Internationale Communiste - création qui est un peu le fait marquant et structurant du mouvement ouvrier jusqu'à aujourd'hui, puisque c'est un peu pour ou contre ses acquis politiques qu'on se positionne, et c'est le critère qui permet de discerner qui est révolutionnaire, et qui ne l'est pas.

Au plan économique, ensuite, tout n'est pas aussi clair que ce qu'on en retient un peu trop shématiquement. Oui la bourgeoisie est expropriée, mais elle ne l'est pas en vertu d'un programme socialiste que les bolcheviks auraient voulu réaliser immédiatement - au contraire ces derniers se positionnent par rapport à la situation économique du pays, agraire, retardataire, etc.

Ils promeuvent certes un Etat ouvrier appuyé sur la paysannerie pauvre, mais au plan de la politique économique veule d'abord prudemment mettre les banques sous contrôle de l'Etat et permettre à la classe ouvrière de contrôler la production, mais sans exproprier nécessairement tous les gros capitalistes. C'est d'ailleurs une reconnaissance implicite que le pouvoir peut être prolétarien, sans que la structure économique de la société change comme par magie de nature, et saute l'étape du développement capitaliste. Ensuite, oui, la bourgeoisie, car elle sabote l'économie, est expropriée. Nous sommes dans le contexte de la guerre civile et du communisme de guerre, c'est à dire d'un communisme militaire, un communisme de la réquisition et de la distribution, intenable.

Celui-ci est remplacé par la NEP qui est, et c'est Lénine qui défend cela face aux gauchistes du parti qui veulent sauter une étape, un capitalisme d'Etat, mais sous contrôle ouvrier, c'est à dire un capital dont l'Etat limite les effets d'accumulation privée, mais un capitalisme quand même. Et c'est ce même Lénine qui dit qu'il faut apprendre de la bourgeoisie occidentale les méthodes d'organisation du travail (fordistes) qui sont le propres des méthodes capitalistes. A cette étape de la révolution, les comités d'usine ont disparu depuis longtemps, et les Soviets n'ont plus une vie politique très active. Les détracteurs du bolchevisme en concluent que Lénine et ses compagnons sont d'affreux dictateurs, en fait c'est tout simplement le mouvement de la société qui suit son cours dans un contexte de pénurie, de petite propriété, de capital privé et de capital d'Etat, car il ne peut en être autrement - la révolution est isolée. Que reste t'il d'Octobre au plan politique ? L'IC et le PC Bolchevik qui sauvegardent les acquis politiques, préparent les armes nécessaires pour affronter les prochaines périodes d'instabilité révolutionnaire à l'Ouest comme en Orient.

Mais au plan économique, les termes mêmes dans lesquels se mènent les débats ( accumulation primitive dite socialiste (Gauche du parti), cycle d'accumulation paysanne (Boukharine), etc., montrent que nous ne sommes absolument pas sortis des rapports capitalistes de production et d'échange, et je pense que cela était plus ou moins clair dans la tête des dirigeants de l'époque - car qu'entendaient-ils, dans le fond, par " construire les bases du socialisme " ? Qu'est-ce que la base du socialisme sinon un développement préalable des forces productives, sur la base du capitalisme ?

La " collectivisation " qui a suivi, concomitante avec la contre-révolution stalinienne, ne remet pas en cause fondamentalement les catégories de l'économie soviétique - sauf si nous parlons de transition au capitalisme : le paysan parcellaire est transformé en salarié. Les projets initiaux de le priver de sa petite propriété capote d'ailleurs devant la résistance paysanne, et les kolkhoses, qui sont des coopératives - ce qui signifie ce que cela signifie -, sont agrémentés de petites parcelles qui sont d'ailleurs constitutionnaliées en 1936. Le fait que ces unités économiques soient soumises à un plan plus ou moins contraignant - et en fait la loi de l'échange joue puisque ce plan n'arrive jamais à vraiment dominer l'anarchie de la production - ne change d'ailleurs rien de très fondamental à cela. Des plans agricoles, il y en a bien eu dans bien des pays bourgeois.

Sur le fond du débat, je ne crois même pas que cette analyse remette en cause la notion d' "Etat ouvrier dégénéré" - la nature de classe de l'Etat n'influant pas directement, avec une pureté mécanique, sur la structure économique. Au plan politique, oui, il s'agit bien d'un Etat ouvrier dégénéré car on ne peut que constater qu'il est issu d'une révolution ouvrière, mais il s'agit en même temps d'un Etat capitaliste collectif, puisque c'est dans son cadre que le capital s'accumule, que le profit est réparti sous la forme d'avantages en nature et en argent sous la forme de salaires. Marx avait d'ailleurs envisagé cette possibilité d'un capitaliste collectif, de l'évacuation du personnage du capitaliste de la production, et de la rémunération du capital sous la forme fausse du salaire : encore une fois la nature du rapport social prime sur la forme du rapport de propriété. Et, dans un sens encore, c'est un Etat où survit des éléments autoritaires de l'ancien régime. L'Etat est donc le théâtre d'une lutte de classe. L'élément prépondérant ne change pas sans lutte, sans guerre civile même. Trotsky disait que cette nature ne pouvait changer que par une contre-révolution violente, mais précisément ne l'avait-il pas sous les yeux cette contre-révolution violente en 1936-37 ?
Puig Antich
 
Message(s) : 0
Inscription : 25 Nov 2004, 02:02

Message par artza » 11 Oct 2011, 15:56

(Puig Antich @ mardi 11 octobre 2011 à 15:18 a écrit :
Trotsky disait que cette nature ne pouvait changer que par une contre-révolution violente, mais précisément ne l'avait-il pas sous les yeux cette contre-révolution violente en 1936-37 ?

Pour la période 36-37, Trotsky suivait les choses attentivement à défaut de pouvoir y intervenir effectivement. Il s'est expliqué largement.
Il appartient à chacun de partager ou de combattre son point de vue.

Soucieux de préparer le retour à une intervention réelle, bien sur il misait et raisonnait le plus souvent dans l'hypothèse d'une résistance ouvrière à la restauration envisageable du capitalisme par la bureaucratie.

La bureaucratie a entrepris cette restauration sans rencontrer de résistance notable de la classe ouvrière, mais beaucoup de résistance "matérielle".
Est-elle arrivée au bout de sa tache?
Pour des raisons simples, j'avouerais que plus le temps passe et que cette restauration zig-zagante avance, moins cette question m'intéresse.

C'est sans doute regrettable, décevant comme la prise du pouvoir par Hitler sans contre-offensive ouvrière. La aussi l'histoire s'est bien moquée des admonestations du vieux Léon.

Mais la faute à qui tout ça et pourquoi?
Question bien plus intéressante que de hocher la tête et de répéter "Trotsky, s'est trompé, Trotsky s'est trompé la-la- lère".
artza
 
Message(s) : 2525
Inscription : 22 Sep 2003, 08:22

Message par Puig Antich » 11 Oct 2011, 19:59

La faute à qui, on le sait. La question de plus n'est pas d'enfoncer Trotsky puisque en dépit de ses erreurs éventuelles il a été un des seuls à faire vivre le marxisme révolutionnaire lorsqu'il était trahi de toute part. Ce qui est intéressant dans cette discussion, c'est comment, du coup, on envisage la période de transition, y compris à partir de la société d'aujourd'hui, car en fonction de la façon dont on analyse la Russie dite soviétique, les réponses ne seront pas forcément les mêmes.
Puig Antich
 
Message(s) : 0
Inscription : 25 Nov 2004, 02:02

PrécédentSuivant

Retour vers Histoire et théorie

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 3 invité(s)