La propriété d'état(L'étatisation de l'économie )L'étatisation de l'économie en elle même n'a rien de socialiste. Marx et Engels l'ont expliqué clairement à de nombreuses reprises, dans leur combat contre les conceptions de Lassalle, mais aussi dans leurs ouvrages théoriques.
Engels dans l'Anti duhring :
a écrit :Dans les trusts, la libre concurrence se convertit en monopole, la production sans plan de la société capitaliste capitule devant la production planifiée de la société socialiste qui s'approche. Tout d'abord, certes, pour le plus grand bien des capitalistes. Mais, ici, l'exploitation devient si palpable qu'il faut qu'elle s'effondre. Pas un peuple ne supporterait une production dirigée par des trusts, une exploitation à ce point cynique de l'ensemble par une petite bande d'encaisseurs de coupons.
Quoi qu'il en soit, avec trusts ou sans trusts, il faut finalement que le représentant officiel de la société capitaliste, l'État, en Prenne la direction [6]. […]
Mais ni la transformation en sociétés par actions, ni la transformation en propriété d'État ne supprime la qualité de capital des forces productives. Pour les sociétés par actions, cela est évident. Et l'État moderne n'est à son tour que l'organisation que la société bourgeoise se donne pour maintenir les conditions extérieures générales du mode de production capitaliste contre des empiètements venant des ouvriers comme des capitalistes isolés. L'État moderne, quelle qu'en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l'État des capitalistes, le capitaliste collectif en idée. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n'est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble. Mais, arrivé à ce comble, il se renverse. La propriété d'État sur les forces productives n'est pas la solution du conflit, mais elle renferme en elle le moyen formel, la façon d'accrocher la solution.
Plus l'état fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste, dit Engels. Voilà qui éclaire d'un jour nouveau l'étatisation des divers pays « socialistes ».
MarxMarx, de son côté dans les manuscrits de 1844, évoque même une société théorique ou tout le monde serait salarié bénéficiant d'un salaire égal. Dans ce cas, Marx dit simplement qu'il s'agirait d'une société capitaliste, puisqu'il y a encore échange généralisé via la monnaie, y compris pour la vente de la marchandise principale, la force de travail !
Marx a combattu Lassalle dont les conceptions étaient très proches de ce qui a été réalisé en URSS. Lassalle caractérisait les nationalisations et l'étatisation de l'économie comme socialiste, en passant à côté du pouvoir politique nécessaire. Marx au contraire a toujours rappelé ce qui était nécessaire pour établir le socialisme : politiquement, la dictature du prolétariat ; économiquement, le remplacement des mécanismes marchands par les bons de travail (cf la critique du programme de gotha), de manière à éradiquer le salariat et la production de marchandises. L'étatisation sans dictature du prolétariat et sans remplacement des mécanismes marchands (y compris le salaire) n'a rien de socialiste.
Lénine Lénine ( l'état et la révolution)
a écrit :Un spirituel social-démocrate allemand des années 70 a dit de la poste qu'elle était un modèle d'entreprise socialiste. Rien n'est plus juste. La poste est actuellement une entreprise organisée sur le modèle du monopole capitaliste d'Etat. L'impérialisme transforme progressivement tous les trusts en organisations de ce type. Les "simples" travailleurs, accablés de besogne et affamés, y restent soumis à la même bureaucratie bourgeoise. Mais le mécanisme de gestion sociale y est déjà tout prêt. Une fois les capitalistes renversés, la résistance de ces exploiteurs matée par la main de fer des ouvriers en armes, la machine bureaucratique de l'Etat actuel brisée, nous avons devant nous un mécanisme admirablement outillé au point de vue technique, affranchi de "parasitisme", et que les ouvriers associés peuvent fort bien mettre en marche eux-mêmes en embauchant des techniciens, des surveillants, des comptables, en rétribuant leur travail à tous, de même que celui de tous les fonctionnaires "publics", par un salaire d'ouvrier. Telle est la tâche concrète, pratique, immédiatement réalisable à l'égard de tous les trusts, et qui affranchit les travailleurs de l'exploitation en tenant compte de l'expérience déjà commencée pratiquement par la Commune (surtout dans le domaine de l'organisation de l'Etat).
Toute l'économie nationale organisée comme la poste, de façon que les techniciens, les surveillants, les comptables reçoivent, comme tous les fonctionnaires, un traitement n'excédant pas des "salaires d'ouvriers", sous le contrôle et la direction du prolétariat armé : tel est notre but immédiat. Voilà l'Etat dont nous avons besoin, et sa base économique.
En urss il manquait justement « le contrôle et la direction du prolétariat armé ». Ce qui a laissé le champ libre à la reconstitution d'une armée permanente, d'une bureaucratie inamovible assurant la production par la production de marchandises contre un salaire... bref le champ libre à la constitution d'un état capitaliste, cet état possédant l'essentiel des moyens de production.
Et encore Lénine :
a écrit :le capitalisme se transforme en capitalisme monopoliste. Ceci est à souligner, car l'erreur la plus répandue est l'affirmation réformiste bourgeoise prétendant que le capitalisme monopoliste ou le capitalisme monopoliste d'Etat n'est déjà plus du capitalisme, qu'il peut dès lors être qualifié de "socialisme d'Etat", etc. Naturellement, les trusts n'ont jamais donné, ne donnent pas jusqu'à présent, ni ne peuvent donner une planification intégrale. Ils introduisent pourtant une planification; les magnats du Capital escomptent par avance le volume de la production à l'échelle nationale ou même internationale et règlent cette production d'après un plan, mais nous restons cependant en régime capitaliste, dans une nouvelle phase, certes, mais indéniablement en régime capitaliste.
On ne saurait etre plus clair. L'étatisation en elle même n'est pas du socialisme mais du capitalisme. Cela dit, l'étatisation de l'économie favorise la naissance du socialisme. Avoir des ailes, ce n'est pas s'envoler. Mais avoir des ailes favorise l'envol.