Moi oui, j'ai vraiment bien aimé, mais j'ai un peu de difficulté à savoir pourquoi.
Bien sûr il faut aimer les films psychologiques où il ne se passe pas grand chose.
Voici une excellente critique de Télérama, de Pierre Murat :
Non pas que je sois d'accord avec tout, pour ma part, j'ai beaucoup aimé le couple principal et tant pis si telle n'était pas l'intention de Mike Leigh. L'image même de la sérénité d'un vieux couple de petits bourgeois ouverts et équilibrés, éminemment sympathique, le fils aussi est super. Mais le jeu de Lesley Manville, qui interprète Mary, est à mon goût excessif au début...
Donc voici la critique que je trouve très bonne quand même, mais dont je ne partage pas l'avis. C'est marrant comme dans ce genre de films, on peut voir la partie du verre à moitié plein ou à moitié vide. Pour moi, c'est un film apaisant et optimiste, ces gens veulent profondément rendre service, mais pas se laisser bouffer tout cru par des gens qui vont trop mal. Quoi de plus normal ?
A noter pour moi, la meilleure scène d'enterrement au cinéma. D'un très grand réalisme et très pudique. J'y ai retrouvé deux trois détails d'enterrements que j'ai vécus. Bravo encore à Mike Leigh.
a écrit :LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 18/12/2010
1 De tous les révoltés, de tous les agressifs des précédents films de Mike Leigh, il ne reste plus que Carl. Mais ce n'est qu'un second rôle. A l'enterrement de sa mère, il débarque, l'insulte aux lèvres, la rage au coeur, aussi noir, aussi dépenaillé que le héros de Naked, il aboie sa rancoeur et son dégoût au visage de ce père qu'il hait, puis disparaît aussi brusquement qu'il était apparu. Contrairement à lui, les autres personnages d'Another year n'ont plus la force de gueuler, et ça les rend presque plus dérisoires, davantage pantelants. Le temps de leur révolte est loin, c'est à peine s'ils s'en souviennent. D'ailleurs, seuls leurs corps bougent encore. Prenez le gros Ted, en visite chez Tom et Gerri (oui, ça fait plus de quarante ans que tout le monde les met en boîte, ils sont habitués !) : ses bras s'affairent pour porter à ses lèvres, à toute vitesse - on dirait qu'il ne s'arrête jamais -, de la bouffe, de la bière, des cigarettes. Il ressemble à un grand poupon au mécanisme déréglé... Il y a Mary, aussi. Elle, ce sont ses traits qui s'agitent en tous sens. Elle picole un peu. Beaucoup. Et elle parle, elle parle, pour tout et ne rien dire. Quand ça ne va pas, elle aussi se réfugie chez sa collègue Gerri. Elle y soliloque sur ses amours passées, sur ses pauvres projets d'avenir : si elle achetait la petite voiture rouge de ses rêves, sa vie changerait, elle en est sûre...
Peut-on aider les autres ? Comment ? Et jusqu'où ? Car ils ne sont pas faciles, ces éclopés égoïstes qui recherchent toujours plus de présence, toujours plus d'affection. En de rares instants, on sent une lassitude chez les vertueux que sont Tom et Gerri. Et peut-être même une vague condescendance pour ces pauvres malheureux qui n'auront pas su égaler leur équilibre et leur sagesse. Au vol, on saisit le sourire (compatissant ? moqueur ?) de Tom sur son pote en larmes. Et le regard (résigné ? méprisant ?) de Gerri pour sa copine, un peu ivre, qui s'est blottie dans ses bras.
A vrai dire, ces deux saint-bernard, ces deux « saints laïcs » doivent agacer Mike Leigh. Toute son oeuvre le prouve : il n'aime que les cinglés, les hystériques et les réfractaires. A ce couple gluant de bonté, il préfère, évidemment, cette Mary insupportable qu'une de ses actrices favorites, Lesley Manville, interprète avec la frénésie - très contrôlée - de Gena Rowlands chez John Cassavetes. Rien que pour Mary, il imagine un de ces face-à-face tragi-comiques entre solitaires extravagants qu'il affectionne tant.
Lorsqu'un après-midi d'hiver, de plus en plus défaite, Mary s'en vient frapper à la porte de ses amis, Ronnie, le frère de Tom, venu quelques jours en visite, refuse d'abord de la laisser entrer... On ne saurait trouver deux êtres plus dissemblables : elle est petite ; lui, immense. Elle ne cesse de pépier, lui semble n'avoir qu'un seul mot à son vocabulaire : yeah. Son visage à elle lance des SOS, son visage à lui, c'est RAS. Mais ces deux angoissés s'apprivoisent. Peu à peu, Mary se tait et Ronnie esquisse un sourire. Ils fument une cigarette. Naît, soudain, un bref instant d'espoir, où tout devient possible.
Il est si amoureux de Mary, Mike Leigh, qu'il lui offre le plus beau plan de son film. Et le plus inattendu. Lui dont les mises en scène se veulent invisibles, il invente un panoramique remarquable - et on le remarque ! -, qui glisse sur les personnages, devenus des comparses, des fantômes, pour s'arrêter sur elle et ne plus la quitter. Elle et ses mots en trop, ses mecs en trop, sa petite voiture rouge en trop - bref, sa vie en trop dont tout le monde se fiche...
La lumière des saisons change selon les sentiments des personnages. Tout - leurs petits malheurs, leurs mini-joies - passe dans un souffle. Comme dans ces pièces de Tchekhov où tout est joué, alors qu'il reste tant à faire, que nul, jamais, ne fera.
Pierre Murat