les professions

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Crockette » 11 Avr 2010, 22:11

voilà je pars du principe que ds le monde, le statut des travailleurs tend à se décomposer en trois catégories : ceux (qi ont la chance...) d'avoir une profession, ceux qui ont un métier (en général les ouvriers, employés qualifiés) et ceux qui n'ont rien ou presque plus rien (rmi, chomage, sdf etc.).
une (des) question fondamentale me taraude l'esprit : vers où se dirige le monde du travail ? + une question secondaire : est ce qu' enseigner est une profession ?

je tire mes réflexions et mes propos de Richard Wittorski, professeur d'université en sciences de l'éducation à l'IUFM de ROUEN, membre du CIVIIC (centre interdisciplinaire sur les valeurs, le sidées et les compétences).

le mot profession apparait à la fin du 19ème siècle et au début du 20 ème siècle ds les pays anglo-saxon à l'initiative de groupes sociaux qui cherchent à obtenir ou à accroître leur place sur un marché concurrentiel.
En france, le mot profession accompagne une recherche plus grande de flexibilité des personnes car le mot profession se développe avec la compétence au milieu des années 70-80.
Il s'inscrit dans un mouvement plus large consistant à valoriser la libéralisation du marché, une décentralisation politique (un citoyen professionnel) organisationnelle (un salarié professionnel) et sociale : un individu sommé d'être capable de produire sa prore vie par lui-même, de devenir l'entrepreneur de sa propre vie.
La professionnalisation se développe aevc de nouvelles valeurs sociales telles quela culture de l'autonomie, de l'efficacité, de la responsabilité.
c'est une pensée libérale qui insiste sur l'efficacité individuelle au service d'un nouveau modèle de société.

selon moi, la pensée libérale n'est pas à sous-estimer sur ce falo, par rapport au capitalisme, outre le fait que c'est le dénominateur commun par exemple, d'une segolène royal, d'un tony blair, d'un nicolas sarkozy et d'un emmanuel valls; cette pensée libérale a rajeuni selon moi le capitalisme d'au moins cent ans, et cette pensée libérale a sacralisé par le biais des professeurs et des formateurs des concepts sociaux comme compétition, productivité, adaptabilité, classement, profession, compétence, évaluation, professionnalisation, flexibilité, entretiens individuels de performance etc, etc.
bref pour moi, si les camarades creusent les concepts libéraux comme je vais le faire ici de façon théorique, on peut y trouver du lourd du très lourd au niveau des prévisions de nos conditions de travail (et de celles de nos enfants) futures à moyen terme (15-20 ans dirais je).
Crockette
 

Message par Crockette » 14 Avr 2010, 10:46

je rappelle ici que c'est mon analyse perso et pas celle de Wittorski que je développe, je connais nullement ses idées politiques; par contre son analyse technique des concepts socio-professionnels est selon moi très riche et objective puisque basée sur des études sérieuses de nombreux ouvrages de spécialistes en sciences humaines. certains profs ont du temps pour étudier, ça vaut le coup de lire leurs réflexions donc. :sleep:

Wittorski cite un auteur (Paradeise, "comprendre les professions, l'apport de la sociologie" 2003) pour avancer l'argumentation suivante :

le mot profession apparait ds un contexte de marché libre ou les acteurs économiques ressentent le besoin de développer une réthorique concernant leur contribution au marché pour conquérir et accroitre leur place. Il est associé ds les pays anglo saxons à l'image de la profession libérale.

En france le vocable de profession apparait ds un contexte différent caractérisé par un Etat hiérarchique qui traditionnellement est très présent ds l'organisation d'un certain nombre d'activités qui font l'objet d'un classment hiérarchique (et social + scolaire dirais je).

Dès lors la profession repose sur celui des corps d'Etat . Exemple : les magistrats tous formés par l'école nationale de la magistrature et responsables de la fonction judiciaire.

d'après moi le libéralisme (sous sa variante mondialisée) tente de casser les monopoles pour obtenir plus de concurrences, plus de productivité et plus de productions à bas cout. mais le libéralisme (qui reste géré entièrement par un système capitaliste avec à sa tête les riches soutenus par une grosse partie de la bourgeoisie de gauche et de droite) se heurte (encore) à la puissance organisatrice de l'Etat sur les formations et les professions, et il se heurte simultanément selon moi, à la puissance culturelle (voire cognitive) et identitaire de certaines professions comme les pharmaciens, les avocats, les médecins, les huissiers de justice, les notaires, etc. et...et... peut être les professeurs, mais ça reste à démontrer pour ces derniers, car contrairement aux autres , ils sont salariés.
Crockette
 

Message par Crockette » 18 Avr 2010, 21:53

je sais que ça fait redondant les trucs ci dessus, mais ça explique notamment des choses pratico-pratiques de la vie de tous les jours :
pourquoi vous devez attendre 6 mois pour un rdv chez l'ophtalmo
pourquoi votre copain qui était un crack en mathématiques a raté trois fois sa première année de médecine
pourquoi lorsque vous allez voir un avocat pour vous défendre, vous savez jamais mais jamais la facture finale qu'il va vous mettre sous le nez...
pourquoi un ouvrier gagne 7,5 euros de l'heure alors que d'autres professions gagnent jusqu'à 150 euros de l'heure...
voili voilà.


j'y continue :
produites autrefois collectivement, les identités professionnelles tendent désormais à être bricolées par les individus en fonction de leurs trajectoires professionnelles.
Jusqu'au milieu des années 70, ds le cadre de relations communautaires, la qualification déterminait la production des identités collectives, à partir de systèmes stables de négociations d'équivalences entre employeurs et employés.
désormais sous l'effet du chomage et de la libéralisation dans les relations sociétaires, ce qui compte c'est le résultat que va apporter chaque individu à l'entreprise, tout cela se réalise ds un contexte d'écroulement des idéologies et du déclin des syndicats.
commentaire perso, en clair : peu importe votre qualification, (ça devient secondaire dirais je) ce qui compte aujourd'hui ds le monde de l'entreprise, c'est votre adaptabilité (polyvalence, horaires flexibles, mobilité géographiques) et surtout c'est votre capacité à démontrer à votre employeur par vos projets, vos paroles, vos valeurs, vos actes, que vous lui apportez de la valeur ajouté...tous les jours.
et c'est là que ds les années à venir l'entretien individuel d'évaluation des performances sera l'outil sacré des patrons pour vérifier que ce système de compétition et d'exclusion entre travailleurs tourne bien.
impossible pour les salariés de récuser ce système puisque le nouveau dogme économico-sociétal sera pour l'ouvrier ou l'employé de prouver tous les jours à son patron qu'il est plus compétent que "son" collègue".
Crockette
 

Message par cali » 19 Avr 2010, 22:38

salut crockette

je dois dire que je ne partage pas ton estime pour le professeur Wittorski. D'après ce que tu en rapportes, c'est une caricature de sociologie qui ignore délibérément le premier mot de la science bourgeoise en sociologie, non pas celle du début du 20 ième, mais même du 19 ième siècle. Ce sont des étiquettes collées par un commentateur sur des phénomènes sociaux que tout le monde peut voir. Il n'y a rien de faux, mais rien d'utile non plus.
Le libéralisme n'est pas un "système" distinct et opposé ou contrôlé par le capitalisme. C'est une conception des choses progressivement élaborée par la bourgeoisie sur le plan social et politique, à mesure qu'elle prenait conscience d'elle même en tant que classe. Ses fondements historiques sont la révolution anglaise (1648), les Lumières, la Révolution américaine (1774) et française. Avec beaucoup de mal, ces mouvements et révolutions ont réalisé les aspirations politiques de la bourgeoisie et mit au centre de l'organisation de l'économie l'initiative individuelle du capitaliste, initiative libre que le libéralisme justifiait et réclamait contre les prérogatives des anciennes classes dominantes.
C'est le triomphe de ces principes politiques qui a permit l'organisation (avec, il faut le dire, le concourt de la Royal Navy) d'un capitalisme mondialisé sur base d'une concurrence libre et non faussée (càd non faussée par les droit des peuples et des Etats à la légitime défense de leurs intérêts nationaux).
C'est la réalisation pleine et entière de ce capitalisme de libre concurrence qui a amené à la domination actuelle d'un capitalisme de monopole, au sein de laquelle la doctrine libérale authentique est plus tournée en dérision que jamais elle ne le fut par les Marx et autres de ses critiques.
Quoi? L'individu libre, autonome et responsable de lui-même? Où donc? Un exemple? Pas deux, un! Et je ne parle pas de la classe ouvrière (dont les militants, d'une certaine façon, réalisent cet idéal libéral), non, je parle de la bourgeoisie petite, moyenne et grande. Tous les exemples que tu pourras trouver, à y regarder de près, se révéleront d'impitoyables pamphlets mettant en relief l'opposition entre cet idéal et la réalité actuelle de la bourgeoisie.
cali
 
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Message par Crockette » 20 Avr 2010, 14:30

salut cali : ton analyse est pas mal du tout, mais si je m'appuie sur des profs (jen citerai d'autres) c'est que le libéralisme qui a fait naître (entre autres) les professions est bcp plus "tortueux et complexe" que le capitalisme dans sa phase primaire. et je peux pas me passer des profs (je le voudrais bien) d'université pour analyser les outils du libéralisme, à savoir le plus gros d'entre eux : les professions.


pourquoi ? parce que derrière les idéaux libéraux, se cache d'énormes paradoxes :
plus t'es qualifié, plus t'as de diplomes, plus tu accèdes à une profession reconnue et protégée (numérus clausus, cout des études, monopole et défense de la profession par un fort mouvement corporatiste, soutien des politiques) qui se dégage du coup, de toutes les contraintes capitalistes et libérales (la concurrence libre et non faussée par exemple que tu cites avec raison ci dessus)

en fait ce que j'essaie d'expliquer ici, c'est que pour de plus en plus de personnes et surtout la bourgeoisie, le libéralisme c'est la liberté pour la vie de chacun de faire ce que tu veux...(boulot, sexualité, loisirs, vacances, consommation, religion etc.).
et je crois que les bourgeois ont raison, mais ce même libéralisme est de plus en plus sauvage et étouffant pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir une "belle profession" : c'est à dire les ouvriers et les employés non qualifiés, mais aussi avec la crise aujourd'hui, les ouvriers qualifiés et les employés qualifiés.je mets aussi ds cette liste les artisans, les petites entreprises, les auto-entrepreneurs.

pour les uns le libéralisme les enrichit de plus en plus, et ils se sentent de plus en plus libres, et pour les autres, (la majorité) le libéralisme les soumet à la pression du chomage, à la dictature des patrons, à l'exclusion, à la compétition de la jungle, à la précarité.

exemple hier soir sur france 2, avt le passage d'OB, on a vu une ingénieure chimiste au chomage, normalement ces gens là ne peuvent pas être au chomage, ils appartiennent ou vont appartenir à la classe des bourgeois et ce n'est pas naturel pour l'UMP et le PS, de les voir ds cette situation. Vauquiez s'en est ému, et un professeur de l'université a dit que maintenant il conseillait à ses élèves après leur diplome d'ingénieur, de poursuivre en thèse, ça leur donne au moins trois ans de revenus sur la grille de départ d'un ingénieur...

l'ouvrier lui, c'est naturel qu' il fasse des années de chomage et qu'il se démerde avec 400 euros par mois, il avait qu'à faire des études...
Crockette
 

Message par cali » 22 Avr 2010, 19:43

Si je comprend bien, tu estimes que le libéralisme a réussi à donner à une corporation de profession le pouvoir de s'enrichir au détriment des "métiers" et "sans professions", par la promotion du marché libre, d'une compétition accrue, etc.. compétition dont les membres des "professions" se protègent par "une puissance culturelle et identitaire". Ce que tu dis semble en effet correspondre à une réalité, mais comment exactement? Je pense que la façon dont tu découpes la société en 'profession', 'métier' te cache le phénomène principal derrière des catégories "fantômes". Ce qui explique l'évolution du destin des individus, ce sont les changements dans l'économie et dans les rapports entre les classes sociales.
Les classes sociales fondamentales sont celles qui, d'une part produit la plus-value qui accumule le capital, càd les prolétaires, et de l'autre celle qui bénéficie de cette accumulation, les capitalistes.
L'économie capitaliste, qui repose sur cette relation fondamentale, est très complexe. En premier, elle n'est pas constante. Elle évolue en fonction des changements dans son environnement, c'est à dire des rapports entre les secteurs économiques, des relations internationales, des rapports de force entre classes, des découvertes technologiques, etc.
Une des tendances fondamentales, qui détermine cette évolution, est la tendance du taux de profit capitaliste, obtenu par l'achat du travail humain, à baisser, au cours de la concentration des capitaux engendrés par la concurrence.
C'est cette tendance qui a provoqué la crise que nous connaissons encore aujourd'hui. Sur le plan politique, l'issue à cette crise, qui a éclaté à la fin des années 70, a été trouvée par la bourgeoisie des grands pays impérialistes dans une série de mesures intergouvenrementales destinées à favoriser la circulation des capitaux et les domaines d'investissements de ces capitaux. Le pétrole, par exemple, n'était achetable dans les années 70 qu'à des entreprises disposant de licences, ce qui permettait dans une certaine mesure à l'Etat de contrôler l'usage de ces achats. Aujourd'hui, n'importe quel spéculateur peut acheter des barils de pétrole, même si le seul usage qu'il compte en faire est de le revendre avec un bénéfice.
Ces changements, dont je te parles, ont provoqué un développement très rapide du capital financier par rapport aux capitaux investis dans la production. Cela pour en arriver à la situation actuelle, où la seule source de revenus "stable" est du coté des spéculateurs, qui ne produisent rien, vivent au crochet des Etats et de leurs contribuables, dépouillent les entreprises, etc.
Les "professions" qui s'enrichissent dans ces circonstances sont celles qui gravitent autour du capitalisme financier : traders, dirigeants de grosses entreprises au service de "la valeur actionnariale", avocats fiscalistes, avoué de banques, haut-fonctionnaires et hommes d'état bénéficiant de la "revolving door", etc.

Les autres, ceux qui sont proches de la production, les ingénieurs, les techniciens, tombent progressivement dans une précarité comparable à celle des ouvriers.
Ce qui ne fait que matérialiser le caractère parasitaire du capitalisme, qui ne survit qu'en vampirisant la société, la production, jusqu'à la détruire au moins en partie, comme nous l'avons vu depuis 2008.

Dans la description que je viens de faire (si tu es encore là), les catégories un peu abstraites, les raccourcis et les schémas ne manquent pas. Mais je crois que cela est un reflet un peu plus juste de ce qui se produit autour de nous que le découpage en métier et profession.

ouf! à toi maintenant.
;-)
cali
 
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Message par Crockette » 24 Avr 2010, 10:15

tout ce que tu viens de dire est juste.

1° de tes arguments : les classes sociales. bien sûr que la société est divisée en classes sociales, et le discours libéral (de gauche comme de droite) utilise toute son énergie pour l'effacer..."nous sommes tous ds le meme bateau" entend on chez les politiques à propos de la crise, sauf qu'il y en a qui continuent à aller en vacances...à se dorer la pillule sur les plages, en avion (je fais de la provoc...) et d'autres qui n'arrivent plus à remplir leur frigo à la fin du mois.
les uns ont en majorité de bonnes professions et les autres ce sont des personnes qui ont eu ou ont des emplois précaires (ouvriers, employés).

sauf que selon mon argumentation (que je n'élève pas comme une vérité...mais qui est largement discutable) les classes sociales prennent corps essentiellement aujourd'hui avec les professions. il ya les privilégiés qui y ont accès et il ya les autres.

2 sur tes arguments : il a un argumentaire que je n'ai pas saisi : parmi les professions socialement valorisées (c'est presque un pléonasme...puisque une profession est déjà socialement valorisée) il faut faire la distinction entre ceux qui n'apportent rien à l'économie et ceux qui sont ds la production. oui je crois que là tu as raison aussi. et le facteur salarié ou non salarié peut intervenir pour faire encore des disctinctions ds les professions.

pourquoi ? les ingénieurs (et les professeurs aussi) méritent plus leur salaire que par exemple les golden boys ou bien les professionnels de la politique...ou les nombreux spécialiste du droit.(notaire, huissier, avocat etc.).
ce qui est marrrant c'est qu'en consultant récemment le site officiel de LO : l'un des premiers argumentaires des camarades militants c'est de dire : "nous ne sommes pas des professionnels de la politique". ce qui veut dire tacitement que les camarades (militants de la politique de LO) "on les achète pas..." : en clair ils sont détachés et libres de toutes tentatives de lobbying de leur mouvement...
les socialos comme la droite savent très bien quelles sont les professions qui votent grosso modo pour eux... pour qui les médecins votent ? pour qui les policiers votent ? pour qui les infirmiers votent, pour qui les profs votent etc.

j'irai plus loin en disant que maintenant les écolos se disputent une partie des professions qui votaient traditionnellement pour le PS...
Crockette
 


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