bonsoir,
je vous propose aussi d'écouter une intervention d'Alain Gras, sociologue et un des théoriciens de la décroissance.
http://video.google.fr/videoplay?docid=-11...ient=firefox-a#
Et un petit passage du manifeste :
L’illusoire idéologie du « Progrès »
L’idéologie du progrès consiste à considérer l’Homme en tant que maître de la nature qui avance inéluctablement vers l’amélioration constante du monde. Une telle vision rejette ou ignore par principe des connaissances issues d’un lointain passé ou d’anciennes civilisations, occulte les problèmes du présent et cache ceux à venir.
L’idéologie du progrès nous dit en substance que nous ne devons pas nous inquiéter, que le monde va s’améliorer, que des solutions seront trouvées, que nous devons continuer à avancer dans la direction actuelle – forcément la meilleure, puisqu'instaurée par l’Homme et la « Science ». La foi dans le « Progrès » soutient l’idéologie de la croissance : elle est omniprésente et son illusion nourrit le consumérisme.
L’illusion de l’innovation technologique salvatrice
Nous vivons dans un monde qui valorise systématiquement l’innovation technologique sans considérer l’ensemble de ses conséquences, sociales et environnementales, oubliant que c’est cette même foi qui a souvent engendré les catastrophes écologiques que la technologie prétend aujourd’hui solutionner. Ainsi par exemple, une technologie médicale de pointe, impensable en dehors du cadre d’une société industrialisée, permet de soigner des cancers… dus à la pollution engendrée par l’industrialisation. Selon certains, la technologie sera capable à l’avenir de rendre les industries plus propres, de trouver d’autres sources d’énergie moins polluantes… Ces illusions sont entretenues ardemment par les industries en quête de subsides et de profit maximum, et par les politiques qui se réfugient dans cette vision facile puisqu’elle les déresponsabilise.
Nous devenons complètement dépendants et soumis à la technologie parce que nous sommes de moins en moins capables de vivre sans elle, et de moins en moins capables, pour la plupart, de réparer les outils qu'elle produit. En effet, sa complexité est telle que nous ne pouvons pas la maîtriser personnellement ou collectivement… Ainsi, nous vivons malgré nous dans l’ignorance du réseau de dépendance impliqué par son utilisation : les appareils technologiques n’existent pas seuls, ils impliquent toute une organisation sous-jacente.
Nous y sommes soumis car les innovations technologiques qui conditionnent des pans entiers de nos vies résultent de programmes de recherche-développement conçus et décidés en dehors de tout débat réellement démocratique, même lorsqu’ils sont financés par les pouvoirs publics… Pourtant, les machines que nous nommons « outils » ne sont pas des objets neutres : leur usage nous inscrit dans un vaste système de contraintes, et plus encore il nous transforme, modifie notre rapport au temps, à l’espace, aux autres êtres humains. La technologie métamorphose notre vision du monde et nos principes mêmes. En réalité, certaines avancées technologiques, présentées comme des solutions, peuvent présenter des conséquences socio-économiques et écologiques désastreuses (agrocarburants) ou être porteuses de risques graves pour la société (OGM). D’autres ont des implications potentielles tellement énormes (alors que leurs apports restent, à ce stade, bien hypothétiques - par exemple les nanotechnologies) que la prudence et le débat s’imposent manifestement.
Il est temps de se rendre compte que la technologie seule ne peut en aucun cas résoudre les crises auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés.
Entendons-nous bien : l’objection de croissance n’est ni le désir d’un impossible retour au passé, ni le rejet de toute technique. Elle se veut porteuse de choix technologiques écologiquement et socialement soutenables. Elle implique l’abandon de certaines technologies (ex. : nucléaire), d’autres voyant leur utilisation limitée. La priorité sera accordée aux technologies « propres », maîtrisables et adaptées à un fonctionnement à petite échelle.
L’imposture du développement durable
Le concept de développement durable (« sustainable development ») a vu le jour en 1987 avec la publication du « Rapport Brundtland » par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations-Unies. Il est défini comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Le développement durable inaugure, selon ce même rapport, une nouvelle ère de croissance économique permettant de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l’environnement.
En 1992, la déclaration de Rio adoptait cette logique et, en son principe n° 12, disait promouvoir un système économique international ouvert, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays. Le développement durable ne remet donc aucunement en question la croissance et la réalité des « besoins » du présent. Il n’est donc pas surprenant que 15 ans après Rio, l’état de la planète ait continué à se dégrader ; l’empreinte écologique, paramètre global révélateur de l’impact des activités humaines sur l’environnement, montre une évolution continue à la hausse, sans aucune inflexion depuis 1992. En 2005, l’empreinte écologique globale dépassait la capacité de régénération de la planète de 30% contre 10% en 1992.
Croire que cette dégradation serait due à trop peu de développement durable constituerait une erreur. Le développement durable, en laissant croire que la technologie, le libre-échange et la bonne volonté suffiront pour sauver la planète, est un concept dangereux. Il fait en effet perdre un temps précieux et permet aux Etats et aux multinationales de perpétuer des comportements socialement et écologiquement destructeurs. On peut comprendre qu’en 1987 de nombreux militants écologistes se soient laissés abuser par l’espoir de voir enfin changer les choses. Les faits se sont révélés très cruels depuis lors.
Le développement durable s’avère donc être un piège aussi dangereux que la croyance en l’idéologie du progrès et la technologie salvatrice. Il se dit la garantie de la croissance économique… dont il est en réalité très urgent de sortir.[3]
http://www.objecteursdecroissance.be/manifeste.htm