La journée de la jupe

Message par Vérié » 03 Avr 2009, 12:04

(Wapi @ vendredi 3 avril 2009 à 11:40 a écrit : Il faut vraiment être un peu tordu pour vouloir se déterminer politiquement par rapport à un pauvre type comme Finkielkraut. C'est même presque malsain que de chercher à savoir ce que pensent les gens qu'on pense être des ordures.


Je ne me détermine pas par rapport à Finkielkraut, riposte laïque ou l'extrême-droite. Le fait que ces gens-là encensent le film est une information et une indication, rien de plus. Et, s'il s'agissait d'un film sur la plongée sous-marine ou la montagne, ça ne me dérangerait pas d'avoir le même point de vue que Finkielkraut.

Mais, comme disait Bebel, "quand l'ennemi me félicite, je me demande quelle connerie j'ai commise". A supposer que le réalisateur, sans être raciste comme Finkielkraut, ne partage pas certaines de ses thèses comme "le racisme anti blanc", l'islamophobie et l'hostilité à l'anti-racisme...

Je suis un peu surpris par certaines de vos réactions de principe à une critique idéologique du film. Sur d'autres fils, consacrés par exemple à l'assassinat de Trotsky ou au téléfilm sur la nuit de Varennes, chacun y a été de son commentaire politique. Il est clair pour tout le monde que le film La nuit où tout a commencé (la nuit de Varennes) est un film royaliste. (Je ne voulais pas le voir et finalement je l'ai repris jusqu'au bout.)

Et pourtant, ce film royaliste révèle bien davantage de talent que La journée de la jupe, qui sans la prestation impressionnante d'Adjani, ne serait qu'un médiocre téléfilm de plus. Le personnage qui interprête Louis 16 est par exemple excellent, très fin, il a beaucoup d'humour etc.

Ca ne choque personne qu'on critique le contenu idéologique évident de ce film. Alors pourquoi me soupçonner de réalisme socialiste quand je critique le contenu idéologique non moins évident de La journée de la jupe ? ;)
Vérié
 
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Message par pelon » 03 Avr 2009, 15:08

Je persiste, Vérié, tu veux du politiquement correct. Dans les banlieues déshéritées il y a pas mal de blacks et de beurs, c'est une réalité. Le racisme serait de croire que ceux qui ont un comportement exécrables le sont parce que noirs, beurs ... Ils sont bien entendu des enfants de la crise, de la pauvreté, de l'inculture ... et certains tournent plus mal que d'autres c'est quand même un constat incontestable.
On pourrait faire un film (on en a déjà fait) sur la jeunesse dorée de Passy, plutôt blanche celle ci, qui traine d'autres tares avec moins d'excuses. Bon, le réalisateur n'a peut-être pas mis assez de blancs dans le film mais c'est assez ridicule de discuter de cela. Cela me fait penser aux films américains où les critères ethniques sont savamment dosés. Si le salaud est un noir il faut absolumment qu'il y ait, dans les bons, un flic noir par exemple.
Note : je ne disais pas que tu voulais interdire le film mais que tu avais des critères d'appréciation un peu figés. Il ne faut pas qu'un flic soit sympa, qu'un gauchiste soit neuneu, que le salaud soit noir ...
Tu as bien entendu le droit de ne pas aimer le film y compris pour les raisons que tu donnes ... mais j'ai le droit de trouver ces dernières ridicules.
pelon
 
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Message par Vérié » 03 Avr 2009, 15:24

(pelon @ vendredi 3 avril 2009 à 15:08 a écrit : Note : je ne disais pas que tu voulais interdire le film mais que tu avais des critères d'appréciation un peu figés. Il ne faut pas qu'un flic soit sympa, qu'un gauchiste soit neuneu, que le salaud soit noir ...

Non, très sincèrement Pelon, je n'apprécie pas le politiquement correct consensuel mou. Pas du tout, mais pas du tout !

Cette expression - "politiquement correct" - est toutefois en l'occurence un peu équivoque. En effet, nous avons en ce moment tous les sécuritaires et les racistes qui applaudissent en disant : "Enfin, pas de politiquement correct, on nous montre les Noirs, les Arabes et les Musulmans tels qu'ils sont, alors qu'on cherchait à nous le cacher."

Donc, le problème n'est pas de montrer un flic sympa, un gauchiste neuneu et un Blac ignoble. Le problème, c'est de ne montrer QUE ces personnages-là, sans essayer de montrer le contexte. C'est aussi de choisir un discours moralisateur :"'Vous n'êtes pas des victimes, cessez de vous plaindre etc" Bref, si vous ne réussissez pas, c'est de votre faute. De plus, dans le film, les racistes, ce sont les élèves ! Pas un prof ou un flic, ni une ministre raciste !

Donc, j'estime que c'est un choix politique du réalisateur, ou alors il est d'une rare maladresse.

De plus, quand une oeuvre est vraiment très forte, très réaliste, je pense en particulier à certains bouquins d'Ellroy, tout peut passer, on oublie les opinions de l'auteur, même si elles sont réacs. Car l'auteur de talent, je pense aussi à Balzac, qui était plutot royaliste, parvient à nous montrer la réalité.

Mais, dans La journée de la jupe, nous n'avons pas la réalité mais une accumulation de clichés. C'est un film hyper manichéen qui ne montre que l'aspect odieux de tous ces jeunes. Or quiconque a fréquenté un peu des jeunes de ce genre, même seulement dans une salle de classe, sait qu'ils ont plusieurs facettes, qu'ils peuvent être très attachants, qu'ils ont des qualités, que ce ne sont pas seulement des débiles violents qui veulent de la thune, des Nike et des Lacoste.
Le réalisateur n'a pas la moindre sympathie pour ces jeunes qu'il ne connait probablement pas du tout, si ce n'est pas la lecture des journaux et la TV.
La scène où un des jeunes demande une rançon en dollars pour partir en Australie le montre bien : ce réalisateur les prend tous pour des crétins. Aucun jeune de 16-17 ans de banlieue ou d'ailleurs ne s'imaginerait une seconde qu'il a la moindre chance de partir en Australie, ou il est bon pour le HP.

Tout est grossier, caricatural dans ce film, comme le bon et le mauvais flic. Mais Adjani porte le film et arrive à donner une certaine crédibilité à un personnage et à une situation qui seraient tout simplement grotesques si le personnage était interprêté par une comédienne moins talentueuse. On marche un certain temps - du moins moi j'ai marché un moment - grâce au charisme d'Adjani. Et c'est cela qui est dangereux : ce film ne peut que développer le sécuritarisme et le racisme.
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Message par Zappa » 03 Avr 2009, 17:25

Je rejoins Vérié. Le problème n'est pas de montrer des méchants noirs et arabes ou des gentils flics. OK ça existe en vrai. Le problème n'est pas que le réalisateur veuille aborder les problèmes de violence, de sexisme, de racisme dans la jeunesse des quartiers populaires, même si ce film le fait de manière grossière et caricaturale apparemment.
Le problème c'est de montrer d'un côté le gauchiste baba cool qui se laisse frapper par des jeunes car il comprend leurs malaises et de l'autre côté la prof qui braque un flingue sur sa classe " pour le bien " de ses élèves, afin de pouvoir leur faire cours, geste tout de même lourd de signification ( un gros coup de pression, de répression ?, et ils vous écoutent ces petits salopards ! ). C'est la prof qui dit à ces élèves " vous considérez pas comme des victimes ! ". Effectivement le mot victime est pas celui que j'emploierai, dans un certain sens et dans un autre contexte cette réplique pourrait même être recevable. Sauf que là c'est une énième ode à la liberté individuelle et à la responsabilité de chacun, thème qui a été décliné des millions de fois par la gauche comme par la droite, le discours de gauche étant de dire que malgré des conditions défavorables à la base en dernier ressort l'individu décide d'être un gentil ou un méchant, un patron ou un chômeur, un délinquant ou un bon élève. Les choses ne marchent pas comme ça et nous le savons. Rejeter la responsabilité individuelle ce n'est pas excuser, ce n'est pas ne rien faire, c'est comprendre. Comprendre que ce n'est pas dans le cadre du système capitaliste que sont les solutions. Ce n'est pas la prison, cette vaste institution de gestion et de punition des couches exclues du salariat durable, de " l'exploitation normale ", qui représente une solution. Ce n'est pas l'école bourgeoise qui est une non moins vaste institution visant à la reproduction des classes sociales qui apportera une réponse, même si des moyens en plus pour l'éducation et un meilleur service public pour les enfants de quartiers populaires peut pas faire de mal.
Si des débuts de réponses peuvent être trouvé dans le cadre du système capitaliste, ce ne sera pas grâce à quelques instites dévouées mais par la mobilisation des classes populaires et des jeunes eux mêmes. Aux USA, le mouvement des noirs américains avaient fait évoluer des jeunes du ghetto qui avaient des casiers judiciaires long comme le bras. Huey Newton avait été en prison pour viol.
Zappa
 
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Message par Vérié » 03 Avr 2009, 17:35

a écrit :
le discours de gauche étant de dire que malgré des conditions défavorables à la base en dernier ressort l'individu décide d'être un gentil ou un méchant, un patron ou un chômeur, un délinquant ou un bon élève


Je suppose que tu as voulu dire le discours de droite... ;)

Il y a en effet un peu de ce discours dans le film : ceux qui veulent s'intégrer le peuvent : regardez la prof Adjani elle-même dont les parents sont de modestes immigrés qui, eux, on fermé leurs gueules. Il est dit aussi, pour faire bonne mesure, que c'est plus dur quand on est black ou beur (ce qui est évident pour toute personne sensée), mais ce qui passe, c'est tout de même ce fameux discours réac du "quand on veut on peut", qui fait bon marché du contexte social.
Vérié
 
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Message par Vérié » 03 Avr 2009, 17:45

a écrit :
"réaliste socialiste!" beurrk, quel épouvante, je tremble devant une perspective aussi horrible.


A mon modeste avis, Convidado, une véritable oeuvre, un film ou un livre fort, est tout aussi "efficace" qu'un médiocre film ou livre de propagande hyper didactique, comme la plupart des films staliniens. Evidemment, de temps en temps on tombe sur un génie comme Eisenstein, mais la plupart du temps sur de médiocres tâcherons...

Par exemple, les films de Milos Forman tournés en Tchécoslovaquie nous en apprennent vraiment beaucoup sur la société tchèque, sans aucun didactisme... C'est plus intéressant que les films de propagande de l'époque.

Mais, pour en revenir à La journée de la jupe, ce film a des qualités, à commencer par l'interprétation d'Adjani, le huis clos, le suspense. Mais, c'est tout de même très excessif de parler d'une "oeuvre". Je laisse de côté l'aspect esthétique, la photo très critiquée, mais, par beaucoup de côtés, c'est tout de même du niveau d'un petit téléfilm très fabriqué. Par exemple, les problèmes sentimentaux du flic : on devine le dialogue entre le scénariste et le producteur, "il faut ajouter du background à ce personnage, trouve un truc, coco".
Il y a plusieurs passages assez grotesques : le coup de boule d'Adjani, le gosse qui veut partir en Australie avec un paquet de dollars et la fin .................pas très sympa de divulguer la fin............... Les personnages secondaires sont des archétypes, aucune nuance.

En revanche, il y a un assez bon rythme, on n'a pas trop rallongé la sauce comme dans tant de téléfilms...
Vérié
 
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Message par Zappa » 03 Avr 2009, 18:11

J'ai voulu dire discours de gauche mais ça n'a plus tellement de sens de parler de discours de droite ou de gauche sur ces questions. Y a 30 ans ou ptète 20 ans ça voulait encore dire quelque chose sûrement. Selon les politiciens et les circonstances il y en a qui reconnaissent un désavantage à la base, d'autres qui feignent de croire que l'égalité des chances est pratiquement réalisé. Il y en a qui disent que malgré le désavantage de base l'individu est libre, il fait des choix et qu'un délinquant est quelqu'un qui a fait un choix, il y en a qui zappe toutes les considérations matérielles et traitent tout le monde de sauvageons et les politiciens qui disent cela se retrouvent à droite à gauche au centre. Azouz Begag va parler de la misère dans les cités en disant qu'il est possible de rebondir et Julien Dray va déclarer qu'un délinquant fait un choix, qu'il n'a aucune excuse : " pas de sensiblerie sociologique ! " avant d'être félicité par Sarkozy qui dit que si c'est lui qui avait dit cela tout le monde lui serait tombé dessus.
La gauche a pas arrêté de cavaler derrière la droite depuis que les théories fort réacs, du type de la théorie de la vitre brisée, de la tolérance zéro, ont percé aux USA pour justifier un enfermement massif des couches les plus pauvres, les plus précaires de la population.
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Message par Matrok » 03 Avr 2009, 20:21

Argh ! Vérié, t'as raconté la fin ! Je veux bien que tu n'aimes pas ce film, mais là c'est vraiment bas !
Matrok
 
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