L'affaire Calas

Message par artza » 24 Jan 2009, 22:59

Les "intellectuels" apparaissent avec la bourgeoisie, en son sein et la servent.

Socialement ils en font partie.

Quand la bourgeoisie était une classe ascendante et révolutionnaire, les intellectuels avec leurs moyens et dans leur domaine participaient à ce combat.

On peut en citer une floppée de Villon ou Rabelais jusqu'à ceux des Lumières.

Aujourd'hui la bourgeoisie est conservatrice et pour "conserver" doit être réactionnaire, alors les intellectuels jouent de cette musique.

Voltaire était tout ce qu'on voudra, mais il combattait l'Eglise, l'obscurantisme et l'absolutisme et avec quel talent :-P

Eluard et Aragon applaudissaient à l'extermination des révolutionnaires, ne clamaient pas la vérité mais mentaient comme des cochons, falsifiaient et calomniaient.

Quand à leur talent, laissons la parole à Péret ;) et à son "Déshonneur des poètes".
artza
 
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Message par Matrok » 25 Jan 2009, 00:41

(artza @ samedi 24 janvier 2009 à 21:59 a écrit : Voltaire était tout ce qu'on voudra, mais il combattait l'Eglise, l'obscurantisme...
Il les "combattait" dans ses écrits, mais en défendait aussi avec cynisme la nécessité sociale. Pour Voltaire la religion servait à duper le peuple, et il a mis ses théories en pratique dans son domaine de Ferney. Tu appelles ça "combattre la religion et les superstitions", de faire bâtir une église et de faire écrire au Pape pour obtenir une relique pour cette église ? Des philosophes réellement critiques vis-à-vis de la religion dans tous ses aspects il y en avait à la même époque : d'Holbach par exemple. Ou le curé Meslier un peu avant. De rares exemplaires du bouquin de Meslier circulaient sous le manteau. Voltaire en a eu une copie : il l'a fait publier, mais en faisant des grandes coupes notamment dans tout ce qui était réellement athée, et même en réécrivant des passages dans un sens "théiste". Voila quelques aspects du héros philosophique de la bourgeoisie ! Ben moi j'appelle ça une crapule.

Quant à Aragon et Eluard : je n'ai bien sûr aucune sympathie pour les mensonges staliniens déguisés en poèmes par ailleurs souvent pompeux et académiques. Le comble d'ailleurs pour deux auteurs issus du courant surréaliste... Mais Wapi demandait les intellectuels (je pense que ça inclut les artistes) qui se seraient "élevés contre les abus du pouvoir". J'ai pris ça au sens large, ceux qui se sont clairement opposé au pouvoir en place quand celui-ci déraillait au-delà de la normale... Qu'on compare ce qu'ont fait Aragon, Eluard et compagnie sous l'occupation à tous les artistes près à des petits compromis, faisant des oeuvres tout d'un coup les plus dépourvues possible (en apparence) de sens social ou politique, les écrivains comme Jean Giraudoux, Marcel Aymé, les cinéastes comme Henri Georges Clouzot, les chanteurs comme Charles Trénet, etc... je ne parle même pas des artistes tout simplement collabos par conviction, les Brasillach, Céline...
Matrok
 
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Message par Vérié » 25 Jan 2009, 10:05

(artza @ samedi 24 janvier 2009 à 22:59 a écrit : Les "intellectuels" apparaissent avec la bourgeoisie, en son sein et la servent.

Socialement ils en font partie.

Quand la bourgeoisie était une classe ascendante et révolutionnaire, les intellectuels avec leurs moyens et dans leur domaine participaient à ce combat.

On peut en citer une floppée de Villon ou Rabelais jusqu'à ceux des Lumières.

Aujourd'hui la bourgeoisie est conservatrice et pour "conserver" doit être réactionnaire, alors les intellectuels jouent de cette musique.


C'est tout de même un peu shématique.
Sous l'ancien régime (et avant, puisque tu cites Rabelais), les intellectuels étaient très peu nombreux. Ne serait-ce que par ce qu'il fallait avoir le temps et les moyens de se consacrer à la littérature ou la philosophie, donc être bourgeois ou noble.

Combien étaient-ils ? Quelqu'un pourra peut-ëtre répondre avec précision à cette question : quelques dizaines ? Pas plus de quelques centaines en comptant très large.

Au 19ème siècle, à l'époque de Zola, ils étaient déjà plus nombreux, mais tout de même pas très nombreux. Sans doute quelques centaines, voire un millier ?

Aujourd'hui, les intellectuels - sans même compter les artistes, qui ne sont pas nécessairement tous des intellectuels - se comptent par dizaines de milliers. Ils se divisent en de très nombreuses catégories et sous catégories. Socialement, cela va de la grande bourgeoisie comme BHL à la toute petite bourgeoisie salariée (des enseignants qui écrivent des livres et des essais) et aux "intellectuels précaires" déclassés.


L'immense majorité aspire bien évidemment à rentrer dans la catégorie des intellectuels dits "reconnus". Reconnus par qui ? Là est le problème, car cette reconnaissance vient avant tout des médias.

Néanmoins, ces catégories d'intellectuels sont suffisamment diversifiées pour qu'elles soient parcourues par les différentes influences sociales contradictoires. Affirmer que tous les intellectuels servent la bourgeoisie est donc réducteur. Il y a tout de même au moins une minorité d'intellectuels "contestataires" voire révolutionnaires, et en tout cas honnêtes.

Par exemple une douzaine d'intellectuels "un peu connus" ont signé un appel pour soutenir les "épiciers de Tarnac". Des centaines d'autres ont signé cet appel.
Pour soutenir Battisti, les plus connus (BHL et cie) se sont battus pour se mettre en avant, car la cause était porteuse, puis une bonne part a fait machine arrière après la contre-offensive de l'Etat italien soutenu par la majorité de "ses" intellectuels, y compris ceux de gauche, à part quelques voix isolées comme celle de l'écrivain Evangelisti.

Il y a donc de nombreux intellectuels qui, aujourd'hui, bien que peut-ëtre minoritaires dans leur milieu, mais pas toujours, prennent position pour toutes sortes de causes. Parler de "courage" est un peu excessif, car ils ne risquent pas grand chose, pas même de ne plus être publiés, tout au plus d'être un peu boudés par les médias. Et c'est justement le problème : ce n'est pas à eux qu'on donne la parole en prime time !
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Message par artza » 25 Jan 2009, 10:11

(Vérié @ dimanche 25 janvier 2009 à 10:05 a écrit :
C'est tout de même un peu schématique.

Et tu es gentil...oui, c'est ARCHI-schématique.

Mais n'est-ce pas dans ce sens qu'il faut creuser?

Par ailleurs, "intellectuels" désignent à mon avis tous ceux qui exercent une profession non-manuelle qu'elle soit salariée ou "indépendante".
artza
 
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Message par Vérié » 25 Jan 2009, 10:20

(artza @ dimanche 25 janvier 2009 à 10:11 a écrit :

a écrit :
c'est ARCHI-schématique.

Mais n'est-ce pas dans ce sens qu'il faut creuser?


Oui, il me semble que le principe général est juste : quand la bourgeoisie était une classe montant, elle soutenait en effet des intellectuels révolutionnaires ou qui, au moins, contestaient l'ordre établi.

a écrit :
Par ailleurs, "intellectuels" désignent à mon avis tous ceux qui exercent une profession non-manuelle qu'elle soit salariée ou "indépendante".

C'est un vaste débat... Pour ma part, je ne classerais pas un chanteur de variétés, un directeur commercial ou un technicien informatique dans la catégorie "intellectuels".

Ou alors, il faut considérer qu'il existe une catégorie particulière d'intellectuels qui se consacrent, ou consacrent une partie importante de leur énergie et de leur temps à la réflexion philosophique, politique, l'étude des phénomènes sociaux etc.
Alors, on peut être par exemple un médecin très compétent sans être un intellectuel de cette catégorie, mais on peut aussi être les deux à la fois...

Car les intellectuels qui interviennent sur la scène publique sont tout de mëme en majorité ceux dont la vocation, voire la profession, est de réfléchir aux questions de sociétés.
Vérié
 
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Message par Ottokar » 25 Jan 2009, 10:26

(Vérié a écrit :Combien étaient-ils ? Quelqu'un pourra peut-ëtre répondre avec précision à cette question : quelques dizaines ? Pas plus de quelques centaines en comptant très large.

j'avais lu qu'à l'époque de Vallès ce journaliste de la Commune qui a écrit "le Bachelier", seuls 4000 jeunes par an passaient le bac. Avec le bac, on est donc en 1860 clerc de notaire, soit l'équivalent d'un bon cadre aujourd'hui. Au minimum et quand on n'est pas mariée comme Louise Michel, on est institutrice payée par une commune (avant les lois Ferry des années 1880). Et avant 14, on voit dans "La Gloire de mon père" le père de Pagol simple instit, vivre confortablement.

Les intellectuels ne sont donc pas nombreux, c'est vrai. Dans les pays riches, un peu plus et c'est la catégorie qui se développe et qui est attirée par le développement de la la social-démocratie en Allemagne dans les années 80 et vient "naturellement" occuper "sa" place, celle qu'elle croit lui être réservée de droit, journalistes, avocat du monde du travail, député, etc. De nombreuses lettres d'Engels mettent en garde là-dessus.

De façon générale, les intellectuels subissent les influences de la société. Le risque n'est pas gros, mais simplement le risque de s'opposer, de ne pas dire comme tout le monde, d'être stigmatisé, de ne plus être le mec sympa en salle des profs et... combien ont tu leurs doutes u leurs réticences au moment du vote Chirac et fait comme toute le monde ? Zemmour avant Noël reconnaissait devant Arlette que Le Pen n'avait aucune chance d'être élu. Mais pourquoi ne l'a-t-il pas dit à ce moment ? A l'inverse, les guignols dès le lundi, ont demandé à la marionnette d'AL de voter Chirac et lui ont fichu une baffe parce qu'elle ne le faisait pas (comme la baffe de Bayrou).

Que quelques un osent s'opposer, oui, c'est un certain courage. Et Voltaire en a eu parfois plus que cet arriviste affairiste de Beaumarchais, par exemple. Ou alors disons que Voltaire, âgé, a été davantage protégé par sa réputation que lui.
Ottokar
 
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Message par Wapi » 25 Jan 2009, 10:37

(artza @ dimanche 25 janvier 2009 à 09:11 a écrit :

Par ailleurs, "intellectuels" désignent à mon avis tous ceux qui exercent une profession non-manuelle qu'elle soit salariée ou "indépendante".
Oui bien sûr, et c'est pour cela qu'il faut ranger dans cette catégorie tous les gens d'église, du vicaire savoyard de Rousseau jusqu'au petit cercle de penseurs qui entourent le pape actuel.
Donc ça fait quand même du monde dans l'Histoire, avant même le triomphe de la bourgeoisie.
Wapi
 
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Message par Vérié » 25 Jan 2009, 11:10

(Wapi @ dimanche 25 janvier 2009 à 10:37 a écrit :
(artza @ dimanche 25 janvier 2009 à 09:11 a écrit :

Par ailleurs, "intellectuels" désignent à mon avis tous ceux qui exercent une profession non-manuelle qu'elle soit salariée ou "indépendante".

Oui bien sûr, et c'est pour cela qu'il faut ranger dans cette catégorie tous les gens d'église, du vicaire savoyard de Rousseau jusqu'au petit cercle de penseurs qui entourent le pape actuel.
Donc ça fait quand même du monde dans l'Histoire, avant même le triomphe de la bourgeoisie.

Encore une fois, c'est une question de définition...
Le vicaire savoyard, ce n'était pas la même chose qu'un marchand de tissu ou le propriétaire d'une fabrique de carosses etc. Les deux derniers n'avaient pas vocation à réfléchir sur les questions philosophiques, littéraires, politiques etc, ni à s'exprimer sur la scène publique.

a écrit : Ottokar
Que quelques un osent s'opposer, oui, c'est un certain courage


Oui, enfin ça dépend des situations et des causes. On peut dire que les intellectuels israëliens qui se sont opposés à l'agression contre Gaza ont fait preuve de courage. En France, refuser de voter Chirac, ça ne relevait tout de mëme pas de l'héroisme... A l'époque de la guerre d'Algérie et de l'OAS, il fallait déjà être un peu plus courageux.


Quant au "courage" d'Aragon sous l'occupation, il est très relatif. Paxton, spécialiste de cette période, explique que les autorités allemandes, plus subtiles qu'on ne le croit souvent, n'avaient pas du tout l'intention de s'en prendre à une gloire nationale comme Aragon, et que celui-ci pouvait prendre son café tranquillement à la terrase du Flore sans être inquiété...
Vérié
 
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Message par artza » 25 Jan 2009, 13:49

(Vérié @ dimanche 25 janvier 2009 à 11:10 a écrit :En France, refuser de voter Chirac, ça ne relevait tout de mëme pas de l'héroisme... A l'époque de la guerre d'Algérie et de l'OAS, il fallait déjà être un peu plus courageux.



Drôle de sortie ;)

On risquait quelques coups, mais dans la gauche un milieu quand même important c'était du velours. On se faisait pas cracher desssus.

Au moment du vote Chirac, SI et pas qu'au sens figuré et par des gens de gauche.

Une question Vérié, pourquoi cet acharnement à dédouaner les petits politiciens qui s'évertuèrent à faire voter Chirac.
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Message par Vérié » 25 Jan 2009, 15:00

(artza @ dimanche 25 janvier 2009 à 13:49 a écrit : Une question Vérié, pourquoi cet acharnement à dédouaner les petits politiciens qui s'évertuèrent à faire voter Chirac.
Tu interprëtes mal ce que j'ai écrit. Je n'ai repris cet exemple - le vote - Chirac -que parce que Ottokar l'avait cité. Je ne cherchais pas à minimiser le vote Chirac, mais à relativiser le "courage" de ceux qui n'ont pas appelé à voter Chirac.
Je me suis moi-même violemment fait engueuler par des gens du cortège PS, dans la manif du 1er mai de Rennes. Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir fait preuve de courage...

Mais j'aurais pu prendre un autre exemple. Car, ce que je voulais surtout souligner, c'est que nous vivons dans une société assez soft, où les prises de positions, quellles qu'elles soient, ne dérangent pas vraiment grand monde. Ca n'a pas beaucoup de consèquences personnelles ou professionnelles. Une prise de position, ça demande moins de courage qu'il n'en faut à d'innombrables syndicalistes qui s'opposent quotidiennement à leurs chefs et patrons.

Mais ça peut changer. Par exemple si les rapports sociaux devenaient plus tendus.
Vérié
 
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