Visiblement tu ne comprends pas un seul mot de ce que j'écris. J'essaie encore une fois :
Naturellement l'objectif de tous les marxistes est de dévoiler derrière tous les conflits nationaux, religieux, etc. les intérêts de classe qui se cachent derrière, et en luttant pour la satisfaction des revendications
démocratiques de droit à l'auto-détermination, de liberté religieuse, linguistique etc. de dévoiler l'incapacité de la société bourgeoise de satisfaire ces revendications, et ainsi de rendre possible l'union de toute la classe ouvrière par delà les différences nationales, religieuses etc. Je te laisse relire par exemple "Sur une caricature du marxisme et à propos de l'économisme impérialiste" de Lénine à ce sujet.
Nous (les marxistes) disons contre le sens commun, que les conflits religieux ne sont pas causés par la religion, pas plus que le racisme n'est causé par le manque de mélanine, mais qu'ils expriment des intérêts de classe : classes dominantes luttant entre elles ou classes dominées contre classes dominantes. Il y a déjà
plus d'un siècle Engels faisait grief à Zimmermann "de ne pas arriver à présenter les controverses religieuses et politiques de l´époque comme le reflet des luttes de classes contemporaines,"
La chose est assez simple : si la religion était la source des conflits en Irlande, pourquoi diable protestants et catholiques cohabitent-ils paisiblement en Angleterre ? C'est donc qu'il y a autre chose.
Cette autre chose c'est l'histoire coloniale de l'Irlande, et la stratégie de la classe dominante britannique pour assurer sa domination sur l'Irlande puis pour étouffer le mouvement national irlandais.
Le problème politique de ton approche c'est qu'elle ne fait pas la différence entre opprimés et oppresseurs, alors que le conflit religieux en Irlande est précisément un conflit entre opprimés et oppresseurs, entre les intérêts des classes dominantes britanniques et ceux des classes laborieuses irlandaises.
Il faut savoir que la minorité coloniale a dû faire face d'abord à un mouvement réunissant
protestants et catholiques, que la crainte que ce mouvement causa dans les élites coloniales les amena d'une part à supprimer le parlement irlandais, d'autre part à former des organisations comme l'Ordre d'Orange.
La domination britannique sur l'Irlande permit au capital anglais et écossais de saigner à blanc la classe paysanne irlandaise - qui se trouvait être catholique et dont l'expression politique allait bien sûr se ressentir de cette expérience :
a écrit :Tandis que la rente foncière s'accumule en Irlande, les Irlandais s'accumulent en même proportion aux Etats-Unis. L'irlandais évincé par le bœuf et le mouton reparaît de l'autre côté de l'Atlantique sous forme de Fenian.
(Marx,
Le Capital I, chapitre XXV)
Je saute la période de l'indépendance, où l'instrumentalisation de la religion dans des buts de classe par l'impérialisme anglais crève les yeux.
Quant à la période récente elle s'ouvre elle aussi par un mouvement réunissant protestants et catholiques notamment sur la question du logement. Si la gauche en Irlande du Nord n'a pas réussi à prendre la tête du mouvement de résistance c'est précisément qu'elle n'a pas pris la mesure non pas de la question religieuse, mais des discriminations dont souffraient les catholiques, discriminations très matérielles, héritées de la partition de 1921 et de la création du mini-Etat d'Ulster, et qui n'avaient rien à voir avec des questions théologiques.
a écrit :L'une des erreurs commises par la gauche était sa sous-estimation de la profondeur de la division sectaire. En partie, elle prenait ses désirs pour des réalités. Face à cela il y avait une abondance de signes que les haines religieuses reculaient. Le premier ministre d'Irlande du Nord, Terence O'Neill, était sans doute un réformateur stupide et peu convaincant, mais au moins il y avait là un Unioniste qui disait que la discrimination était mauvaise, ce qui était nouveau.
Taoiseach Lemass (le premier ministre du Sud) visita O'Neill à Stormont, le bâtiment du parlement d'Irlande du Nord, en janvier 1965. On parlait beaucoup de la rencontre des 'deux traditions'. Le slogan à la mode était: 'réconciliation'. Le Parti Nationaliste accepta de devenir l'opposition officielle à Stormont.
Dans cette atmosphère générale, il semblait raisonnable d'interpréter les modestes avances qui étaient faites par des politiciens de gauche comme partie intégrante d'un processus profond et inexorable qu'il était du devoir des socialistes de pousser plus loin et d'accélérer.
L'argument général était que puisque leur camp - les conservateurs Verts et Orange, au Nord et au Sud - tendant à se rassembler, le nôtre - travailleurs catholiques et protestants, au Nord et au Sud - devait s'unir contre eux dans un réalignement enfin positionné sur une ligne de classe.
Il était dès lors implicite que la question nationale ne devait et ne pouvait pas surgir à nouveau en termes nettement traditionnels, pour ou contre la partition.
Ceci ignorait à quel point les travailleurs catholiques continuaient, raisonnablement, à se considérer comme membres d'une communauté opprimée plutôt que comme section d'une classe exploitée.
La situation à Derry souligna clairement ce point. La révision des listes électorales de 1966 mit en évidence 14.125 électeurs catholiques et 1.474 protestants dans la huitième circonscription de South Ward; 4.380 protestants et 3.173 catholiques dans la huitième de North Ward; et 2.804 protestants et 1.420 catholiques dans la quatrième de Waterside Ward.
En chiffres ronds, en comptant de façon sectaire par têtes, 20.192 catholiques pouvaient espérer avoir 8 conseillers alors que 10.274 protestants pouvaient en avoir 12. Les résultats du Labour en 1967 montrèrent que les électeurs ne pensaient nullement en ces termes, mais même alors, il était clair que les catholiques étaient traités avec un mépris officiel.
Et dans la mesure où le pouvoir gouvernemental local était brutalement sectaire dans l'allocation des logements et des emplois (il n'y avait pas un seul catholique employé Guildhall de Derry), il ne s'agissait pas de la part des catholiques d'un vague sentiment d'être exclu de la vie civique, mais d'une dure situation réelle.
De plus, des forces idéologiques puissantes soudaient les catholiques en une communauté. L'église catholique n'est pas seulement un ensemble de croyances, mais une institution brillamment organisée qui s'insinue dans presque tous les domaines de la vie de 'son' peuple, lui fournissant un sentiment identitaire.
Après le 5 octobre, ces facteurs jouaient pour que les catholiques réagissent en tant que communauté. Il y avait eu, bien sûr, des syndicalistes, des membres du parti travailliste et des étudiants protestants qui avaient participé à la marche.
Mais lorsque les manifestants refluèrent vers le Bogside, ensanglantés par les matraquages et trempés par les canons à eau, et que les premières barricades maladroites furent jetées au travers de Rossville Street, un schéma de comportement fut établi en exacte conformité avec les formes traditionnelles de la lutte en Irlande du Nord.
Dans cette situation, nous, socialistes, même si nous avions eu des organisations cohésives et des idées claires, ce qui n'était pas le cas, aurions été confrontés à d'extraordinaires difficultés pour essayer de défendre une politique de classe plutôt qu'une solidarité communautaire.
La difficulté majeure que nous affrontions en proclamant que les travailleurs catholiques devaient se tourner vers le mouvement ouvrier était que ce dernier s'était tenu à l'écart des revendications des catholiques. Dans son livre Have the Trade Unions Failed the North? (Est-ce que les syndicats ont trahi le Nord?), l'historien travailliste Andy Boyd fournit une vision des effets dévastateurs de cette attitude, en particulier sur des questions qui impliquaient les intérêts vitaux de l'Etat de l'Irlande du Nord.
Par exemple, Boyd estime que le Comité du Nord du Congrès Irlandais des Trade Unions (ICTU), était le seul corps syndical de son espèce en Europe à refuser de condamner les internements en 1971. De même, il n'a jamais condamné le massacre du Dimanche Rouge (Bloody Sunday) - qui comptait six syndicalistes parmi les 14 morts.
(Eamonn McCann,
Les racines de la révolte)