(canardos @ samedi 29 mars 2008 à 20:33 a écrit :
3) contrairement à ce que semble penser Milan le tibet historique n'a jamais été monoethnique, et les minorités non bouddhistes ou non tibetaines étaient également maltraitées et leurs droits étaient bafoués quand le clergé était au pouvoir. En réalité le tibet historique était deja une prison des peuples.
(...)
5) la revendication du retour au pouvoir du Dalai-Lama, un chef religieux, qui prétend "diriger" un "gouvernement en exil" et qui n'a comme seule légitimité que le fait qu'il représente l'ancien clergé et qu'il est la réincarnation de précedents chefs religieux, c'est bien la revendication du retour au pouvoir d'un clergé rétrograde. C'est à peu pres demander que le pape exerce à nouveau le pouvoir temporel dans la chretienté au nom de la spécificité culturelle europeenne. (tiens ça me fait penser à l'inscription des racines chretiennes dans la constitution europeenne).
evidemment le dalai lama est quelqu'un de relativement cultivé qui présente bien et sait parler de démocratie, mais ce qu'il représente c'est vraiment l'ordre clérical ancien!
Je ne sais pas ce que Milan semble penser, mais je sais assez bien ce qu'il pense :
- le Tibet est depuis très très longtemps multireligieux. Il y a notamment depuis très longtemps des musulmans. La coexistence entre religions a été parfois bonne, parfois mauvaise. A la fin du XIXe siècle, des chrétiens ont eu de gros ennuis.
- le Tibet est un très vaste territoire hétérogène, et on a trop souvent tendance à extrapoler à partir de la situation dans une région.
- le Tibet est multiethnique ou "multinational" et, comme dans toutes les régions du monde qui vivent cette situation, cela posera des problèmes complexes lorsque le Tibet obtiendra une véritable autonomie ou une indépendance. Surtout du fait de la présence massive de Hans arrivés au Tibet dans le cadre d'un processus de colonisation. Le projet proposé par l'administration tibétaine en exil prévoit une deuxième chambre législative : ce qui permettrait éventuellement une représentation des diverses nationalités.
- la revendication d'un Tibet autonome dont le territoire couvrirait les limites du Tibet dit historique n'a, de ce point de vue, rien d'évident : cela correspond sans doute au désir des Tibétains vivant dans ce qu'on appelle parfois les "marches du Tibet" (les régions contigues avec le Tibet central), mais pour ce qui est des autres ethnies, cela peut poser de graves problèmes. A fortiori s'il était question d'indépendance. C'est pourquoi la question de l'avenir du Tibet ne peut pas être séparée de celle de l'avenir de la Chine tout entière : ce sont les droits de l'ensemble des nationalités qui doivent être revus.
Comme je l'ai déjà expliqué, il n'existe pas de "revendication du retour au pouvoir du Dalai-Lama" :
- l'administration tibétaine en exil propose, entre autres, la convocation d'une assemblée constitutante dans le nouveau Tibet, l'élection au suffrage universivel d'un chef de l'Exécutif....Pour répondre à Chambre bleue, lors du "retour du Pape dans les Etats de l'Eglise après la Révolution française ", il n'y a pas eu d'élection.
- le Dalaï Lama (72 ans), qui n'a d'ailleurs jamais eu de pouvoir effectif au Tibet (ayant occupé cette fonction à 16 ans quelques mois avant l'arrivée des soldats chinois), a dit vouloir rentrer au Tibet comme un simple moine et refuser d'occuper le poste de chef de l'Exécutif. Ce n'est pas une parole en l'air : cette question ne compte sans doute pas pour rien dans ce qui est discuté avec Pékin.
La question pourrait par contre se poser d'un régime "dama laïmaiste" sans Dalaï Lama. Si on regarde les photos de l'assemblée élue (en partie) par les Tibétains en exil, on voit déjà très peu de robes rouges : ce sont des laïcs dans leur très grande majorité. Et surtout, le projet prévoit des assemblées élues.
Encore une fois :
1) le pouvoir économique des monastères, qui constituait la base de leur pouvoir politique, a été démantelé. Il ne reviendra pas par la force de l'esprit. Soyons un peu matérialistes.
2) les Tibétains ne sont pas des abrutis, formant une espèce d'exception au milieu d'une Chine en plein mouvement. Il y aura des forces laïques, et même si certains voudraient voir revenir "un ordre clérical ancien", cela ne se ferait pas sans lutte politique. Un Tibet libre verrait revenir beaucoup de Tibétains en exil qui ont connu des sociétés laïques. Le Congrès de la jeunesse tibétaine, qui a été créé par le gouvernement en exil, mais qui lui a échappé, revendique 30 000 membres. Même si ce chiffre est gonflé, cela représente une force, certes pas communiste, mais en tout cas laïque.