(Gaby @ mercredi 2 janvier 2008 à 23:26 a écrit :Un film sur la petite bourgeoisie et ses "choix"
(Ken Loach @ interview dans Rouge n° 2233, 03/01/2008 a écrit :
Rouge • Le personnage d’Angie, complexe, séduisant, sympathique, commet peu à peu de belles saloperies. Que représente-t-il ?
Ken Loach – Angie vient de la classe ouvrière mais, virée d’un travail qu’elle fait aussi bien que son patron, elle en a assez d’être victime, et elle décide de monter son agence d’intérim « spéciale immigrés ». Dans ce but, elle doit gagner de l’argent, faire des choses illégales : elle encaisse les charges sociales, mais ne les déclare pas. Elle trouve le moyen de sous-louer des pièces aux travailleurs. Peu à peu, elle gagne de l’argent et devient obsessionnelle. Ceux qui agissent ainsi ne voient les travailleurs que comme un moyen d’atteindre leur but. C’est cela la moralité des affaires. Angie n’agit pas de manière atypique, elle est à l’image des entrepreneurs de son temps. Ce qu’elle fait est inhérent à la logique du profit.
Rouge • Angie vient de la classe ouvrière, mais elle choisit le camp adverse, par contamination idéologique. Rose, son associée, veut payer les travailleurs, mais Angie refuse, car « c’est un monde libre »…
K. Loach – C’est ce que le monde dit : tout est marché. Angie est dans le coup. Rose n’accepte pas la logique du profit. Elle n’agit pas en femme d’affaires, au contraire d’Angie, qui agit en conformité avec le monde capitaliste.
Bon, moi je ne sais pas trop si Angie est issue de la petite bourgeoisie ou de classe ouvrière - si Ken Loach le dit...
Si elle est de la classe ouvrière, c'est peut-être par ses origines (mais la maison de ses parents est pas mal, même si ça peut encore être celle de salariés moyens), et par son statut de salarié. Mais c'est tout de même classe ouvrière tendance "petit chef"... car n'est pas recruteur, dans les pays de l'est en plus, n'importe qui. En tout cas pas un total naïf...
Plusieurs films ont traité de ce thème de la "formation" (les choix à faire) d'un salarié - à responsabilité - de services de ressource humaines ("Ressources humaines" ou "violence en milieu tempéré" - ou quelque chose comme ça).
Donc dès le début, Angie n'est pas vraiment un personnage sympathique. Même si elle se trouve victime des "manières" des hommes qui font le même travail qu'elle et même si elle se fait virer, même si elle est décidée à ne pas rester victime.
Donc on entend un peu trop souvent à propos de ce film un discours qui prête le flanc de façon un peu complaisante à l'idée que "tu vois, ils peuvent être de la classe ouvrière, et tu vois ce qu'ils sont capables de faire, exploiteurs de la pire espèce".
Même si ça existe : même des immigrés clandestins peuvent se retrouver exploiteurs d'autres immigrés clandestins. Mais même là, ce ne sont pas forcément des travailleurs qui exploitent d'autres travailleurs : "immigrés clandestin" ne veut d'ailleurs pas forcément dire "travailleurs immigrés clandestins" (même si des travailleurs peuvent exploiter d'autres travailleurs, cela existe aussi, OK)
Tout ça à cause de quoi ? Le film évoque l'impunité dont bénéficient ceux qui sont prêts à exploiter, même dans l'illégalité. Il montre où cela peut mener.
Mais est-ce nouveau ? Est-ce une spécificité britannique ?
En tout cas c'est traité de façon marginale dans le film qui insiste plutôt sur la mentalité de l'exploiteur.
Pourtant, c'est cette impunité, cette absence de contrôle sur les agissements des exploiteurs qui est le plus à mettre en cause.