L'origine de « grève reconductible »

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Puig Antich » 13 Oct 2007, 22:06

Quand ce terme a été utilisé pour la première fois dans le mouvement ouvrier ?

Point sémantique : une gréve reconductible est une grève dont on vote la reconduction ou non sur chaque site séparément, le matin en général, en assemblée générale.

Elle s'oppose à une journée de gréve carrée, mais aussi à la grève jusqu'à satisfaction, ou grève illimitée. Ces dernières concentrent d'une certaine manière la volonté de tout un corps de métier, ou plus largement, autour de l'objectif, même si évidemment les forces peuvent s'épuiser et les AG voter la reprise.

On voit apparaître également des termes comme gréve générale reconductible, sans qu'on sache si la reconduction est votée ici d'une manière générale par tous les grèvistes en même temps, ou par site. Dans le premier cas, il faut préciser les moyens techniques d'une telle prouesse.

Je pose la question évidemment parce qu'elle a un intérêt pratique : on a vu beaucoup de gréves cassées car, nationalement, une organisation syndicale centralisée, contrairement au mouvement de gréve qui est ici décentralisé, peut décider de faire croire aux ouvriers de chaque site pris séparément que les ouvriers des sites alentours et nationaux votent la reprise du travail. C'est encore la meilleure méthode non-violente pour faire reprendre le travail, quand une bureaucratie syndicale veut faire accepter un compromis négocié qui n'est pas approuvé par la base.
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Message par Ottokar » 14 Oct 2007, 08:47

j'avoue que je ne sais pas depuis quand on parle de grève "reconductible". 1995 peut-être. Ce que je sais c'est que l'idée prend différents sens selon le contexte.

Une grève c'est une chose. On s'engage dans le conflit et on reste en grève jusqu'à épuisement, du patron ou des salariés. Une grève "reconductible" veut dire qu'elle peut s'arrêter, ne pas être reconduite, et cela chaque matin, à chaque AG. C'est une faiblesse d'un côté. Mais cela veut dire aussi que chaque jour, les salariés viennent et participent à l'AG, et décident eux-mêmes de leur mouvement. Ils sont donc davantage impliqués et c'est une force. La grève générale de 68, la plupart des salariés, ils l'ont faite à la maison. C'était une faiblesse Les bureaucrates ont décidé et ont eu la maîtrise du jeu. Les grèves "reconductibles" récentes, les vraies, les salariés étaient plus mobilisés.

A mon avis, si ta question est légitime, il n'y a pas de réponse abstraite. Nous, les révolutionnaires, nous militons pour que la grève soit l'école de la révolution (formule Lénine) c'est-à-dire la grève avec participation active des salariés, la plus large possible, et participation consciente, c'est-à-dire avec direction large, élue et responsable, AG débattant des problèmes, etc. Mais les salariés n'en sont pas toujours à ce niveau de conscience et de révolte et c'est rarement le cas.
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Message par Puig Antich » 14 Oct 2007, 20:46

Il y a effectivement toujours, ou presque, des votes sur la reconduction du mouvement, y compris en cas de grève illimitée. Notamment, un tel vote, dans la période ascendante, apparait de pure forme mais sert à souder les grévistes et renforcer leur cohésion.

Mais il y a une différence fondamentale entre des grévistes qui ont l'impression d'être un bloc soudé avec toute leur profession ou toute une couche de la classe ouvrière, en lutte jusqu'à la réalisation de tel ou tel objectif ; et entre des grèves qui se voient comme éparses, " reconductibles " (c'est à dire aussi non-reconductibles), et où le seul enjeux de discussion et de décision proposée aux grèvistes c'est "on continue ou pas ?".

Si on en est à se poser cette question tous les matins, hé bien on ne résout pas les autres questions :
- nos revendications ?
- notre stratégie (locale, sectorielle, nationale) ?
- notre structuration
- discussions politiques

En gros, on élude le contenu du mouvement en posant continuellement la question " est ce qu'il continue ou pas ?". Ca favorise en fait, outre l'indécision, la prise de décision pour toutes les autres questions par les bureaux syndicaux, en plus de ce qu'on disait plus haut sur le fait que c'est plus facile de faire reprendre.
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Message par Puig Antich » 14 Oct 2007, 23:47

Ils appeleront à la reconduction, pas forcément le 19, mais après, vu les exigences des ouvriers. Les bureaucraties syndicales sont capables de s'adapter à de nombreuses formes de lutte, y compris violentes, mais c'est toujours avec l'objectif de sauvegarder leur place dans les mécanismes de concertation et d'intégration de la démocratie bourgeoise.
Puig Antich
 
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Message par Ottokar » 15 Oct 2007, 05:37

cette discussion montre que voter peut être la meilleure et la pire des choses. On a vu des grèves où les syndicats avaient visiblement envie d'arrêter et faisaient voter les gars plusieurs fois, jusqu'à ce que que, de guerre lasse, la majorité gréviste se transforme en minorité !
Ottokar
 
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Message par artza » 15 Oct 2007, 07:57

(Ottokar @ lundi 15 octobre 2007 à 06:37 a écrit : cette discussion montre que voter peut être la meilleure et la pire des choses. On a vu des grèves où les syndicats avaient visiblement envie d'arrêter et faisaient voter les gars plusieurs fois, jusqu'à ce que que, de guerre lasse, la majorité gréviste se transforme en minorité !

Dans les grèves nationales auxquelles j'ai participé, nous n'avons été appelé à voter que pour la reprise.

Malins comme douze, les responsables syndicaux se permettant même de voter, minoritaires, la continuation, après avoir créé toutes les conditions de la reprise... avec des clopinettes :D
artza
 
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