(Vérié @ samedi 6 octobre 2007 à 18:00 a écrit : Voici un article publié dans CQFD sur Caroline Fourest
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FAUX AMIS
CAROLINE FOUREST
Mis à jour le :15 juin 2006. Auteur : Le bouledogue rouge.
C’était le 25 mars dernier, dans les salons capitonnés de l’Assemblée nationale. Caroline Fourest, journaliste à Charlie Hebdo et au Wall Street Journal, « militante féministe, anti-fasciste et libertaire » comme elle se définit elle-même, recevait des mains du progressiste Jean-Louis Debré le « prix du livre politique 2006 ». Une distinction prestigieuse, comme l’atteste le profil des lauréats précédents : Denis Tillinac (2005), Fadela Amara (2004), Alexandre Adler (2003), Laurent Joffrin (2002)... On comprend l’émotion de la militante. Sur le site web de l’Assemblée, on la voit échanger des sourires fondants avec l’ex-ministre de l’Intérieur, celui qui déclarait après l’expulsion des sans-papiers de Saint- Bernard en 1995 : « Est-ce que vous acceptez que des étrangers viennent chez vous, s’installent chez vous et se servent dans votre frigidaire ? Non, bien évidemment ! Eh bien c’est pareil pour la France. » Caroline Fourest, elle, n’était pas venue piller le frigo de l’Assemblée, mais serrer la louche de son président et remercier les membres du jury - Arlette Chabot, Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach, Bernard Guetta, Laurent Joffrin... - pour leur courageux soutien à la résistance. Donnedieu de Vabres, ministre du Rétrecissement des intermittents, et Louis Schweitzer, l’ex-PDG humaniste de Renault, étaient là aussi pour l’applaudir. Ne manquait que son maquignon de chez Grasset, BHL, co-signataire avec elle d’un héroïque « manifeste contre le nouveau totalitarisme ». Celui des islamistes, bien sûr.
Car personne ne saurait ignorer que c’est là le grand combat du nouveau siècle : la lutte sans merci contre le monstre barbu qui cogne à nos portes et sape nos valeurs. Caroline Fourest, c’est un peu la Jeanne d’Arc de cette affaire-là. Soulevant les barbes comme un entomologiste soulève les cailloux, elle débusque les termites qui grignotent les fondations de la pôvre maison France : tous les musulmans qui ne lisent pas Charlie, mais aussi leurs complices, ces « islamo-gauchistes » qui fourmillent à Attac, à la LDH, au Mrap, à l’École pour tous... Leur crime ? Avoir cédé à la « tentation obscurantiste » (pour reprendre le titre du bouquin primé à l’Assemblée) en s’inquiétant par exemple du sort des fillettes voilées exclues de l’école, ou en taillant un bout de gras avec Tariq Ramadan. Le prédicateur suisse est certes bien mal placé pour incarner les masses opprimées, et on peut ironiser à bon droit sur les quelques altermondialistes qui le courtisent. Mais Caroline Fourest ne s’arrête pas là : pour elle, quiconque ne fait pas de l’anti-islamisme le coeur de ses obsessions a déjà franchi la ligne de front. Au prix d’un nombre incalculable d’impostures et de contre-vérités (répertoriées sur le site « Les mots sont importants »), la sainte croisée laïque voit des collabos partout. C’est grave, docteur ? Plutôt, oui. Avec la force de frappe que lui confère sa double appartenance à la « gauche citoyenne » et à la crème des matraqueurs d’opinion, Caroline Fourest contribue à populariser les mots d’ordre de l’Axe du Bien dans des milieux qui ne leur étaient pas naturellement réceptifs. Nouvelle marotte du bobo en battle-dress, l’idée se répand que l’islam est l’ennemi à abattre et que cette guerre-là justifie toutes les alliances : le Grand Duduche avec Jean-Louis Debré, la presse libre avec le Wall Street Journal, le tiers-monde avec le CAC 40, les pauvres avec les riches, les victimes de guerre avec George Bush, les antifascistes avec les anti-Arabes. « Plutôt mort que rouge », disait la droite au temps de la guerre froide. « Plutôt BHL que Barbès », lui répond l’idiote utile.
Article publié dans CQFD n° 35, juin 2006.
Présenter Caroline Fourest comme une "journaliste du Wall Street Journal" est au mieux une caricature. A ma connaissance elle n'a publié qu'une seule et unique tribune dans l'édition européenne du journal.
On peut penser ce que l'on veut de cette tribune, mais présenter son auteur comme duement appointée par le wsj, c'est un mensonge. Mensonge utile quand il s'agit de la discréditer.
("wsj" a écrit :The France after the riots
Les émeutes auxquelles nous avons assistées en France ces dernières semaines ne sont ni ethniques ni religieuses. Mais le symptôme d'un malaise social, économique et identitaire. Ce qui ne veut pas dire que des mouvements religieux « intégristes », c'est à dire défendant une vision de l'islam à la fois politique et liberticide, ne vont pas chercher à tirer parti du chaos. Dans un contexte où le fanatisme prospère particulièrement bien sur les ruines de l'échec social.
Cet échec n'est pas, à mon avis, dû au modèle d'insertion universaliste à laquelle la France tient tant. Les émeutes existent dans tous les pays, et même plus particulièrement dans ceux où le respect des communautés visibles n'empêche pas la ségrégation sociale et économique. La France a même longtemps été plutôt protégée dans ce domaine grâce aux efforts successifs de ces gouvernants pour « désenclaver » les quartiers concentrant les populations défavorisées et donc les handicaps sociaux. Même si, de l'avis de tous aujourd'hui, cet effort n'a jamais été à la hauteur du défi, gigantesque, qui attend ceux qui souhaitent sincèrement offrir à tous ses compatriotes une « égalité des chances » réelle et non simplement fictionnelle.
Cette ambition, c'est bien celle du modèle universaliste : ne pas reconnaître ses citoyens en fonction de leur appartenance « visible » à une communauté mais les considérer comme des individus ayant droit aux mêmes chances de réussite, quelle que soit leur origine.
Belle ambition, à laquelle il ne faut surtout pas renoncer sous prétexte que le modèle communautariste, qui régule le lien social en fonction de communautés culturelles - au risque d'enfermer de fait l'identité de ses concitoyens - se révèle plus payant à court terme. Assurément, le modèle auquel nous devons réfléchir en Europe est une forme de troisième voie, qui sache marier l'ambition universaliste à long terme sans pour autant tomber dans un conformisme niant les appartenances culturelles et donc la richesse de cette diversité.
C'est un long débat, qui demandera du temps, donc de la patience mais aussi des moyens. Dominique de Villepin vient d'anoncer la déblocage de 100 millions d'euros à destination d'associations qui, sur le terrain, animent justement cette oeuvre interculturelle et ce lien social. C'est une bonne chose. Même cette mesure arrive un peu tard. En effet, c'est bien l'arrêt de tout crédit aux forces vives du tissu associatif et social qui est en partie responsable des émeutes que nous venons de vivre. En France, plus qu'aux Etats-Unis ou en Angleterre, le tissu associatif dépend des subventions publiques. C'est grâce à de l'argent public que des milliers d'associations et de travailleurs sociaux tentent de lutter, jour après jour, contre les inégalités et les discriminations grâce à leur talent de médiateur et d'éducateurs.
Or depuis trois ans, cet argent public a fondu. Lors de son arrivée au ministère de l'intérieur, l'une des premières déclarations marquantes de Nicolas Sarkozy fut de congédier la police préventive de proximité pour se concentrer uniquement sur une police de répressive : « La police n'est pas là pour jouer au football avec les jeunes des quartiers mais pour arrêter et sanctionner » a-t-il lancé au principal responsable de la police de proximité, médusé. Mais Nicolas Sarkozy vous dira qu'il a souhaité mener une politique à la fois « ferme et juste ». La fermeté, c'est ce recentrage vers une police uniquement répressive. La « justice », Nicolas Sarkozy l'a bâtie sur le modèle communautariste, qu'il incarne en France. A savoir déléguer le lien social - et donc le règlement des conflits, y compris sociaux ! - aux communautés religieuses. En l'occurrence aux groupes religieux islamiques les mieux implantés dans les quartiers difficiles. Je veux parler de l'Union des organisations islamiques de France, représentant l'islam fondamentaliste des Frères musulmans. Inconnu du grand public jusqu'à très récemment, l'UOIF est désormais devenue incontournable dans le débat public grâce à sa participation au CFCM, le Conseil Français du culte musulman mis en place par le ministre de l'intérieur. Où ils représentent désormais un tiers de l'islam de France.
Moralité, lorsque des émeutes éclatent, ce sont vers eux que se tournent désormais une partie de la classe politique avide de solution facile pour résoudre une crise - dont les origines sont encore une fois sociales. Sans avoir peur du ridicule.
Pour prouver sa bonne volonté, le 6 novembre, l'UOIF a édicté une « fawta » appellant au calme : « Il est interdit au musulman la transgression et l'injustice et ‘ne transgressez point car Dieu n'aime pas les transgresseurs' », dixit le contenu de la fatwa, sources coraniques à l'appui. Comme si tous les casseurs étaient musulmans et non les enfants maudits de la République. Comme si le mouvement de colère auquel on assiste était une sorte d'Intifada et non un mouvement de rage sociale. Comme s'il suffisait qu'un imam obscur siffle la fin de la récréation pour que l'ordre revienne...
En l'occurrence, cette fatwa n'a eu aucun impact. Sur le terrain, les émeutiers savent à peine qui est l'UOIF et une fatwa leur parle autant qu'un « couvre-feu » moraliste. Plus inquiétante est l'arrivée sur le terrain de groupes de militants formés par les Frères musulmans pour s'interposer comme médiateurs, entre l'Etat et les jeunes des quartiers populaire, au pied des immeubles. Car cette présence témoigne d'une volonté, indiscutable, d'instrumentaliser l'émotion actuelle au service d'un agenda religieux qui est aussi un agenda politique.
Quand l'Etat démissionne, l'initiative privée - en l'occurrence intégriste - occupe le terrain. L'adage est vrai pour la France comme il l'est pour l'Algérie et l'Egypte. C'est ainsi que les Frères musulmans ont tissé leurs réseaux, en investissant le soutien scolaire, en organisant des activités sportives et culturelles, là où l'Etat n'assure pas sa mission de lien social. Les Algériens qui ont connu les émeutes d'avant 1990, où les voitures ont brûlé pendant des jours, se souviennent que les islamistes ont ensuite prospéré sur les cendres de ces émeutes.
L'UOIF, qui recevait volontiers les dirigeants du Front islamique du salut, la principale force islamiste en Algérie, à son Congrès annuel jusqu'à il y a encore quelques années, fait-elle le même rêve ? Les prédicateurs islamistes vont-il occuper le terrain calciné des écoles, des gymnases et des foyers qui ont été brûlés en moins de deux semaines, réduisant à néant des années d'effort collectif en faveur de ces quartiers.
Rien ne permet de penser le contraire.
Dans un communiqué, JMF, la branche jeunesse de l'UOIF, a appelé au calme en faisant ce rappel : « Présent sur le terrain depuis plus de 10 ans, JMF, à travers toutes ses sections réparties sur le territoire national, travaille tous les jours avec ces jeunes par le biais d'activités socio-éducatives, culturelles, sportives et humanitaire. Nous oeuvrons au quotidien pour les accompagner à devenir des citoyens actifs et positifs de notre société. » Un message rassurant, en apparence. Sauf lorsqu'on sait ce que l'UOIF entend par « positif ». En l'occurrence, le prédicateur vedette de cette organisation, Hassan Iquioussen, que des sociologues français ont décrit comme l'incarnation typique de ces « nouveaux travailleurs sociaux » qu'il faudrait envoyer dans les quartiers difficiles à la place de l'Etat, prêche aux jeunes qu'une fille et un garçon n'ont pas le droit de se parler par le biais d' internet sous peine d'être à trois avec le « diable ». Ou encore que la Shoah et une complot entre Hitler et les Juifs - décrits comme le « top de la félonie » - pour occuper la Palestine. Et que, bien sûr, certains islamistes en activité aux quatre coins du monde sont des « frères ».
C'est dire s'il y a quelque inquiétude à voir les troupes de l'UOIF jouer les médiateurs sociaux. Prête à calmer le jeu lorsqu'il s'agit de rage sociale et de brûler des voitures. Mais pour mieux distiller un islam fondamentaliste liberticide, sexiste, homophobe et antisémite. Dans un contexte où partout dans le monde, d'autres mouvements issus des Frères musulmans tentent de grignoter la moindre parcelle de terrain social et culturel en nourrissant le rêve d'unir, un jour, leurs positions de force ainsi acquises.
Caroline Fourest