par toulaiev » 24 Sep 2007, 22:28
Ce texte est de François Fontan, occitaniste, j'y adhère en partie, qu'en pense les internautes ?
LES NATIONS A L'EPOQUE MODERNE
Depuis quelques siècles, à mesure que s'universalisent certaines caractéristiques communes des civilisations modernes, l'histoire des nations paraît être entrée dans une nouvelle phase, et l'on assiste à une évolution générale accélérée.
a. Le peuplement de la Terre n'est pas totalement achevé, mais est en voie d'achèvement. Il n'y a presque plus de territoires vides; la surpopulation relative est plus restreinte; le métissage et les émigrations massives deviennent plus rares. En outre, les moyens de communication se sont infiniment améliorés et, en conséquence, les grandes émigrations lorsque elles se font n'entraînent pas une rupture des relations avec la mère-patrie. Le résultat est qu'il ne se forme plus de nouvelles ethnies.
b. Toutes les ethnies acquièrent l'une après l'autre à une allure accélérée une cohésion de plus en plus grande dans tous les domaines. Les langues communes nationales se forment, l'unité économique se réalise l'indépendance et l'unité politiques s'obtiennent ou se conquièrent, l'état national se crée ou se concentre. Cette époque, qui est celle de la démystification universelle et de la prise de conscience par les hommes des réalités fondamentales de leur existence, est celle, en particulier, de la prise de conscience nationale.
Depuis cent cinquante ans, près de vingt nations européennes ont ainsi formé leur langue commune, ont conquis leur indépendance, ont renforcé leur conscience ethnique. Cette même tendance, cette vague de fond triomphe maintenant en Asie, gagne l'Afrique, commence d'apparaître en Amérique, en Europe occidentale, en Océanie.
Seuls des tenants d'un économisme dogmatique peuvent penser que la nation est une catégorie historique d'une certaine époque, de l'époque bourgeoise, un simple produit du capitalisme. Comment pourrait-on soutenir que les nations suédoise, russe, espagnole, coréenne, persane sont de simples conséquences du capitalisme, et que l'histoire de France commence en 1789 ou même à la Renaissance ?
Mais il est exact de dire que l'apparition de la civilisation industrielle, l'apparition des classes bourgeoise et ouvrière, le développement de l'instruction publique, le développement des relations entre groupes humains à l'échelle mondiale ont profondément transformé une réalité aussi ancienne que l'humanité.
A côté de nationalités déjà cohérentes et organisées en états indépendants dès l'époque féodale, de nationalités dont l'indépendance a été obtenue en liaison avec l'instauration du capitalisme, se développent maintenant des mouvements et des états nationaux étroitement liés au triomphe du socialisme. L'apparition de la structure sociale socialiste, caractérisée par une économie planifiée étatique et par le développement de la culture populaire, accentue encore cette évolution des ethnies toujours dans le même sens. Beaucoup plus encore que le XIXe siècle, le XXe est le siècle des nations.
Une question se pose cependant: lorsque les rapports de force entre nations auront été supprimés, lorsque les échanges pacifiques de tous ordres se seront développés, lorsque la société sans classes sera établie, se réaliserait-il ou non une fusion progressive des langues et des nations ?
On ne peut actuellement dire ni si cela se fera, ni si cela sera souhaitable. On peut supposer que dans l'affirmative, on assistera d'abord à la fusion des nations les plus apparentées linguistiquement, avant d'arriver par plusieurs étapes à la formation d'une langue et d'une nation mondiales.
On peut être sûr que les innombrables langues à prétention internationale récemment fabriquées (qui sont, en fait, des langues latino-germaniques et n'ont à peu près rien d'international) ne sont en aucune façon des préfigurations de cette éventuelle langue mondiale.
On doit encore dire qu'aucun fait ne va, pour le moment, dans ce sens. Il paraît très probable que les faits géographiques et raciaux ne seront jamais bouleversés et uniformisés à un tel point que soit possible et désirable cette mondialisation. Alors que les émigrations de masses tendent à disparaître, alors que la culture nationale s'intensifie au sein de chaque peuple alors que l'attachement à la langue maternelle se trouve renforcé par une vie culturelle et un sentiment national plus intenses, on ne voit pas comment une telle fusion pourrait se réaliser... si ce n'est par un gigantesque impérialisme.
On peut, au minimum, affirmer qu'il ne s'agit là pour de nombreux siècles que de spéculations gratuites et sans intérêt, dont la seule signification concrète est de masquer les réalités nationales et de servir ainsi tel ou tel impérialisme.
Il serait souhaitable que tous les humanistes, tous les progressistes se débarrassent une bonne fois des utopies, des illusions, des visions abstraites de l'homme; il serait bon qu'ils se décident à prendre la différenciation ethnique pour ce qu'elle est: une donnée fondamentale de la condition humaine.
Toulaiev
obra sens fe, morta es