définition et mesure de l'exploitation

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par sylvestre » 03 Août 2007, 10:36

Les dépenses publiques sont en tout cas très loin de constituer une redistribution en fonction des besoins de la population. L'exemple de l'éducation est ambigu, comme il a été noté, tout comme d'autres comme la construction d'autoroutes, de centrales énergétiques, sans parler des dépenses militaires et policières, qui pour le coup ne sont plus ambigues du tout.
La théorie est grise mais vert est l'arbre de la vie, comme dit l'autre, il ne faut donc pas trop s'inquiéter si on ne peut pas donner un chiffre précis pour l'exploitation : il y a des domaines comme l'éducation qui sont des terrains de la lutte de classe, où les dépenses se font sous le contrôle d'un Etat capitaliste, mais au sein duquel peut s'exprimer une part de solidarité ouvrière entre enseignants et élèves.

Si on tient à avoir sous la main des chiffres qui reflètent le taux d'exploitation, le plus pratique me semble le partage de la valeur ajoutée, avec d'un côté les revenus salariaux, de l'autre les revenus du capital (où figurent évidemment, soit dit en passant, les intérêts des créanciers, les loyers, les profits réinvestis, etc., pour répondre à la dernière partie de ton message initial).

En voici une image sur un siècle :



( source )

Donc un peu plus d'un tiers des richesses produites sert à l'accumulation du capital.
sylvestre
 
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Message par carnifex » 03 Août 2007, 20:19

("sylvestre" a écrit :
Si on tient à avoir sous la main des chiffres qui reflètent le taux d'exploitation, le plus pratique me semble le partage de la valeur ajoutée, avec d'un côté les revenus salariaux, de l'autre les revenus du capital (où figurent évidemment, soit dit en passant, les intérêts des créanciers, les loyers, les profits réinvestis, etc., pour répondre à la dernière partie de ton message initial).


Au partage brut de la valeur ajoutée nationale,

afin d'évaluer l'exploitation capitaliste,
il faut réaliser des correctifs (ceux que je fais dans le poste introductif)

1°) Il faut retirer de la valeur ajoutée la partie produite par les travailleurs indépendants. Ils possèdent leur capital fixe ; il n'existe pas dans leur cas de partage capital/travail. Leur rémunération est dite "rémunération mixte" par l'insee. Ça fait "7.5% à enlever".

Quand cette partie est enlevée à la VA, on parle de VA corrigée. Ton graphique me semble être celui de la VA corrigée.

2°) Il faut également retirer la part de valeur ajoutée (brute) qui correspond à de la production non distribuable : la formation de capital fixe (ce que tu appelles les "profits réinvestis"). C'est ensuite les parts respectives de la rémunération des détenteurs du capital et de la rémunération des travailleurs dans la VA nette qui donne, à mon avis, une première mesure de l'exploitation capitaliste.

Le "capital share" de ton graphique est la part de l'excédent brut d'exploitation dans la VA brute (33%)

Il faut en retirer la FBCF.
La part de l'excédent net d'exploitation dans la VA nette est de (pour 1997):

(33% - FBCF) / (1- FBCF)
= (33% - 18.7%) / 0.813 = 17.6 %

---

("sylvestre" a écrit :
où figurent évidemment, soit dit en passant, les intérêts des créanciers, les loyers


Ça ne me semble pas évident, mais je pense que tu as raison.

Les "activités" financières et immobilières sont considérées comme productrice de "valeur ajoutée" par l'insee (à hauteur de, respectivement, 80 et 220 milliards d'euros).

http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.a...8110&tab_id=178

Soit dit en passant, ça relativise la notion de PIB (= "VA" brute nationale), on met vraiment n'importe quoi dedans.

---

Note sur les "profits réinvestis" : Au point vue comptable, ce qui est "réinvesti" n'est pas du profit, et n'est pas taxé à l'impôt sur les bénéfices des sociétés. C'est, au plus, l'excédent net d'exploitation (17.6%) qui est taxé.

---

Commentaires sur le graphiques:

La hausse de 10 points en faveur du capital en 1982-88 est bien visible.

La lente baisse structurelle de la "part du capital" de 1950-82 cache une baisse de la formation brute de capital fixe et une non-baisse de l'excédent net d'exploitation. L'exploitation capitaliste, est, à mon sens, stable et non en baisse durant cette période.

L'effondrement de la part du capital durant l'occupation me semble également plus représentative d'un effondrement de la FBCF que d'un recul de l'exploitation capitaliste.
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Message par sylvestre » 12 Août 2007, 09:51

Pas vraiment de désaccord, sauf sur un point : il faut garder les profits réinvestis/formation brute de capital fixe dans la part qui va au capital ! C'est même essentiel pour avoir une image juste de la dynamique du capitalisme : à la différence du système féodal, les classes dominantes n'exploitent pas les travailleurs essentiellement pour leur consommation personnelle, mais pour accumuler du capital. Que ce capital s'accumule directement sous la forme de profits réinvestis, ou indirectement en passant par une rémunération des capitalistes qui le réinvestissent dans une autre entreprise - ou qu'ils le consomment eux-mêmes - cela n'a pas d'importance pour déterminer le taux d'exploitation.

Sur la place des activités financières et immobilières etc dans la répartition de la plus-value (le terme de Marx pour "taux d'exploitation") voir Salaire, prix et profit

a écrit :Rente, taux d'intérêt et profit industriel ne sont que des noms différents des différentes parties de la plus-value de la marchandise, c'est-à-dire du travail non payé que celle-ci renferme, et ils ont tous la même source et rien que cette source. Ils ne proviennent ni de la terre ni du capital comme tels, mais la terre et le capital permettent à leurs possesseurs de toucher chacun leur part de la plus-value extraite de l'ouvrier par l'employeur capitaliste. Pour l'ouvrier lui-même, il est d'une importance secondaire que cette plus-value, résultat de son surtravail, de son travail non payé, soit empochée exclusivement par l'employeur capitaliste, ou que ce dernier soit contraint d'en céder des parties sous le nom de rente et d'intérêt à des tiers.


(Marx ne parle pas ici des loyers et les intérêts payés par les particuliers pour leur propre consommation, qui sont des revenus du capital historiquement plus anciens que le mode de production capitaliste proprement dit.)
sylvestre
 
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Message par carnifex » 14 Août 2007, 21:40

Quant aux activités financières et immobilières,

Oui, bien sûr, la finance et l'immeuble ne produisent pas plus de rente que le capital fixe ne produit de profit ; tous ces revenus relèvent de l'exploitation ; seul le travail produit.

***

Quant à la FBCF,

a écrit :
il faut garder les profits réinvestis/formation brute de capital fixe dans la part qui va au capital ! C'est même essentiel pour avoir une image juste de la dynamique du capitalisme : à la différence du système féodal, les classes dominantes n'exploitent pas les travailleurs essentiellement pour leur consommation personnelle, mais pour accumuler du capital.


1°) Ton "essentiellement" est discutable : la FBCF ne représente plus aujourd'hui que 50-60% de la "part du capital".

2°) Le profit réinvesti reste, comme le reste du profit, sous une autre forme, la propriété du propriétaire du capital. En ce sens, il relève de l'exploitation.

Si, a contrario, on mesure l'exploitation comme une part des richesses nettes produites, une part des richesses consommables et consommées, la part qui est distribuée au titre de la propriété du capital, Alors, la FBCF, qui est précisément la production non consommable, ne relève ni des richesses consommées, ni, par conséquent, de l'exploitation.
La production de capital fixe accroît la productivité du travail mais n'est pas une richesse distribuée, ni n'implique une répartition ou une modification de la répartition entre rémunération du travail et rémunération des propriétaires du capital.
En ce sens, la FBCF ne relève pas, à mon avis, de l'exploitation.
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Message par sylvestre » 15 Août 2007, 10:24

Non, je pense qu'il y a toujours un problème fondamental dans ce que tu dis, y compris dans ta deuxième formulation (à partir de "a contrario").
La FCBF représente (de manière déformée mais tout de même) une production de richesse : la production de moyens de production. Ces moyens de production sont consommés par les capitalistes dans la production de nouvelles marchandises, etc. Si l'on cherche à mesurer le taux d'exploitation il est donc essentiel d'en tenir compte.


Sinon on reste dans un schéma qui vaut pour un système de type féodal, mais pas pour le système capitaliste : l'exploitation dans ce cas c'est uniquement l'appropriation de biens de consommation par la classe dirigeante. Mais dans le système capitaliste cette appropriation joue un rôle entièrement secondaire par rapport à l'accumulation de moyens de production dans les mains de la classe dirigeante. C'est aussi ce qui explique la dynamique expansionniste du capitalisme, par ailleurs, c'est à dire sa tendance à toujours accroître les moyens de production, au risque de crises violentes.

Par ailleurs : la FBCF représente-t-elle l'intégralité de l'accumulation du capital ? Non, car les parties des profits qui (dans le cycle suivant bien sûr) vont aux consommations intermédiaires ainsi que dans les salaires sont aussi réinvesties dans la production. Si elles augmentent, on a également accumulation du capital.
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Message par Jacquemart » 05 Sep 2007, 13:13

Je prends ce fil un peu en retard... Désolé de le déterrer.

La mesure de l'exploitation, c'est une chose très compliquée si l'on adopte la définition de l'exploitation que donnait Marx. Ainsi, parmi les salariés, il y a ceux qui produisent de la valeur et ceux qui n'en produisent pas ; prendre cela en compte complique tellement les calculs qu'il est en fait impossible de chiffrer cette exploitation en partant des statistiques existantes.

Mais il existe une autre façon de compter, plus simple, qui a été depuis longtemps adoptée par les économistes d'inspiration marxiste, et qui n'est ni plus ni moins juste que la précédente. Elle consiste à dire que l'exploitation, c'est la partie des richesses que les propriétaires captent (sans travailler).

Du point de vue comptable, l'ensemble des richesses créées chaque année est estimée (plus ou moins bien) par le PIB (Produit Intérieur Brut). Mais une fraction de ces richesses a eu comme contrepartie la destruction de richesses existantes (matières premières, usure des bâtiments et des machines). Si l'on veut connaître le montant des richesses réellement nouvelles, créées dans l'année, il faut donc défalquer tout cela du PIB. On obtient ainsi le produit intérieur net (PIN).

Ce PIN se décompose en deux grandes part :

1. Ce qui va aux travailleurs, directement (salaires nets) ou indirectement ("charges" salariales)
2. Ce qui va aux propriétaires : tout le reste.

Pour les travailleurs indépendants, on procède en général à une correction assez simple : on leur attribue le salaire moyen, et on considère que ce qu'il gagnent en plus appartient à la catégorie des profits.

En gros, en France en ce moment, le 1. représente 60% et le 2. 40%. Ce qui veut dire que presque la moitié des richesses produites est accaparée par ceux qui ne travaillent pas. Et encore, il s'agit d'une sous-estimation, car dans les salaires, il y a de l'exploitation qui se cache (par exemple, dans les salaires astronomiques des PDG).
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Message par carnifex » 05 Sep 2007, 19:40

Bonjour, Jacquemart

("Jacquemart" a écrit :
Mais il existe une autre façon de compter, plus simple, qui a été depuis longtemps adoptée par les économistes d'inspiration marxiste, et qui n'est ni plus ni moins juste que la précédente. Elle consiste à dire que l'exploitation, c'est la partie des richesses que les propriétaires captent (sans travailler).

Du point de vue comptable, l'ensemble des richesses créées chaque année est estimée (plus ou moins bien) par le PIB (Produit Intérieur Brut). Mais une fraction de ces richesses a eu comme contrepartie la destruction de richesses existantes (matières premières, usure des bâtiments et des machines). Si l'on veut connaître le montant des richesses réellement nouvelles, créées dans l'année, il faut donc défalquer tout cela du PIB. On obtient ainsi le produit intérieur net (PIN).

Ce PIN se décompose en deux grandes part :

1. Ce qui va aux travailleurs, directement (salaires nets) ou indirectement ("charges" salariales)
2. Ce qui va aux propriétaires : tout le reste.


Entièrement d'accord avec cette définition.

("Jacquemart" a écrit :
En gros, en France en ce moment, le 1. représente 60% et le 2. 40%.


C'est une estimation du "2." - de l'exploitation - nettement supérieure à celle que j'expose et explique à plusieurs reprises dans ce topic : 17.6 %.

Pourrais-tu présenter une source et/ou argumenter en faveur de ton estimation ?

Cordialement, carnifex.
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Message par sylvestre » 06 Sep 2007, 16:40

En tout cas la proportion 60/40 est semblable à celle qui ressort des sources que j'ai données plus haut (et qui se basent sur le PIB : il est possible que le PIN soit plus adéquat, mais ça ne change pas grand chose en l'occurence).
sylvestre
 
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Message par carnifex » 06 Sep 2007, 17:53

("sylvestre" a écrit :
En tout cas la proportion 60/40 est semblable à celle qui ressort des sources que j'ai données plus haut (et qui se basent sur le PIB


A peu près. Ton graphique présente du 65/35.

("sylvestre" a écrit :
: il est possible que le PIN soit plus adéquat


C'est mon avis.

("sylvestre" a écrit :
, mais ça ne change pas grand chose en l'occurence).


Ça change beaucoup. La consommation de capital fixe est de l'ordre de la FBCF, c'est-à-dire environ 20% du PIB et c'est intégralement dans la part du capital.

La part du capital dans le PIN est donc nettement inférieure.
On a : p' = (p - f) / (1 - f)
(avec p' la part du capital dans le PIN, p la part du capital dans le PIB, f la FBCF)
Avec p à 40% et f à 20%, p' ne vaut plus que 25%.
carnifex
 
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Message par sylvestre » 07 Sep 2007, 11:19

a écrit :La consommation de capital fixe est de l'ordre de la FBCF




D'après ce tableau intéressant pour nous, elle est d'environ 14% du PIB. Je retiens aussi de ce tableau la part non négligeable des impôts (-subventions sur les produits ou les productions), qui, revenant à l'Etat ne sont donc ni pour les capitalistes ni pour les salariés, mais à l'appareil servant à assurer la domination des premiers sur les derniers.

Le calcul qui donne la plus forte proportion aux salariés se fait sur la valeur ajoutée nette (donc après impôts- subventions sur produits) qui donne 70% pour les salariés, 16% pour les capitalistes, 9% de revenus mixtes, et 4% pour les impôts sur la production-subventions.

Trouvé aussi sur un blog cette remarque :

a écrit :La distinction entre investissements nets et amortissements de capital a effectivement un sens. Le seul problème consiste à comptabiliser les amortissements, ce que la comptabilité nationale commence à faire (les TEE de l’INSEE affichent un produit intérieur net) mais qui reste un exercice difficile et discutable : comment considérer qu’un équipement existant a telle valeur et non pas telle autre ? C’est la raison pour laquelle les statisticiens aiment mieux une donnée brute.


De toutes façons, je pense qu'on sera d'accord pour dire que nous ne pourrons arriver qu'à des approximations dans notre recherche : il y a également des tas de difficultés comme la part des revenus salariaux qui vont à la classe dominante du fait de son contrôle du moyen de production (salaires des éxécutifs, et qu'en est-il par exemple des "jetons de présence" ?), dpénses publiques qui bénéficient aux salariés (selon quels critères ?).
sylvestre
 
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