a écrit :Eytan Fox n'est pas de ces cinéastes qui avancent masqués. On trouvera dans The Bubble, son quatrième long métrage, une foule d'éléments et d'incidents puisés dans l'expérience de ce quadragénaire (il est né en 1964 à New York) devenu en trois ans un habitué du circuit international des festivals tout en se faisant une place dans l'industrie israélienne.
Certes, The Bubble n'a pas connu en Israël le grand succès qui fut celui de Tu marcheras sur l'eau (2005). L'armée israélienne est entrée au Liban quelques jours après la sortie du film. Eytan Fox évoque le déchaînement des médias contre ce qui faisait le sujet même de son film, la "bulle" de Tel-Aviv. "Il y avait l'ennemi au Liban, le Hezbollah. Et, chez nous, il y avait Tel-Aviv, avec tous ces reportages sur la vie quotidienne. On nous reprochait de continuer à manger des sushis, de danser pendant que le Nord était bombardé", se souvient-il. Depuis, le film est sorti en DVD et, selon le réalisateur, a réalisé sur ce support la carrière qui aurait dû être la sienne en salles.
Tel-Aviv, grande ville laïque, est devenue le refuge des Israéliens qui veulent se protéger contre la réalité. Non seulement Eytan Fox en convient, mais il revendique cette posture : "C'est un mécanisme de survie. Ces intellectuels de gauche ne veulent pas que la réalité prenne le contrôle de leur vie. Nous sommes conscients politiquement, nous nous engageons. Mais nous voulons aussi trouver le meilleur cappuccino de la ville, aller au cinéma. Sans jamais cesser de penser au conflit. C'est ce que j'ai voulu montrer. Sans la bulle, la plupart des jeunes de Tel-Aviv quitteraient Israël. Ça fait si longtemps que ça dure, rien ne semble changer. Et il faut bien que nous vivions notre vie."
CONSCIENCE DU CONFLIT
Arrivé très jeune en Israël, Eytan Fox a grandi à Jérusalem, une ville qu'il a quittée sans regrets pour Tel-Aviv. Il avait eu le temps de prendre conscience des failles qui traversaient sa terre natale : "Ma mère a consacré sa vie à s'immerger dans la réalité d'Israël. Ce qui veut dire qu'elle était très curieuse de la vie des Palestiniens, qu'elle a cherché à connaître nos voisins arabes", tout comme la mère du personnage de Noam dans The Bubble.
Au départ du film, il y avait donc la réalité de la ville et la conscience du conflit. La confrontation entre les deux ne prend toute sa violence qu'à la fin du film, qu'on a pris soin, jusqu'à maintenant, de ne pas révéler. Reste que cette conclusion a été au départ du projet d'Eytan Fox, qui voulait pour la première fois évoquer le conflit entre Israéliens et Palestiniens. "Je sais que le cinéma a déjà beaucoup parlé du sujet, que chacun l'a fait à sa manière depuis Amos Gitaï, reconnaît-il. Il y a eu aussi beaucoup de variations israélo-palestiniennes sur le thème de Roméo et Juliette. Je voulais trouver un moyen de m'approprier ce thème."
Ce moyen fut d'inventer une histoire d'amour entre deux jeunes hommes, nés chacun d'un côté de la "ligne verte". Le film a été tourné en 2005, au moment d'une pause dans le conflit, alors que les attentats-suicides avaient cessé en Israël et que "Tsahal ne commettait pas de mauvaises actions dans les territoires". Pour autant, l'équipe n'a pu tourner en Cisjordanie les séquences que le scénario situe à Naplouse et s'est replié sur un village arabe en Israël.
Les trois films d'Eytan Fox qui sont sortis en France, The Bubble, Tu marcheras sur l'eau (2005) et Yossi et Jagger (réalisé en 2002, distribué en 2006), évoquent les grands sujets israéliens - respectivement le conflit avec les Palestiniens, la mémoire de la Shoah et le rôle de l'armée dans la société - par le biais d'histoires d'amour entre hommes. Ses films circulent entre le circuit des festivals gays et celui des grands festivals (Tu marcheras sur l'eau avait fait sensation à Berlin).
Mais, malgré son succès, Eytan Fox veut continuer à tourner "en hébreu et en Israël". Il se verrait bien en Almodovar, continuant à réaliser des films ancrés dans la réalité de son pays. "Je me dis ça, et ensuite je réalise qu'Almodovar dispose d'un marché de dizaines de millions d'hispanophones, alors que, en Israël, même si l'on réalise un grand succès, on devra se contenter de quelques dizaines de milliers d'entrées, ce qui limite forcément les budgets des films."
Après la sortie de The Bubble et la guerre, Eytan Fox s'est exilé un temps dans le sud de la France. Il s'apprête à regagner son pays pour se remettre au travail.
Thomas Sotinel
Article paru dans l'édition du 04.07.07
J'ai récupéré ça, sa correspond à l'idée que je me suis faite de Fox.