par Inna » 02 Nov 2006, 02:12
La révolte d'Oaxaca rebondit à Mexico
Le Sénat demande la démission du gouverneur Ruiz.
Par Babette STERN
LIBERATION QUOTIDIEN : mercredi 1 novembre 2006
Mexico de notre correspondante
Trois jours après l'arrivée des forces fédérales dans la ville coloniale, le conflit mené depuis cinq mois par l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca (Appo) a débordé le cadre régional et pris un tour résolument politique à l'échelle nationale. Peu de temps après le vote du Parlement, lundi, soutenu par les députés du Parti action nationale (PAN, conservateur) et du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), le Sénat a demandé à l'unanimité au gouverneur de l'Etat, Ulises Ruiz, issu du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir dans l'Etat depuis 1920), de remettre sa démission afin de «contribuer au rétablissement de la gouvernabilité, l'ordre juridique et la paix dans l'Etat». Ulises Ruiz, qui a pu réintégrer le palais gouvernemental, repris par l'armée après plusieurs mois d'occupation par les sympathisants du mouvement, a reconnu avoir fait des erreurs de gestion mais résiste toujours à l'idée d'abandonner sa charge.
Soutiens. Au-delà du cadre parlementaire, le mouvement, dont une des exigences est le départ du gouverneur, accusé de corruption et d'abus de pouvoir, a trouvé de nouveaux soutiens. Le candidat malheureux à la présidentielle, Andrés Manuel López Obrador, a décidé de prendre personnellement part à la curée contre le gouverneur. Hier après-midi, il devait participer à une manifestation dans la capitale du pays «pour soutenir» l'Appo. Depuis plusieurs jours, les manifestations contre Ruiz sont quotidiennes à Mexico.
L'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a également décidé de se ranger ouvertement au côté du mouvement qui agite Oaxaca et sa région. Dans un communiqué publié hier, le sous-commandant Marcos a appelé ses sympathisants à «se mobiliser pour soutenir le peuple frère d'Oaxaca. Le 1er novembre, les routes et les chemins qui traversent notre territoire seront fermés. [...] Nous appelons nos partisans au Mexique et au nord du rio Bravo [Etats-Unis, ndlr] à se mobiliser, même symboliquement». Dénonçant la violence des forces fédérales, les détentions arbitraires et les nombreux blessés, le chef des zapatistes a appelé «le Mexique d'en bas» à une grève nationale le 20 novembre, jour anniversaire de la révolution mexicaine de 1910.
Désaveu. Au Mexique, la question n'est plus tant de savoir si le gouverneur d'Oaxaca va quitter le pouvoir, mais quand. Les réticences du pouvoir fédéral à faire pression sur Ulises Ruiz par crainte de créer un précédent, préjudiciable à d'autres gouverneurs du pays, semblent être levées. Le président Fox s'est engagé vis-à-vis de son successeur, Felipe Calderón, qui prendra ses fonctions le 1er décembre, à laisser un pays «en paix». Il devient de plus en plus évident que la seule sortie de crise passe par le désaveu du gouverneur, face à la détermination de l'Appo de ne pas se démobiliser avant d'avoir obtenu gain de cause, malgré la présence des forces de l'ordre à Oaxaca.