par Valiere » 25 Mars 2005, 18:39
A propos de la direction du MRAP
pour info
ci-dessous et ci joint la motion minoritaire présenté au CN du mrap. Le secrétariat du mrap a refusé de présenter les motions contradictoirement. Il a fait voter la sienne qui a eu une majorité (40 voix pour et une vingtaine contre) puis la motion de l'opposition qui a obtenu 25 voix pour et 34 contre et 6 abstentions. Dés la sortie du CN le secrétariat a communiqué à l'afp le texte de la motion majoritaire sans préciser la réalité des débats internes du mrap. l'opposition (regroupée sous le sigle "avenir du mrap") a décidé de diffuser en interne et en externe la motion minoritaire.
JM
Le communiqué de presse diffusé par l'AFP le 14 mars précise que le MRAP soutient "à sa manière" les assises de l'anticolonialisme.
Il convient de rappeler qu'une très forte opposition à cet appel s'exprime au sein du MRAP. Nombreux sont les comités, les fédérations, les militants qui ne s'associeront pas à cet appel et resteront fidèles à une action antiraciste qui unifie et rassemble là où cet appel apporte de mauvaises réponses au déni de mémoire de la colonisation.
Voici , le texte de la motion et l'analyse proposée lors du CN du MRAP du 12 mars 2005 par ceux qui considèrent cet appel comme contre-productif et n'aidant pas à la lutte contre le racisme.
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MOTION VOTEE AU CN DU 12 MARS 2005 AYANT RECUEILLI 37,5% DES VOIX
Malgré tous les discours sur l'égalité républicaine, l'égalité des droits n'est toujours pas une réalité. Ils sont des millions de pauvres en France à vivre concrètement le poids du racisme et des discriminations sociales. Les ravages de la mondialisation libérale, après ceux de la colonisation aggravent encore cette situation.
En France, l'échec des mouvements liés : à la « marche pour l'égalité » des années 80, à l'obtention du droit de vote des étrangers et à la régularisation des sans-papiers dans le courant des années 90 a entraîné des déceptions qui ont abouti, avec l'aggravation de l'exclusion et de la précarisation, à une profonde crise de perspectives qui aujourd'hui incite au repli sur la communauté ou sa religion et alimente des violences de caractère sexiste ou raciste.
Si l'appel « pour des assises de l'anti-colonialisme post-colonial » dénonce à juste titre certaines de ces réalités, il fait l'impasse sur toutes les luttes de libération et les mouvements sociaux et n'apporte pas les réponses permettant de rassembler toutes les victimes avec tous ceux qui refusent le racisme et les discriminations. Au contraire, il les divise en occultant le fait que la colonisation s'est d'abord effectuée contre les peuples des pays envahis mais aussi contre les peuples des pays colonisateurs embrigadés dans des guerres de conquête dont ils ont été aussi victimes.
Pour stigmatiser les méfaits du libéralisme et des gouvernements à son service, les initiateurs de l'appel font un amalgame pervers entre les valeurs universelles et les gouvernements qui les mettent à mal par leur politique. Le clivage ainsi opéré entre « les bons ex-colonisés, ex ou toujours colonisés » et les « mauvais, ex ou toujours colonisateurs », l'absence de critique vis-à-vis des intégrismes religieux de tous bords, réactionnaires et anti-féminins, permettent de sous-entendre que ces forces sont les seules à défendre les populations issues de l'immigration tandis que les forces progressistes seraient, elles, « gangrenées ».
En outre en sous-évaluant les explications sociales et économiques de la misère et des discriminations, l'appel enferme les populations considérées dans le statut de colonisés victimes d'un colonisateur aux contours flous, la République. Il accrédite ainsi la thèse réactionnaire qui voit dans l'expression des révoltes légitimes ou simplement dans les incivilités constatées, la manifestation d'une résistance des quartiers contre le colonisateur. En ce sens il marginalise et isole encore plus les populations concernées.
Nous ne pouvons accepter dans ce texte, sur le fond comme sur la forme, des formulations aussi intolérantes et intolérables que :
-« la gangrène coloniale s'empare des esprits »,
-« une frange active du monde intellectuel politique et médiatique français, tournant le dos aux combats progressistes dont elle se prévaut, se transforme en agents de la « pensée bushienne. »
-« frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme, cette offensive réactionnaire s'empare des cerveaux et reconfigure la scène politique ».
C'est pourquoi, nous proposons une vision universaliste qui interdit toute concurrence ou hiérarchie entre les victimes et leurs mémoires (s'il y a eu des massacres à Sétif, il y en a eu aussi à Madagascar, au Maroc, au Vietnam.). Le travail sur l'histoire de cette période douloureuse doit être poursuivi.
Si cet appel « pour des assises de l'anti-colonialisme post-colonial » nous renvoie légitimement à cet impératif du travail de mémoire sur le passé colonial de la France, notre combat contre le racisme et les exclusions ne peut se réduire à la seule opposition entre colonisés et colonisateurs qui sous-entend qu'il existerait aujourd'hui une opposition entre les peuples. Le MRAP ne peut accepter une telle notion.
Les échanges et coordinations qui se nouent par exemple dans le mouvement social et alter mondialiste, sont autrement porteurs de dynamiques unitaires nécessaires pour lutter contre le libéralisme mondialisé qui s'impose aujourd'hui sous forme de bombardements et d'invasions de pays comme l'Irak, mais aussi au moyen de gouvernements despotiques, soumis et contrôlés par Bush et ses alliés, cherchant à éliminer ceux qui s'opposent à eux, souvent au nom des pires tartufferies religieuses.
Il y a effectivement urgence à rassembler tous ceux et toutes celles qui supportent, par delà les pays et les origines nationales, le poids des oppressions fondées sur le racisme, les risques de la précarité et les menaces de guerre.
Nous réaffirmons la vocation du MRAP à défendre des valeurs universelles d'égalité et de laïcité.
Le MRAP en tant que mouvement militant et pluraliste contre le racisme ne peut se reconnaître dans cet appel qui fragmente et divise le mouvement antiraciste.
Le CN rappelle que les signatures individuelles de dirigeants nationaux du MRAP n'engagent pas le mouvement. Il décide de ne pas apporter son soutien à cet appel.