Churchill

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par shadoko » 17 Fév 2005, 12:31

Fil issu d'un hors sujet dans le fil Dresde piégée par la mémoire




a écrit :
des réflexions, disais-je, sont à faire d'urgence si on se veut de gauche, et marxiste à plus forte raison, sur le fait que l'individu Churchill et non un autre, et, s'il vous plaît, depuis 1932, en tenant très courte la bride à son anticommunisme viscéral, a eu une ligne constamment et conséquemment antinazie.

Ah? Et quelles réflexions? Je serais curieux de savoir. Peut-on également avoir des citations de Churchill sur le sujet, par pure curiosité?

Il faut aussi discuter les mot "ligne antinazie". "Anti-impérialisme concurrent dont il comprends le danger pour le sien de manière plus précoce que d'autres", peut-être, mais antinazi? Pourquoi aurait-il donc commencé à être antinazi en 32? Même s'ils n'étaient pas au pouvoir central, les nazis ont représenté une force politique menaçante en Allemagne largement avant 32, par leurs succès électoraux locaux, et surtout par leur influence grandissante dans la population. Les fascistes sont également déjà au pouvoir en Italie, et depuis longtemps. Tout cela ne gène pas vraiment un Churchill. Tant que ça reste intérieur à l'Allemagne ou au sein d'un pays qui ne fait pas le poids, comme l'Italie... Ce qui commence à le gêner, c'est qu'il s'aperçoit que l'arrivée au pouvoir des nazis va pousser l'Allemagne plus rapidement vers l'extension, et rentrer en conflit directement avec ... les intérêts de sa bourgeoisie nationale.

A cela, il faut comparer les conseils politiques de Trotsky aux ouvriers allemands, devant la montée du fascisme. Je ne crois pas qu'il y ait à rougir une seconde de quoi que ce soit en comparant les deux, par exemple, si par hasard c'est le type de "réflexions" auxquelles tu penses. Cela, c'est "conséquent".

P.S. Je n'ai rien compris à ta question sur les atrocités de l'armée russe en Allemagne, si ce n'est qu'elle avait le mérite de faire diversion quand à ton argumentation principale au sujet de Dresde, qui commence à ressembler à un pétard mouillé. Je la mets donc de côté...
shadoko
 
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Message par quijote » 17 Fév 2005, 12:36

François Delpla , je crois qu 'il ne faut pas mettre sur le même plan des choix polittiques circonstanciels ( l '"l' anti nazisme " de Churchill qui n 'était 'ailleurs que la réplique à l 'anti" capitalisme apatride " d' Hitler et à son délire de la "Nation prolétaire ".

' Alors , il peut s 'allier momentanément à Staline , comme Roosvelt le fit d' ailleurs . Cela ne change rien quant au fond .

Churchill , qui je crois avait participé à la lutte anti soviétique dès le début de la Révolution d 'Octobre , n' avait pas oublié que son ennemi principal , l'ennemi de sa classe était le communisme
La preuve c'est qu'il s 'est montré bien neutre face à Hitler ( épisode de chamberlain , capitulation après l 'Anchluss , (Munich) et Churchill espérait bien qu 'Hitler se tournerait d 'abord contre la Russie ( ennemi principal ) .

Dernier point : les dirigeants bourgeois ne sont pas des imbéciles : ils savent tirer les enseignements du passé . Churchill connaissait très bien le risque d'un vide politique créé par l, 'effondrement du troisième Reich .
Ce vide pouvait ( aussi ) créer une situation révolutionnaire ( comme en 1918) et favoriser l 'éclosion d 'une prise de povoir par les travailleurs .

Il 'y avait aussi ce danger et Churchill le savait pour en avoir été lui -même le témoin . Car , le mouvement ouvrier disposait encore de cadres , avait un passé , des traditions pas complètement détruites par le nazisme .

Ce danger existait pour Churchill qui avait une conscience de classe bien affirmée .

En bombardant , en terrorisant , en démoralisant la population allemande , en faisant la politique de la terre brûlée , Churchioll faisait d' une pierre deux coups
quijote
 
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Message par François Delpla » 18 Fév 2005, 10:41

Bonjour !


Bien que fort pressé, je commencerai par une remarque générale, que j'ai déjà eu l'occasion de faire, mais apparemment une piqûre de rappel s'impose. Votre forum sera plus mûr quand chacun discutera pour lui-même, en évitant le "nous" d'une part, en engueulant (gentiment) qui le mérite, fût-il de son bord, d'autre part. Ainsi, ceux qui prennent en compte les infos de mes derniers messages en n'ayant pas l'air de les trouver "redondants" pourraient glisser au passage deux mots à "Alex" qui les trouve tels... d'une manière d'ailleurs très redondante !

La vision de Quijote est profondément erronée lorsqu'il identifie Churchill à Chamberlain tout au long des années 30 et particulièrement au moment de Munich. C'est un summum de schématisme et de dogmatisme : du moment qu'on est d'une classe et qu'elle prend telle position, on prend cette position.

Dès 1932, disais-je, Churchill prend une position antinazie radicale, càd se montre prêt à s'allier avec le diable soviétique pour contenir le revanchisme allemand. Voici pour l'étayer rapidement une courte citation de mon futur livre :


"De retour à Londres, il dénonce la résurgence du militarisme allemand avec une vigueur qu’il n’avait montrée auparavant que dans des conversations privées. Il donne un grand discours aux Communes, le premier qui intéresse cette étude même si le nom de Hitler n’y est pas prononcé, le 23 novembre.
La question en débat est celle du désarmement. Il énonce une formule qu’il reprendra souvent : « La suppression des griefs justifiés des vaincus devrait précéder le désarmement des vainqueurs. » Puis il prend un malin plaisir à brandir un journal, La Suisse libérale, selon lequel l’accord de l’Angleterre au sujet d’une « égalité de droits » pour l’Allemagne en matière d’armements (c’est la position prise par le premier ministre, Macdonald, à la Conférence du Désarmement) signifie une alliance de fait, dont l’ « objectif est d’entraîner la défaite ou la paralysie de la France entre les mains de l’Allemagne ou de l’Italie. » Il conclut par une formule bien à lui :

Bien sûr, tout cela n’est pas exact, mais vous voyez comment les petits pays jugent ces propositions.

Macdonald ayant déclaré que l’Europe était « une maison habitée par des fantômes », il réplique qu’elle abrite au contraire « des entités vivantes, violentes et fortes », par exemple l’antisémitisme, tant en Pologne qu’en Allemagne. Il relève que ce dernier pays n’a pas été, à Versailles, aussi maltraité qu’on le dit, puisqu’il n’a nullement été démembré et que les Allemands qui n’en font pas partie, par exemple ceux de Tchécoslovaquie, n’en ont jamais fait partie. Il poursuit en disant que l’Allemagne est non seulement unie mais « plus impétueusement unie que jamais », et il met en doute le postulat suivant lequel elle réclame seulement une égalité de statut, par une description des manifestations nationalistes qui, pour ne faire aucune allusion à Hitler ou aux nazis, les englobe de toute évidence :

Tous ces jeunes Teutons vigoureux, marchant en bandes dans les rues et sur les routes de l’Allemagne, avec dans les yeux la flamme du désir de souffrir pour leur patrie, ce n’est pas un statut qu’ils réclament. Ils réclament des armes et, quand ils en auront, croyez-moi qu’ils demanderont le retour des territoires et des colonies perdus, et quand cette demande sera faite elle ne manquera pas d’ébranler et peut-être de ruiner de fond en comble tous les pays dont j’ai parlé, et quelques autres dont je n’ai pas parlé. "

Elle n'est pas belle, cette dernière formule ? Elle signifie bien, à l'adresse des délicates oreilles des députés conservateurs, qu'il ne faut pas se priver du concours d'un seul pays visé par Mein Kampf.

Le propos va devenir de plus en plus clair à mesure de la croissance du danger, jusqu'à une prise de position ouverte en faveur de l'alliance soviétique en 1938-39. Et ce, CONTRE sa propre bourgeoisie.

Lancer l'Allemagne contre l'URSS ? Ca me paraît être, très clairement, le point de vue de Baldwin (homme fort de la politique britannique jusqu'en mai 37), puis de Halifax. C'est un peu moins clair pour Chamberlain, qui cherche surtout à corseter l'Allemagne dans des limites bien définies. Mais le très conservateur et très anticommuniste Churchill, pendant tout l'entre-deux-guerres, n'est nullement suspect d'avoir été effleuré par une telle tentation.

Quant à son pro-mussolinisme et, plus tard, à son pro-franquisme, je suis, pour ma part, loin de les nier comme de lui en faire compliment. Néanmoins, du point de vue qui nous occupe, ils peuvent aussi servir de preuve : il fait une distinction radicale entre nazisme et fascisme, pour concentrer tout l'effort contre le premier.
François Delpla
 
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Message par artza » 18 Fév 2005, 11:10

a écrit :Churchill prend une position anti-nazi radicale



Non.
Churchill s'en fout complètement du nazisme.
Par contre il voit très bien le réarmement allemand, la guerre venir à laquelle nul ne pourrat échapper.
Serviteur de l'Empire britannique, de la couronne et de de la bourgeoisie anglaise il avertit les siens pour entreprendre sans plus attendre les mesures nécessaires à cette nouvelle guerre.
La démocratie, le fascisme, le racisme tout ça Churchill s'en moquait par contre les intérêts de l'Empire britannique c'est à dire de la bourgeoisie anglaise ça il en connaissait un rayon.
Si Churchill était tant soit peu un démocrate il aurait commencé par proposer un autre politique vis-à-vis de l'Inde, de l'Egypte, de la Palestine... et des Boers contre lequel il se fit les dents jeune officier leur enfermement (des femmes, des vieux, des blessés, des enfants) dans des camps ne semble pas l'avoir ému. Quel leçon en a-t-il tiré, que sur les peuples il faut pas hesiter à avoir la main lourde!
Churchill c'est la race des Thiers.
artza
 
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Message par pelon » 18 Fév 2005, 12:03

(artza @ vendredi 18 février 2005 à 11:10 a écrit :
Churchill c'est la race des Thiers.
Oui, c'est une bonne conclusion.
pelon
 
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Message par shadoko » 18 Fév 2005, 13:23

a écrit :
Bien que fort pressé, je commencerai par une remarque générale, que j'ai déjà eu l'occasion de faire, mais apparemment une piqûre de rappel s'impose. Votre forum sera plus mûr quand chacun discutera pour lui-même, en évitant le "nous" d'une part, en engueulant (gentiment) qui le mérite, fût-il de son bord, d'autre part.

Ça va, les chevilles? Ce que tu n'as malheureusement pas l'air de comprendre "mais une piqure de rappel s'impose", c'est que tu es sur un forum "des amis de Lutte Ouvrière". Alors, évidement, quand quelqu'un parle de choses qui semblent être les principes de base du marxisme, qu'il croit partagés par "les amis de lutte ouvrière" et plus généralement par les gens qui se réclament du marxisme, il dit "nous". Ce n'est nullement une garantie qu'il ne se trompe pas, mais simplement qu'il pense énoncer des idées partagées par les gens qui se réclament de ce courant. Si tu ne comprends pas ça...

Quand au sujet de la discussion, je trouve qu'il s'éloigne de plus en plus des bombardements de Dresde.
shadoko
 
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Message par François Delpla » 18 Fév 2005, 14:42

a écrit :La démocratie, le fascisme, le racisme tout ça Churchill s'en moquait par contre les intérêts de l'Empire britannique c'est à dire de la bourgeoisie anglaise ça il en connaissait un rayon.


Voudrais-tu dire qu'il était plus malin, à cet égard, que Chamberlain, Baldwin et Halifax ?? !!
Alors, précise que ta critique s'adresse à Quijote au moins autant qu'à moi !
François Delpla
 
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Message par quijote » 18 Fév 2005, 16:59

Au sein d du personnel politique de la bourgeoisie , certains voient plus large que d'autres . En ce sens , Chuchill était plus clairvoyant que Badwin par rapport aux intérêts bien compris de la bourgeoisie anglaise .
Il avait compris la nature 'expansionniste de l 'impérialisme allemend( dont le nazisme était une expression ) qu 'il avait perçu bien avant d 'autres ., et qui pouvait à terme se révéler être un rival de l 'impérialisme britannique

De même de Gaulle , dans sa politique algérienne était bien plus clairvoyant par rapport aux intérêts généraux de la bourgeoisie française que les Bidault , Soustelle l 'OAS et 'autres généraux , beaucoup plus bornés quoique fondamentalement faisant partie de la même classe sociale .

C 'est ce que j 'ai voulu dire par rapport à Churchill .

C 'est toute la différence entre un homme d 'état d 'envergure et un politicien borné .

Excusez -moi , François Delpla , on en revient toujours au même point avec vous
quijote
 
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Message par François Delpla » 19 Fév 2005, 05:00

a écrit :Au sein d du personnel politique de la bourgeoisie , certains voient plus large que d'autres . En ce sens , Chuchill était plus clairvoyant que Badwin par rapport aux intérêts bien compris de la bourgeoisie anglaise .
Il avait compris la nature 'expansionniste de l 'impérialisme allemend( dont le nazisme était une expression ) qu 'il avait perçu bien avant d 'autres ., et qui pouvait à terme se révéler être un rival de l 'impérialisme britannique


Oui mais vous écriviez le contraire il y a quelques heures et pardon si je me répète, mais il serait vraiment très valorisant pour les débats de ce forum qu'on y reconnaisse un peu mieux l'apport des uns et des autres au lieu de toujours viser le défaut de la cuirasse.

Par ailleurs vous et d'autres avez écrit que l'impérialisme, chez Churchill, impliquait ipso facto une indifférence au racisme tà l'antisémitisme nazis, ce qui est une contre-vérité flagrante.

Pour preuve, le récit de sa seule rencontre programmée avec Hitler, et de son échec, toujours extrait de mon futur livre (bande de petits veinards !) :

Un épisode étrange survient quelques semaines plus tard : Hitler et Churchill prennent rendez-vous. Ou du moins, d’après les mémoires des deux intéressés, Hanfstaengl convient avec Churchill d’un rendez-vous entre Hitler et lui . L’affaire, finalement, tourne court.
Munich en est le théâtre. Churchill est venu sur le continent fin août visiter les champs de bataille où s’est illustré son aïeul Marlborough, dont il est en train d’écrire la biographie. Son séjour à Munich, qu’aucun récit ne date avec précision, doit s’être déroulé dans la première quinzaine de septembre. Il descend dans un hôtel où Hitler a ses habitudes. Randolph, qui l’accompagne, prend contact avec Hanfstaengl (d’après le récit de ce dernier), l’invite à
dîner avec Winston et sa famille et souhaite qu’il se fasse accompagner par Hitler. Mais le Führer du parti nazi ne donne pas suite. Churchill, en ses mémoires, conte que lors d’un dîner avec Hanfstaengl il l’avait questionné sur l’antisémitisme de son patron, en ces termes :

Pourquoi votre chef est-il si violent envers les Juifs ? Je comprends parfaitement qu’on soit irrité contre les Juifs qui se conduisent mal ou font du tort au pays et je conçois qu’on leur résiste s’ils essaient d’accaparer le pouvoir dans un domaine quelconque, mais quel sens cela a-t-il de combattre un homme simplement en raison de sa naissance ? Comment peut-on être tenu responsable de sa naissance ?

Les mémoires de son interlocuteur allemand sont, sur ce point, plus complémentaires que divergents :

A un certain moment, Churchill m’attaqua sur le chapitre de l’antisémitisme de Hitler. Je lui répondis en essayant d’édulcorer au maximum mes explications et en soulignant que l’afflux d’immigrants juifs en provenance de l’Europe orientale et la trop forte proportion de leurs coreligionnaires au sein de différentes professions constituaient en Allemagne un problème extrêmement difficile à résoudre. Après m’avoir écouté avec une attention soutenue, Churchill me lança pour tout commentaire :
-Dites de ma part à votre patron que l’antisémitisme est peut-être un bon partant, mais un mauvais cheval de fond !

Les soucis auto-justificatifs de Hanfstaengl nuisent souvent à la vraisemblance de ses récits. Il voudrait n’avoir été nazi que pour s’efforcer de faire dévier ce mouvement vers un conservatisme de bon aloi : il le suggère ici en prétendant que, dans l’exercice de ses fonctions d’attaché de presse, il justifiait l’antisémitisme par des considérations d’équilibre ethnique et social, peut-être pas très raffinées ni très soucieuses des droits de l’homme, mais fort éloignées des obsessions exterminatrices de son maître. Quoi qu’il en soit, c’est bien, selon les deux témoignages, après cet échange que Hitler se décommanda. Hanfstaengl prétend qu’il n’était pas demandeur, que l’idée d’une rencontre venait de Randolph et que son chef l’avait accueillie fraîchement, en « petit-bourgeois inquiet à la perspective de se mesurer avec son égal en habileté politique ». Il aurait déclaré avec dégoût que Churchill passait pour « un francophile enragé » et observé que son influence, en Angleterre, était marginale : quel anachronisme ! En septembre 1932 c’était un récent ministre des Finances et l’un des conservateurs les plus en vue, se tenant à l’écart du gouvernement autant qu’il en était écarté, pour cause de désaccord sur les affaires indiennes. Mais ce fatras de considérations annexes ne saurait faire oublier l’essentiel : une visite de Hitler à Churchill, dûment programmée, ne s’est pas produite et son annulation suivait de près une sortie vigoureuse du parlementaire britannique contre l’antisémitisme nazi. Or Hanfstaengl avait pu en informer son chef puisqu’il s’était, dit-il, éclipsé un moment pour lui téléphoner.
Churchill conclut son récit en disant que Hitler, par la suite, lui a adressé des propositions de rencontre, en vain « car entre-temps il s’était passé bien des choses ». Voilà qui rend plus vraisemblable encore l’hypothèse que Hitler a souhaité cette entrevue et chargé Hanfstaengl de l’obtenir, mais y a finalement renoncé parce que l’Anglais avait mis à l’ordre du jour la question juive. C’est en effet, dans tous ses entretiens dont nous avons des comptes rendus, un point qui n’est jamais abordé de manière contradictoire : il ne l’est que devant des auditoires acquis.
Il apparaît donc que Hitler, dès avant son arrivée au pouvoir, avait pris conscience de l’importance de Churchill et que, l’occasion s’offrant de le rencontrer, il voulait la saisir. Le motif de l’annulation de la rencontre est des plus révélateurs. D’emblée les positions sont marquées. Dès ce round d’observation, chacun signifie à l’autre pour quelle raison principale il va s’opposer à lui. Ce n’est pas que Churchill aime les Juifs. C’est qu’il aime le droit et ne veut voir punir que des gens qui ont commis quelque méfait. Il est également révélateur qu’il se soit souvenu de cette conversation : peut-être avait-il senti, plus ou moins confusément, que l’annulation du rendez-vous en découlait.
Mais ce dossier suggère une autre hypothèse : que Churchill se soit, pendant l’été de 1932, intéressé de très près à Hitler, un peu comme un enfant qui, en une époque plus guindée que la nôtre, contemple des images sexuelles en ayant conscience que cela « ne se fait pas ». Il est bien possible que la rencontre manquée, racontée avec détachement, et la proximité aérienne entre le futur dictateur et le fils de son futur vainqueur, tombée dans un pieux oubli, aient fait partie d’une même démarche d’approche. Certes Hitler, membre distingué de cette mouvance revancharde que depuis dix ans Churchill souhaite noyer sous un « centre gauche » démocratique, ne fait pas partie des Allemands qu’il cherche à séduire. Mais c’est un réaliste et, aussi bien en tant qu’homme politique candidat au pouvoir qu’en tant qu’écrivain fasciné par les grands hommes, il est logique qu’il cherche à jauger cet extraordinaire self made man, si proche à certains égards de ce Mussolini violent en paroles mais, à l’époque du moins, prudent sur la scène internationale, qu’il vantait publiquement et devait même, un peu plus tard, traiter de « génie romain » et de « grand législateur » . Dans cette perspective, il est remarquable qu’il mette d’emblée l’accent sur la question juive, qui constitue la différence la plus irréductible entre le fascisme et le nazisme, du moins avant que le second ait satellisé le premier. Si aujourd’hui le fait de n’avoir pas entrepris, entre 1941 et 1945, d’action spécifique pour entraver le massacre des Juifs de l’Europe occupée est un sujet fréquent de reproche envers Churchill, l’équité la plus élémentaire voudrait qu’on reconnaisse que sa détermination antinazie repose, depuis le début, sur le constat que l’antisémitisme est, chez Hitler, une passion morbide qui gâche ses qualités d’homme d’Etat.




Je viens d'actualiser mon site, dont notamment les éditoriaux (http://www.delpla.org/rubrique.php3?id_rubrique=1) fournissent une bonne approche de ma vision globale du personnage.
François Delpla
 
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Message par Barikad » 19 Fév 2005, 10:18

("Churchill cité par delpla" a écrit :Pourquoi votre chef est-il si violent envers les Juifs ? Je comprends parfaitement qu’on soit irrité contre les Juifs qui se conduisent mal ou font du tort au pays et je conçois qu’on leur résiste s’ils essaient d’accaparer le pouvoir dans un domaine quelconque, mais quel sens cela a-t-il de combattre un homme simplement en raison de sa naissance ? Comment peut-on être tenu responsable de sa naissance ?


Voilà la preuve de "l'anti nazisme" de Churchill ??? Et bien, des anti nazis comme ca, les juifs s'en seraient bien passé !
Barikad
 
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