Dresde piégée par la mémoire

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Evelyne » 15 Fév 2005, 08:40

(Jacquemart @ mardi 15 février 2005 à 08:29 a écrit : Tout d'abord, il faut une certaine dose de mauvaise foi pour voir dans le post en question une accusation de négationisme contre l'auteur de l'article. Le terme de négationiste, Pelon le reprend de l'article lui-même (même si dans l'article, on ne parle que de "négateurs"), pour le corriger aussitôt, en proposant un néologisme plus adapté, le "minimalisme".

Qui fait preuve de mauvaise foi actuellement ? Votre petit camarade dit :
"L'auteur de l'article de ce lien essaie de manière laborieuse de minimiser (pas seulement sur le nombre de morts) ce qui reste une évidence : les bombardements de Dresde, par leurs objectifs, ont bien été une barbarie.
En l'occurence, le négationniste (on devrait dire ici le "minimisaliste") c'est bien l'auteur de l'article. Sa laborieuse contibution n'est pas un travail d'historien mais celle d'un thuriféraire de Churchill. De ceux qui sont prêts à justifier (eux disent "relativiser") les pires horreurs quand elles proviennent des Etats qu'ils appellent des "démocraties". "

S'agit-il oui ou non de l'article dont le lien vient juste d'être donné et que votre camarade attribue à tort, rapidement, à François Delpla d'ailleurs ?

Cet auteur est-il oui ou non qualifié de négationniste ?

Etes-vous allés voir le reste du site avant de lancer pareille accusation ?
Evelyne
 
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Message par François Delpla » 15 Fév 2005, 09:06

Bonjour !


Je viens de me rendre compte qu'on causait de mon travail (je serais venu plus tôt si on m'avait prévenu).

Je lève précisément le nez, pour une rapide réponse, d'un ouvrage au long cours sur Churchill et Hitler, proche de sa conclusion, mais je dois encore faire une visite aux archives de Londres pour affiner, notamment, la question du rôle de Churchill dans les bombardements de civils allemands.

Pour l'heure, je voudrais remarquer qu'il n'est mêlé à celui de Dresde, selon toute apparence, que de loin, c'est le cas de le dire : il se rend en bateau de Yalta à Athènes, et dans les deux endroits il traite de dossiers qui occupent une grande partie de sa tête : il ne doit pas en rester beaucoup pour le suivi des opérations aériennes sur l'Allemagne.

Deux semaines plus tard, en revanche, il pond un texte extraordinairement intéressant pour notre débat, et le fait qu'aucun journaliste, ces jours-ci, ne le rappelle, montre bien les limites de cette profession et le danger, qui nous guette tous, d'être ballottés au gré des vents de l'actualité sans approfondir les questions comme il est pourtant indispensable de le faire si on veut dire des choses qui simplement tiennent la route. Il écrit à ses chefs d'état-major :

"Le moment est venu, me semble-t-il, où la question du bombardement des villes allemandes dans la seule intention d'accroître la terreur, même si d'autres prétextes sont mis en avant, doit être revue. Autrement, nous allons prendre le contrôle d'un pays entièrement ruiné. (...) La destruction de Dresde remet sérieusement en question la manière de faire des Alliés en matière de bombardement. Je suis d'avis qu'à l'avenir les objectifs militaires doivent être définis de façon plus stricte, eu égard à nos propres intérêts plutôt qu'à ceux de l'ennemi."

Thuriféraire de Churchill, moi ? Cherchez ce nom sur le moteur de recherche de mon site (http://www.delpla.org) et trouvez-moi un passage, un seul, où je le chouchoute.

Non, plutôt adversaire de Hitler (en un sens : car je n'oublie pas que l'historien n'a pas à être pour ou contre ses objets d'études). Ce que je remarque, par exemple dans les derniers propos de Sharon sur Auschwitz, c'est que tout le monde ou presque, depuis 1945, extrapole le résultat des courses à la course entière et raisonne comme si le nazisme avait été un tigre de papier.

On a beaucoup entendu dire qu’en 1945 une « mémoire résistante » avait éclipsé, pour de longues années, la prise en considération du génocide des Juifs. Cette affirmation mériterait de sérieuses nuances. En revanche, nous avons bel et bien sous les yeux le phénomène inverse, puisqu’Auschwitz a été présenté dans la quasi-totalité des discours seulement comme un lieu d’extermination des Juifs et des Tsiganes, en ignorant les nombreuses autres catégories de population « libérées » le 27 janvier 1945, notamment les résistants.

La concurrence de ces « mémoires », quand elle existe, est profondément malsaine. De ce point de vue, Sharon a eu grand tort de prétendre que « personne d’autre que les Juifs » n’avait agi contre la « Shoah ». Puisque, précisément, le génocide était au cœur du projet nazi, toute action pertinente contre le nazisme hâtait la fin du massacre et contribuait à sauver des victimes potentielles. A ce sujet, la revue L’Histoire a publié le mois dernier une excellente synthèse d’André Kaspi, propre à faire reculer l’idée, apparue depuis une vingtaine d’années et omniprésente ces dernières semaines, qu’il y avait une légèreté criminelle à ne pas bombarder les voies ferrées menant au camp.

Aux raisons techniques qui démontrent l’inefficacité d’une telle action j’ajouterai des considérations politiques. Dans ce cas comme dans cent autres, on suppose résolu le problème du nazisme. Hitler était fou, il n’avait aucune chance de gagner, alors chacun pouvait se consacrer à ses intérêts spécifiques et tout mettre en œuvre pour faire triompher ses priorités sans compromettre la victoire.
Eh bien non. L’écrasement du monstre dans sa tanière pressait plus que tout, Churchill en d’inlassables navettes accordait les violons des trois alliés principaux et ce n’était pas du luxe, tant, pour ne prendre qu’un exemple des craintes qui risquaient de paralyser l’action, la peur d’une communisation générale de l’Europe trouvait d’écho aux Etats-Unis.

Depuis 1932, un homme qui a, sinon compris les détours de Hitler dans toute leur subtilité, du moins mesuré la dangerosité du nazisme, met tout en oeuvre, y compris en surmontant en lui-même un anticommunisme particulièrement invétéré, pour unir des forces matérielles et morales contre ce fléau. Le jour où les bombes pleuvent sur Dresde, il est comme toujours pressé d'en finir en ne négligeant aucun facteur, et le feu du ciel pour faire comprendre au peuple allemand qu'il est dirigé par un type dangereux fait partie de l
François Delpla
 
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Message par François Delpla » 15 Fév 2005, 09:17

(suite de mon message précédent, publié prématurément) de la panoplie.

Le texte de Churchill ci-dessus montre qu'il estime lui-même qu'à Dresde on y est allé un peu fort, sans éprouver le besoin de la moindre autocritique publique car c'est bien aux Allemands d'en faire, et à tous ceux qui leur ont été plus complaisants que lui.

Quant au nombre des morts, je n'ai point personnellement travaillé à l'établir et ferai simplement observer que le chiffre officiel (allemand) de 25 000 peut, de l'avis unanime des spécialistes (càd en excluant le négationniste Irving et ceux qui le recopient, parfois indirectement et inconsciemment) , être extrapolé vers un ordre de grandeur d'environ 40 000... ce qui est considérable.
François Delpla
 
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Message par pelon » 15 Fév 2005, 09:18

Je viens de lire le post de jacquemart alors que j'avais commencé ma réponse. Je ne reviens pas sur la mauvaise foi de celle qui feint de croire qu'on la qualifie de "négationniste" à la Faurisson. Elle a très bien compris que ce que je critiquais c'était son travail de réhabilitation de l'Angleterre. D'ailleurs elle ne reprend pas le terme de "thuriféraire de Churchill" que j'avais utilisé sans source et qui était peut-être une interprétation abusive. Pourquoi ? Parce que cela fasait tâche dans la fausse indignation. Comment peut-on être pro-Churchill et nier les chambre à gaz ?

(Evelyne @ parties soulignés par moi a écrit :
Or, le bombardement de Dresde n’est pas seulement objet de controverses, comme la période en connaît beaucoup. Son approche est faussée par l’impact qu’ont eu les thèses de David Irving. Sous une apparence pseudo scientifique qui lui a permis d’être accepté comme une référence, il a réussi à construire une durable « légende de Dresde  » qu’on ne trouve pas seulement sur les sites proches des négationnistes ou d’une extrême droite néo-nazie et cette approche perdure bien qu’il soit démontré désormais que l’auteur a manipulé les sources et accordé une importance à des sources peu fiables ou non recoupées volontairement, notamment des témoignages qu’il n’hésite d’ailleurs pas à changer de contexte pour appuyer sa remise en cause du comportement des Alliés.

Dans cette partie, vous ne vous contentez pas de contester l'ouvrage de David Irving, "le bombardement de Dresde", ce qui est votre droit, mais vous faites vôtre la thèse de "la légende de Dresde". D'autre part, cette "légende" "qu'on ne trouve pas seulement sur les sites proches des négationnistes ou d’une extrême droite néo-nazie" vous permet de faire un douteux amalgame. Comme si vous doutiez des raisons pour lequelles les néo-nazis utilisent le bombardement Dresde. Y mêler les humanistes qui sont justement horrifiés par ce qu'a fait un Etat que l'on appelle une "démocratie" est un procédé plus que douteux.

(Evelyne a écrit :
Il faut ne rien y connaître au sujet pour croire que rapporter ce chiffre à 35 000 morts, chiffre reconnu aujourd'hui par tous les historiens sérieux y compris de Dresde, est relativiser les conséquences d'un bombardement qui a été terrible


S'il ne s'agissait que d'un travail "technique" d'historien honnête essayant de donner des chiffres plus prêts de la réalité, on n'y trouverait rien à dire. Mais votre article est imprégné par votre volonté de "couvrir" ce qui est une barbarie. C'est terrible mais que voulez-vous, c'est la guerre. Vous n'utilisez pas le terme de barbarie. Je souscris à ce que dis Jacquemard :

(jacquemart a écrit :
Tout cet article consiste à légitimer cet acte de barbarie, en le faisant passer pour un geste militaire comme un autre, auquel seul des esprits chagrins - et réactionnaires - peuvent trouver à redire.   


Par exemple, cette hypocrite phrase déplorant les horreurs de la guerre :
(Evelyne a écrit :
Comment ne pas rejoindre ce vœu ? Dresde, comme l’ensemble des villes bombardées, a lourdement payé son tribut à la guerre et, même estimé entre 25 000 et 40 000 dans les études les plus récentes, le nombre des morts reste énorme.


Ce "tribut à la guerre" est extrêmement hypocrite et pénible. Que diriez-vous d'une phrase équivalente pour une ville ayant subi le même sort à cause des nazis. Vous désigneriez à juste titre les coupables. Vous ne vous contenteriez pas d'une généralité sur les horreurs de la guerre.
pelon
 
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Message par Evelyne » 15 Fév 2005, 09:49

Monsieur,

Je constate que vous n’assumez pas vos écrits et que vous avez quelques difficultés à lire une page longue, ce que confirme son attribution première à un autre auteur pour lequel vous semblez avoir quelques idées préconçues qui vous font rejeter d'emblée ce que vous supposez être ses écrits, façon curieuse quand même de se permettre des appréciations déplacées ( Elle sert à quoi votre charte au fait ?).

Vous dites :
****Je viens de lire le post de jacquemart alors que j'avais commencé ma réponse. Je ne reviens pas sur la mauvaise foi de celle qui feint de croire qu'on la qualifie de "négationniste" à la Faurisson. ***

Laissons-là, votre petit copain de jeux voulez-vous et expliquez-moi plutôt quel est l’autre sens du mot *** négationnisme ***, un mot qui est défini précisément par une loi ( aie le vilain mot !) et par l’origine de sa formation. Je vous laisse l’entière responsabilité de vos propos suivants qui confirment le fond de votre pensée et la justesse de mon appréciation :

***. Comment peut-on être pro-Churchill et nier les chambre à gaz ? ***

Allons-y donc ? Comment ?

***S'il ne s'agissait que d'un travail "technique" d'historien honnête essayant de donner des chiffres plus prêts de la réalité, on n'y trouverait rien à dire. Mais votre article est imprégné par votre volonté de "couvrir" ce qui est une barbarie. C'est terrible mais que voulez-vous, c'est la guerre. Vous n'utilisez pas le terme de barbarie. Je souscris à ce que dis Jacquemard :
Tout cet article consiste à légitimer cet acte de barbarie, en le faisant passer pour un geste militaire comme un autre, auquel seul des esprits chagrins - et réactionnaires - peuvent trouver à redire. ****

Donc en plus d’être ***négationniste***, je suis ***malhonnête*** et ***je couvre la barbarie*** parce que je démonte 3 lieux communs que vous semblez partager d’ailleurs autour de Dresde ? Cet article n’est pas un article sur Dresde mais sur « la légende bâtie autour de Dresde » . Si j’avais dû faire un article sur le bombardement de Dresden, je l’aurais titré autrement . Des articles sur Dresde, il y a en a plein la toile et des bons livres aussi signalés d’ailleurs dans les sources. Cherchez donc un peu

***Ce "tribut à la guerre" est extrêmement hypocrite et pénible. Que diriez-vous d'une phrase équivalente pour une ville ayant subi le même sort à cause des nazis. Vous désigneriez à juste titre les coupables. Vous ne vous contenteriez pas d'une généralité sur les horreurs de la guerre. ***

Bien tiens donc ! on en rajoute ***hypocrite*** et ***pénible*** Ce dernier point je veux bien . Ceci dit, j'accepte que vous ne trouviez pas ce travail un bon travail d'historien, ça n'en est pas un sur l'idée de sa mise en ligne et clairement signalé comme la synthèse d'un mois d'échanges et de lectures. Toutefois, l'historienne ne demande qu'à apprendre par lexemple et attend donc avec impatience votre relation, précise, documentée, argumentée autour du bombardement de Dresde , sources à l’appui que je puisse juger à mon tour de votre non-hypocrisie. Courage, je n’argumente ma supposée ***absolution des crimes anglo-américains*** que par 3 ou 4 arguments que vous aurez tôt fait de démonter à votre tour.

En attendant je réitère ma plainte auprès des modérateurs de ce forum puisque j’estime, à juste titre, avoir été non seulement prise à partie mais surtout diffamée par votre approche plus qu’incertaine de certains mots de vocabulaire.

EP
Evelyne
 
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Message par François Delpla » 15 Fév 2005, 10:21

Jacquemart et Pelon me semblent assez confus dans leur façon d'aborder la question.
Ils ne nient pas, je pense, que le 13 février 1945, étant donné l'obstination de Hitler ses moyens intacts de coercition, une liquidation militaire du nazisme, la plus prompte possible, était ce qui pouvait arriver de mieux à tous les peuples, l'allemand compris.
Dès lors où est le problème ? Qu'on ait usé à Dresde de moyens un peu lourds, c'est ce que Churchill reconnaissait quinze jours après et qu'on devrait rappeler dans le cadre de la discussion actuelle. Mais sur le principe ? Fallait-il à toute force épargner les civils, lors même que tout se mélangeait de plus en plus ? Où faire passer la limite de la civilisation et de la "barbarie", et au nom de quoi ?

Par ailleurs, il ne faut pas nier qu'il y ait une "légende de Dresde", destinée, sous certaines plumes, à équilibrer les méfaits du nazisme au moyen de ceux, supposés, de ses adversaires. Cela ne veut pas dire que le bombardemnt lui-même n'ait pas eu lieu, mais que des malintentionnés en rajoutent, surmultipliant le nombre des victimes et inventant des cruautés gratuites.
François Delpla
 
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Message par lavana » 15 Fév 2005, 10:51

Pour rebondir sur ce que dit Zdanko quant à l'argument de Delpla.

C'est un argument qui me semble douteux parce que c'est le même qui a servi à justifier (après-coup) les bombes atomiques américaines.

Elles auraient "économisé" des vies américaines et raccourci la guerre.

C'est pour le moins discutable...

J'e'spère que nous en discuterons.
lavana
 
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Message par artza » 15 Fév 2005, 11:07

a écrit :"35 000 civils



Une simple question très annexe.
En Allemagne il y avait des prisonniers de guerre français très nombreux ( et de tout les pays d'Europe) et des STO.
Il y en avait sans doute quelques uns à Dresde. Combien y ont péri? Des survivants ont-ils été intérrogé?
D'habitude les historiens et journalistes français sont bien plus curieux et soucieux du destin de leurs compatriotes.
artza
 
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Message par Weltron » 15 Fév 2005, 11:11

a écrit :***. Comment peut-on être pro-Churchill et nier les chambre à gaz ? ***

Allons-y donc ? Comment ?


Il me semble que Pelon ne posait pas vraiment la question. Il tenait juste à vous montrer que lui reprocher de vous traiter de négationniste tout en vous considérant comme une "pro-Chruchill" n'avait aucun sens (je vous rappelle d'ailleurs, et merci d'en tenir compte, qu'il se corrige lui-même dans son post à l'aide du mot "minimaliste").

Maintenant, il serait plus intéressant de parler des problèmes de fond. Pensez-vous que le bombardement de Dresde était légitime ? nécessaire ? justifiable ? Ou pensez-vous comme nous qu'il était criminel ?
Weltron
 
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