Je lis votre discussion, canardos et iko, et je suis dubitatif…
Par sur ton dernier message, iko, sur les quelques messages précédents...
Dans un bouquin : "La question de l'analyse profane" (parue en 1926), Freud énumère en 2 pages des raisons qui feront qu'on se dira : «Je ne vais pas bien, je vais aller voir un médecin.», puis celui-ci vous aiguillera vers… un psychanalyste.
Lorsque on lit ces raisons, je trouve qu'on est loin du psychotique incurable… Où trouve-t-on d'ailleurs des prétentions de Feud à guérir ce qui relève de la psychiatrie ? Ça doit bien être affirmé quelque part ?
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Donc, tiré du bouquin mentionné, les raisons, selon Freud, pour lesquelles on pourrait aller voir un psychanalyste :
Un individu «peut souffrir de changements d'humeur dont il n'est pas le maître»; ou il peut se sentir pris par un abattement, se retrouver sans courage pour faire des choses, «ne se croyant capable de rien de bon».
Il peut éprouver «une gêne anxieuse devant des étrangers.»; ou alors, il perçoit, «sans se l'expliquer», que l'accomplissement des tâches professionnelles fait difficulté, «comme aussi toute décision un peu sérieuse ou toute entreprise.»
Une personne peut avoir été un jour, «sans savoir d'où cela venait», assailli par des sentiments d'angoisse et elle ne peut qu'en se forçant traverser seule la rue ou voyager en chemin de fer, peut-être même y renoncer. Ou alors, on constate que «les pensées vont leur propre chemin» et ne se laissent pas guider par notre volonté. Nos pensées s'attachent à des problèmes qui nous sont indifférents mais dont on ne peut pas se libérer. Des tâches du plus haut ridicule s'imposent également à nous (dénombrer les fenêtres aux façades des maisons); les gestes les plus simples (mettre une lettre à la boîte, éteindre la flamme du gaz) deviennent compliqués, on doute même «l'instant d'après, de les avoir véritablement accomplis.»
Les angoisses peuvent être plus morbides, accompagnées de sentiments de culpabilité : on ne peut se défendre de l'idée qu'on a poussé un enfant sous les roues d'une voiture, précipité un inconnu dans l'eau du haut d'un pont, etc.
Ou bien encore, ça peut être une femme pianiste «mais ses doigts se crispent et refusent tout service.»; et rien qu'à l'idée d'aller en société «il se manifeste aussitôt en elle un besoin naturel dont la satisfaction serait incompatible avec la vie sociale.» On rajoute des migraines, des vomissements, et une hyper-émotivité qui lui fait perdre connaissance.
Et enfin, ça peut être des hommes qui «se sentent incapables de donner une expression corporelle aux émois les plus tendres que leur inspire l'autre sexe, alors que toutes ces réactions sont à leur disposition en présence d'objets peu aimés.»; ou bien des personnes dont «la sensualité les attache à des personnes qu'ils méprisent et dont ils voudraient se libérer.»; Des femmes peuvent se sentir empêchées «par l'angoisse et le dégoût ou par des obstacles inconnus, d'obéir aux impératifs de la vie sexuelle»
Dans cette liste, on ne trouve pas de psychotiques de chez psychotique, de déments de chez dément.
«Toutes ces personnes se reconnaissent comme malades et vont consulter des médecins, ceux justement dont on attend la délivrance de tels troubles nerveux. Les médecins établissent bel et bien les catégories sous lesquelles ranger ces maux. Selon leurs points de vue, ils les diagnostiquent sous des noms divers : neurasthénie, psychasthénie, phobies, névrose obsessionnelle, hystérie. Ils examinent les organes d'où proviennent les symptômes : le cœur, l'estomac, l'intestin, les organes génitaux, et les trouvent sains. Ils conseillent des interruptions du mode habituel de vie, des distractions, des pratiques fortifiantes, des médicaments tonifiants, parviennent ainsi à des soulagements passagers – ou aussi à rien du tout. Enfin, les malades entendent dire qu'il existe des personnes qui s'occupent tout spécialement de traiter ces maux et ils entrent en analyse.»
Sigmund Freud, "La question de l'analyse profane" (paru en 1926), Gallimard.
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La discussion sur psychotiques, autistes, me fait penser à ce qu'écrivait Eric Berne en assitant à un congrès de psy machin-truc :
« Se pourrait-il qu’on s’occupe de psychiatrie parce qu’on n’a pas grand chose à y faire, si ce n’est d’organiser des discussions de cas où il s’agit d’expliquer pourquoi on ne sait pas faire grand chose ? »
Eric Berne. Discours du 28 juin 1970 (deux semaines avant sa mort).
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Je ne sais que quelques trucs sur la psychanlayse, mais je croyais avoir compris que la parole était l'ément primordial de l'analyse. Mais si c'est bien ce que j'ai compris, alors ça exclut de l'analyse les personnes qui, momentanément ou de façon permanente, ne peuvent assumer un discours un minimum rationnel.
« Le traitement psychanalytique ne comporte qu'un échange de paroles entre l'analysé et Ie médecin. Le patient parle, raconte les événements de sa vie passée et ses impressions présentes, se plaint, confesse ses désirs et ses émotions. Le médecin s'applique à diriger la marche des idées du patient, éveille ses souvenirs, oriente son attention dans certaines directions, lui donne des explications et observe les réactions de compréhension ou d'incompréhension qu'il provoque ainsi chez le malade. »
Sigmund Freud, "Introduction à la psychanalyse" (rédigé en 1916), Pettie Bibliothèque Payot.