Entrée de la Turquie en Europe

Dans le monde...

Message par Valiere » 03 Nov 2004, 00:20

C'est le copain de ma fille et il a écrit plusieurs bouquins, j'ai d'ailleurs donné les références de son livre.
Je le contacte et s'il veut bien participer au débat, il le fera
Valiere
 
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Message par titi » 03 Nov 2004, 08:05

excellent, je vais aussi demander à mes amies turques de lire les contributions pour qu'elles donnent leur avis en direct ; aucune d'elles n'est communiste (ni socialiste), sauf ma compagne, on verra bien ce que ça donne
titi
 
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Message par Jacquemart » 03 Nov 2004, 18:27

a écrit :Sur le plan des “libertés individuelles”, divorce et avortement sont libres (je vais vérifier exactement question délai/remboursement, je vous dirais plus tard), les femmes ont le droit de vote depuis plus longtemps que les françaises ; évidemment dans les cafés vous ne verrez que très rarement des femmes, mais était-ce différent en France il y a qq décennies ? et puis dans les villes, vous trouverez autant de jeunes filles en mini-jupes qu’à Paris ou ailleurs. Dans les campagnes, c’est différent, mais dans les campagnes françaises aussi !
La lapidation, je ne réponds meme pas tellement c’est du cliché ; les médias français peuvent évoquer certains faits divers tragiques, comme les (très rares) crimes d’honneur, mais on a les meme chez nous…

Titi, moi, je connais bien mal la situation turque, et on peut même dire, pas du tout. Tu me corrigeras sans doute, mais j'ai quand même l'impression que tu minimises l'oppression des femmes turques, en la comparant à la situation en France d'aujourd'hui, ou même d'il y a quelques décennies.
Je veux bien te croire lorsque tu dis que la lapidation est un fantasme, et que les crimes dits "d'honneur" sont rares.
Mais n'y a-t-il pas tout de même une pratique vigoureuse des mariages sinon forcés, du moins fortement arrangés ?
Et les jeunes filles, les femmes, en-dehors d'une minorité "occidentalisée", sont-elles réellement libres de leurs mouvements et de leurs choix ?
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Message par titi » 04 Nov 2004, 14:35

pour jaquemart, je pense que ta question est pour les femmes en turquie
(pour info, je n'ai pas lu ton post quand j'ai posté sur l'article de l'huma)

là aussi il faut aborder le pbm dans sa complexité (genre de phrase souvent creuse, désolé)
la description que je vais donner correspond à la partie ouest de la turquie, je ne connais pas bien les villes/campagnes du centre et de l'est du pays


***
dans les villes, il y a les filles/femmes (je vais dire femme par la suite) comme tu dirais "occidentalisées", et celles-là ressemblent beaucoup aux femmes occidentales


***
il y a aussi les femmes dans les quartiers pauvres des villes, et si elles ne "s'occidentalisent" pas c'est aussi un pbm d'argent (les sorties, les fringues, le maquillage, les cassettes de musique... ça coute) ; elles sont aussi plus souvent avec un foulard sur la tête, pas forcément à caractère religieux mais plus comme "reste" de l'époque paysanne (car le foulard sert dans les campagnes turques comme française à se protéger les cheveux de la poussière !) ; peut-etre aussi pour cacher des cheveux qui ne sont pas aussi bien entretenus qu'elles le voudraient ? je donne cet argument car c'est une femme de là-bas qui me l'a donné

très honnetement, je pense que la comparaison avec "pourquoi les femmes françaises ont longtemps porté des foulards sur la tete" me parait pertinente
en tous cas, les rares femmes vraiment voilées avec une démarche religieuse ne sont pas fréquentes ; pour l'anecdote, la seule femme vraiment voilée que j'ai connue était une cousine de ma compagne, et c'était par période : à des moments inch allah le voile et tout et tout, et à d'autres elle envoyait bazarder toutes ces betises, puis ça lui reprenait... bref pas très nette
des fantomes, on en croise bien sur, hélas, mais j'ai déjà dit que je trouvais qu'on en voyait souvent plus par chez nous

***
dans les campagnes, il faut avoir en tête que l'on se déplace assez peu dans les campagnes, les gens peuvent aller occasionnellement jusqu'à la ville principale de qq dizaines de millliers d'habitants, mais le gros de la vie se fait à l'intérieur du village
ceci pour dire non pas qu'il y a des mariages forcés, mais que dans ces conditions "confinées" la frontière est ténue entre mariage plus ou moins arrangés et mariages volontaires
fortement arrangés ? fréquence ? difficile pour moi de dire oui ou non car ce genre d'histoires "sort" rarement en public, mais pour ce que j'en ai vu je n'ai rien remarqué de particulier
et des mariages sordides du genre "un vieux avec une petite jeune" je n'en ai jamais vu

ce qui est plus choquant dans les campagnes, c'est plutot le faible niveau d'infrastructures (la plupart des routes sont maintenant goudronnées, mais c'est récent ; très peu de système d'ordures ménagères, d'infrastructures d'eau courante ; il y a l'électricité et le téléphone, mais ça coute cher pour des paysans qui bossent très dur pour vivre)
bref, le niveau de vie est quand meme assez bas dans les campagnes, et c'est souvent ça qui est à l'origine des "mariages plus ou moins arrangés". pour la terre. pour survivre. y compris dans les villes, où les grands enfants vivent longtemps chez leurs parents, pas seulement faute de place mais aussi parce que ça coute moins cher de mettre en commun les dépenses alimentaires.


****************************
pour conclure les femmes sont-elles libres de leur choix en matière de mariage ? quand on n'a pas les moyens d'aller vivre ailleurs, de faire les études que l'on voudrait, de faire le métier que l'on voudrait, cela fait déjà beaucoup de choix que l'on n'a pas.
et je pense que la vraie oppression contre les femmes, y compris la pression morale de faire "un bon mariage", est là plus que dans une "mentalité" spécifique à la turquie.

à mon humble avis
titi
 
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Message par titi » 04 Nov 2004, 15:37

qq précisions sur les droits des femmes en turquie

droit de vote : 1930
droit d'éligibilté : 1934
(je commence toujours pas ces 2 là, juste pour clouer le bec aux racistes, na !)


divorce : de façon général, c'est le code civil suisse qui a servi de modèle au code civil turc, donc très proche de "nos conceptions occidentales"
a écrit :Il n’y a pas de contrat de mariage dans le Code Civil Turc, donc pas de partage entre les biens. En cas de divorce sachez que les biens immobiliers (maison, voiture etc.) enregistrés au nom d’un des partis lui appartiennent. Les biens comme les meubles, TV etc. appartiennent à celui qui les prend en premier. (Surprenant mais malheureusement dans les habitudes)

N’oubliez pas qu’il y a une période d’attente à respecter après un divorce. Une femme ne peut se remarier qu’après 300 jours comptés à partir de la dissolution du mariage. Si une des parties est fautive, le jugement du divorce détermine la période durant laquelle l’époux fautif ne pourra pas se remarier.

je mets aussi en lien un rapport que je viens de lire sur internet (en cherchant à l'occasion de ce fil) et qui me parait correct : ici

autre article (avec des liens sur des sites féministes turcs)
(http://www.bibliomonde.net/pages/fiche-geo-donnee.php3?id_page_donnee=282 a écrit :La république turque (proclamée en 1924) est strictement laïque et l’émancipation des femmes a joué un rôle essentiel dans la modernisation de la société turque. Le code civil échappe à la loi coranique. La polygamie est interdite, le divorce est admis, mais le statut d’égalité homme-femme est assez récent.

Le nouveau code civil adopté en novembre 2001 donne aux femmes turques un statut d’égalité avec leur époux. Sauf demande contraire des conjoints lors du mariage, un régime de communauté des biens d’appliquera. Cette disposition accueillie comme véritable révolution, ne s’applique cependant qu’aux mariages contractés après le 1er janvier 2002, ce qui laisse quelque 17 millions d’épouses dans une situation de vulnérabilité économique. Cette date butoir, rajoutée dans la loi à la dernière minute, a déçu les défenseurs des droits des femmes en Turquie.

Les organisations féministes militent également pour la reconnaissance des crimes sexuels. Elles veulent qu’ils ne soit plus perçus comme des crimes contre la société, mais contre des individus. Elles demandes aussi qu’une tradition légale qui permet au violeur d’échapper à l’emprisonnement s’il épouse sa victime soit abandonnée dans le nouveau code pénal.

Les femmes turques jugent insatisfaisante la réforme du code pénal adoptée en juin 2003. Par exemple, « dans le cas de crime d’honneur, l’article 51, qui offre des réductions de peine pour acte de violence commis en réponse à une "forte provocation", est celui qui reste le plus invoqué par les magistrats. La définition de ce qui constitue une "provocation" est sujette à interprétation des juges qui, trop souvent, font le lien entre le comportement sexuel d’une femme et l’honneur atteint de la famille. » (extrait d’un article de Nicole Pope, Le Monde 25 juin 2003)

« Selon la loi, le crime sexuel à l'égard des femmes est considéré comme "une attaque contre la décence publique et l'ordre familial" alors que tous les autres crimes bénéficient de l'intitulé "attaque contre la personne humaine" ! De même, les abus sexuels commis sur des femmes non vierges sont perçus par la justice et l'opinion publique comme moins sérieux que ceux perpétrés sur des filles ou des femmes ayant encore leur virginité. En outre, une femme violée ne peut engager de poursuite contre son agresseur que si elle arrive à prouver qu'elle était vierge avant le viol ! Pour cela, elle aurait dû passer "un test" de virginité, couramment pratiqué en Turquie, aussi bien par les policiers que par les membres mêmes de la famille proche de la fille. Les premiers s'en servent, souvent, pour s'adonner à des sévices et des abus sexuels sur celles qui ne sont plus vierges, les seconds l'utilisent, parfois, pour assassiner leur fille qui aurait bafoué l'honneur de la famille. D'autres femmes, dans un geste de désespoir, tentent de se suicider après avoir subi ce "test" dégradant ou même avant parce qu'elles vivent dans la crainte de représailles. » (extrait d’un article Fraternet, 2000)

Parallèlement à un mouvement d’émancipation continu depuis trois génération, un courrant politique conservateur, voire réactionnaire, se réclamant de l’islam cherche à inverser ce mouvement. Comme ailleurs, le symbole le plus flagrant de cette idéologie est l’apparition du foulard islamique.

« Cette visibilité de l’islam agite la société turque. Avec une interrogation à la clé : l’État peut-il laisser la religion faire son entrée dans l’espace public ? En mai 1999, l’affaire Mervé Kavakçi députée élue du Fazilet, le Parti islamique de la vertu, a fait scandale. Cette jeune femme, diplômée aux Etats-Unis, possédant la double nationalité turque et américaine, divorcée et mère de deux enfants, s’est présentée devant le Parlement coiffée du voile religieux pour y prêter serment. Ce fut un tollé ! Elle dut quitter la salle sous les huées des députés laïques, avant d’être déchue de sa nationalité. » (extrait d’un article de Catherine Guignon, L’Histoire, mai 2003)


avortement :
a écrit :En Turquie, l'avortement a été légalisé en 1983, mais seulement jusqu'à 10 semaines après la dernière menstruation. Les services sont largement disponibles et la population en majorité musulmane dépend beaucoup de l'avortement pour limiter la dimension de la famille. Une enquête de 1988 constatait que 42,2% des femmes turques avaient eu au moins un avortement (Turquie, 1988). Jusqu'à 60% des services d'avortement sont fournis par le secteur privé. La prévalence de la contraception est de 63% (Turquie,1993). La méthode de planification familiale la plus utilisée est le retrait, suivi du stérilet. En général, le public est au courant de la planification familiale, mais la connaissance de méthodes spécifiques est faible et les mythes sont répandus sur les effets secondaires.
source



enfin je vous invite à visiter régulièrement le site des pénélopes (http://www.peneplopes.org) qui parle aussi du droit des femmes en turquie, et entre autres de la différence entre les textes et la réalité !
titi
 
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Message par Barikad » 04 Nov 2004, 18:01

Merci pour toutes ces infos, qui confirment un vague sentiment que j'avais.
Barikad
 
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Message par marzipan » 08 Nov 2004, 17:25

a écrit :Parallèlement à un mouvement d’émancipation continu depuis trois génération, un courrant politique conservateur, voire réactionnaire, se réclamant de l’islam cherche à inverser ce mouvement. Comme ailleurs, le symbole le plus flagrant de cette idéologie est l’apparition du foulard islamique.


Ce n'est pas tout à fait cela. La visibilité publique du foulard correspond à l'arrivée croissante de femmes des catégories les plus populaires dans l'enseignement supérieur et sur le marché du travail. Tant que ces femmes restaient cloitrées chez elles, leur foulard ne dérangeait personne.

Et le principal succès de l'islamisme turc n'est pas à mettre au crédit d'une soudaine aspiration à la charia, mais bien à la contestation populaire de l'oligarchie militaire. La constestation de la laîcité imposée se confond avec une constestation de classe face à tout ce qui est ressenti comme symboles de l'oppression dirigeante. Une contestation qui déborde largement les seules motivations religieuses mais qui ne se reconnaît pas dans l'idéologie prétendument progressiste incarnée par la classe dominante.

Un peu de subtilité ne nuit jamais à une bonne analyse des rapports de force.

Enfin "l'émancipation continue depuis trois générations" a cruellement manqué son but dans l'égalité de scolarisation des filles et des garçons. Sur ce point, l'Iran théocratique ou garçons et filles sont scolarisés à égalité dans l'enseignement secondaire a pris dix ans d'avance (en une seule génération) à la Turquie et la Tunisie "laîques".
marzipan
 
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Message par Valiere » 09 Nov 2004, 20:06

Ta vision n'est plus la bonne surtout maintenant avec l'apparition de l'islamisme politique qui est au pouvoir et pour beaucoup de féministes la résistance à l'islamisation liée aux institutions est importante.
C'est mon avis mais je ne suis pas spécialiste de la Turquie.
Valiere
 
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Message par titi » 09 Nov 2004, 22:03

(marzipan a écrit : La visibilité publique du foulard correspond à l'arrivée croissante de femmes des catégories les plus populaires dans l'enseignement supérieur et sur le marché du travail. Tant que ces femmes restaient cloitrées chez elles, leur foulard ne dérangeait personne.

puis
(marzipan a écrit :l'Iran théocratique ou garçons et filles sont scolarisés à égalité dans l'enseignement secondaire a pris dix ans d'avance (en une seule génération) à la Turquie


déjà je ne comprends plus si la turquie est en avance ou en retard, tes 2 points sont contradictoires (ou alors la situation de la femme est meilleure en iran qu'en france)
je ne connais pas du tout l'iran, donc je suis pour ma part incompétent pour comparer avec la turquie

maintenant, dire
a écrit :le principal succès de l'islamisme turc n'est pas à mettre au crédit d'une soudaine aspiration à la charia, mais bien à la contestation populaire de l'oligarchie militaire. La constestation de la laîcité imposée se confond avec une constestation de classe face à tout ce qui est ressenti comme symboles de l'oppression dirigeante. Une contestation qui déborde largement les seules motivations religieuses mais qui ne se reconnaît pas dans l'idéologie prétendument progressiste incarnée par la classe dominante.

me parait faux

la contestation n'est pas du tout, mais alors pas du tout celle de l'armée, qui jouit d'un prestige très répandu
la contestation, c'est celle d'une classe politique qui était entièrement corrompue, avec des affaires sordides de collusion entre politicien et mafieux voir ici

aux élections qui ont amené erdogan au pouvoir, les partis qui gouvernaient ont TOTALEMENT DISPARUS de la circulation, je crois qu'ils ont obtenus au total moins de 5% des voix (imaginez UMP+UDF faisant 5% au total aux dernières législatives...)

depuis, erdogan a bénéfié de 2 facteurs importants
- un minimum de soutien aux très pauvres, qui lui a apporté une très large sympathie dans la population
- la disparition de l'inflation : imaginez ce que c'est de vivre avec 100% d'inflation par an. C'était ce qui s'est passé en turquie pendant des années, et depuis 15 mois maintenant, l'inflation a quasiment disparue.

c'est ça, et certainement pas un attrait accru pour la religion (et surtout pas chez les femmes turques !), qui rend erdogan populaire et l'a fait triompher aux dernières municipales
titi
 
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Message par Valiere » 11 Nov 2004, 21:15

marzipan minimise la mobilisation féministe en turquie contre le régime, contre les intégristes et pour l'égalité des droits. Elles ont fait reculer le régime sur la question de la lapidation.
Valiere
 
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