(Libération @ mercredi 06 octobre 2004 a écrit :Hors du débat socialiste, le PCF veut incarner l'opposition au traité européen. Sans effrayer ses alliés potentiels.
L'autre gauche pour une autre façon de dire non
Par Christophe FORCARI et Pascal VIROT
A la gauche du PS, on se sent pousser des ailes. Boosté par les ralliements socialistes, le camp du non à la Constitution européenne rêve de l'emporter au référendum promis par Jacques Chirac pour 2005. Encore faudrait-il créer une dynamique assez puissante à la gauche de la gauche. D'où des tentatives d'union, l'organisation de colloques et un texte pour fédérer ces partisans d'«une autre Europe». Au premier rang, les communistes, qui disposent encore d'un atout : ils forment le seul «grand» parti de gauche à être en totale cohérence avec lui-même sur ce sujet. Mais ils pâtissent du flou artistique dans lequel se complaisent leurs partenaires potentiels.
Appel. Dans les rangs communistes, le message est donc (presque) unanime : pour prendre la tête du non de gauche, il faut être les plus disciplinés de ses partisans, quitte à adopter un profil bas pour n'effaroucher personne. C'est pour cela que les dirigeants, même s'ils participent à la rédaction de l'appel qu'elle a lancée, ne soutiennent pas vraiment la démarche de la Fondation Copernic, qui consiste à mettre au ban du camp du non les amis de Fabius et ceux de Chevènement. «Il ne faut exclure personne. On ne va pas trier les partisans du non à gauche», expliquait samedi, Patrice Cohen-Seat, un proche de Marie-George Buffet, en marge du conseil national du PCF.
Regroupés autour de Copernic, cercle de réflexion antilibérale, des militants associatifs, des syndicalistes, des membres de la LCR, du PCF, des Verts ou des minoritaires du PS travaillent à la confection d'un appel intitulé «Dire non à la Constitution européenne pour construire l'Europe». Ce texte devrait être finalisé vers la mi-octobre et présenté le 20, au lendemain du Forum social européen de Londres. «Notre non est résolument antilibéral et altermondialiste, mais aussi résolument européen», explique Christian Picquet, dirigeant de la LCR. D'où le refus d'accueillir ceux qui, comme Fabius, ne militent pas pour une rupture avec le modèle libéral ou qui, tels les chevènementistes, agissent par réflexe souverainiste. Porte-parole du MRC, Georges Sarre, qui plaide pour «un non républicain», renvoie le compliment, estimant que Copernic «est instrumentalisé par le PCF».
Pour Marie-George Buffet, la difficulté consiste à faire la synthèse de tous les non éparpillés du PS à l'extrême gauche sans apparaître comme voulant les utiliser à son profit. De ce point de vue, beaux joueurs mais quelque peu gênés aux entournures, les dirigeants communistes saluent la prise de position de Fabius. Tout en pointant ses arrière-pensées présidentielles: «C'est un très bon signe, car il croit à un non majoritaire à gauche», explique le député européen Francis Wurtz.
«Volaille PS». Cette approbation du geste fabiusien ne fait pas l'unanimité. Favorable à «un non de classe», le patron de la fédération du Pas-de-Calais, Jean-Claude Danglot, représentant l'aile orthodoxe du PCF, considère, lui, que «le non de Fabius, c'est une adaptation de la Constitution». Il se verrait bien «plumer la volaille socialiste» : «Les ouvriers communistes et socialistes peuvent-ils se retrouver sur le non ?» s'interroge-t-il, faussement naïf.
Le 30 septembre, lors d'un meeting à la Mutualité, à Paris, Marie-George Buffet avait clairement défini les enjeux de la campagne référendaire pour le PCF : «Les communistes ne veulent pas renoncer à leurs idéaux de changement de la société et de la vie. (...) Nous n'aurons jamais la tranquillité du renoncement.» Autrement dit, pas question de céder sur le fond. Car, si le non l'emporte, le PCF espère en tirer profit pour les élections de 2007.
Pour cela, les communistes doivent se mettre au clair sur leur projet européen. Patrick Braouezec, le chef de file des refondateurs, a demandé une consultation des militants «pour ou contre une autre Constitution européenne». Histoire de séparer le bon grain (les tenants d'un autre traité) de l'ivraie (les souverainistes), encore nombreux au PCF.
Chaises vides. Pour l'heure, le PCF rame pour trouver des interlocuteurs de poids. Attac arrêtera sa consigne de vote en décembre. Tout comme LO, qui, explique son père fondateur Robert Barcia, alias Hardy, «hésite encore entre l'abstention et le non». Tant que les socialistes et les Verts n'auront pas fait connaître leur position définitive, le PCF n'entend pas se livrer à des grandes manoeuvres au sommet. Et se contentera d'attiser le non à la base, en multipliant meetings et initiatives de rassemblement. Mais, comme le confiait Marie-George Buffet, samedi, lors du conseil national du PCF, «nous ne voulons pas constituer un comité du non où il y aurait trop de chaises vides...».