par Harpo » 24 Sep 2004, 00:03
Cette histoire de référendum commence vraiment à me casser les pieds car vraiment je n’en ai à priori rien à cirer. Je ne suis pas républicain ni démocrate ni citoyen. En tout cas pas dans le sens habituel de ces termes. Personne ne peut m’obliger à aller faire le con dans un isoloir pour ne pas pouvoir y exprimer ce que je pense. Tout référendum est biaisé. Tout référendum est un plébiscite. Tout référendum est une tromperie, un piège à gogos. Si on m’obligeait à y participer ce serait pour mettre un bulletin avec écrit « MERDE ».
Le problème c’est qu’on en parle. Les média ne parlent que de ça pour ne pas parler des attaques incessantes contre la classe ouvrière. Le problème c’est que, dans cette ambiance, les gens qui nous abordent sur les marchés, les collègues de boulot… nous en parlent. C’est aussi que tous les gauchistes attendent LO au tournant pour pouvoir lui cracher leur haine à la figure comme ils l’ont fait après l’élection présidentielle. Ils nous emmerdent même encore avec Maastricht…
Doit-on encore, aller à contre courant ? Y a-t-il une majorité des travailleurs qui a envie de se servir du vote non pour dire non à Chirac, Seillière, Sarkozy, Hollande et autres guignols. Y a-t-il un risque de se couper d’eux en n’exprimant pas notre colère avec eux. Ne peut-on pas profiter des quelques fractions de seconde qu’on nous accorderait peut-être dans une campagne officielle pour dire ce qu’on pense ?
Ma réponse à ces questions est non.
Les arguments que je peux invoquer ont déjà pour la plupart été exprimés sur ce fil.
En particulier :
Il n’y aura pas de non de droite ou de gauche au décompte des votes. Il y aura les non xénophobes, lepenistes, villieristes, chevènementistes, fabiusiens, antiturcs… mélangés sans pouvoir faire aucun tri, sans même la possibilité d’une explication de vote autrement qu’avec une audience confidentielle, avec quelques non communistes et quelques non « de gauche » aux motivations floues ou erronées (défendre la République : foutaises, défendre les acquis sociaux : avec un bout de papier, c’est une plaisanterie !), enfin quelques non sincères, sans autre arrière pensée que d’embêter Chirac (mais, franchement, il s’en moque, il n’a jamais mis sa sinécure en jeu sur un référendum et il saura très bien gérer ce genre de situation).
Dire non à la constitution européenne, c’est implicitement dire oui à celle de la République (pas la Sociale, celle des versaillais qui règnent encore aujourd’hui sous divers déguisements UMP, PS ou autre suivant les périodes). C’est aussi, objectivement, dire qu’on doit continuer d’appliquer les traités de Maastricht, de Nice… C’est ce que les gauchistes et les souverainistes déguisés qui se disent de gôche ne comprennent pas.
J’ai bien envie d’ajouter d’autres arguments :
L’hostilité affichée par beaucoup envers LO à la suite de l’élection présidentielle de 2002 ou à la suite du référendum sur Maastricht est-elle profonde ?. Cette hostilité a-t-elle touché sérieusement la classe ouvrière ? A-t-elle eu une influence réelle et négative sur la notoriété des militants ou des sympathisants de LO sur le terrain de la lutte de classe ? Ma réponse est non. On n’a pas eu beaucoup d’occasions pour le vérifier, c’est vrai, mais suffisamment quand même. Même en 2002, même chez les instits et les profs qui avaient tous voté Chirac, ceux qui quelques mois avant écrivaient sur des panneaux syndicaux que « s’abstenir c’est voter Le Pen », avaient perdu toute cette hostilité et trouvaient tout naturel, en tout cas dans mon coin, que des militants de LO apparaissent comme des moteurs du mouvement ; certains commençaient même a exprimer plus ou moins clairement des regrets.
En 1981, j’ai voté Mitterrand au second tour, parce que LO appelait à le faire. C’est peut-être idiot car il avait déjà commis des horreurs et je le savais, mais quand j’ai compris l’ampleur de sa complicité avec les massacreurs du Rwanda, je me suis dit que j’avais eu tort en 1981, et je le maintiens. Vic (Pierre Bois) affirmait à la fin de sa vie qu’il n’avait pas voté Mitterrand en 1981, malgré la décision de son organisation. Pour moi, il avait raison.
Rien ne prouve, même si c’est peu probable, qu’une victoire du non au référendum, donc une victoire de Le Pen entre autres, ne favoriserait pas l’éventualité d’un repli protectioniste, nationaliste. Si les circonstances économiques faisaient que cela devienne une option intéressante pour le patronat français : si celui-ci n’arrivait plus à exporter suffisamment et se repliait sur le marché intérieur et sur la béquille des commandes (d’armement en particulier) de l’état, il ferait appel à des politiciens de l’actuel camp du non (pas Besancenot bien sûr) qui de plus auraient été crédibilisés par le suffrage dit universel. Et ce genre de repli peut mener au pire. Je n’ai pas envie, aussi peu que ce soit, d’en être le complice.