"L'origine de la famille"...

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 22 Sep 2004, 13:17

J'ouvre ce fil afin de solliciter des lumières sur l'histoire marxiste de la famille et de la parenté.
En effet, le travail d'Engels a été, semble-t-il, largement dépassé par les découvertes ultérieures sur le sujet. En particulier, tout le raisonnement sur la succession des formes de famille et de parenté, l'hypothèse d'interdits sexuels de plus en plus contraignants, l'existence d'un stade matriarcal, tout cela est aujourd'hui - et depuis un certain temps - contredit par tous les anthropologues.
Problème, bien peu d'entre eux se disent marxistes, et la plupart du temps, ils balancent par dessus-bord non seulement le schéma d'évolution de la parenté de Morgan et d'Engels, mais l'idée même qu'un tel schéma ait un sens.
Quant à l'apparition de l'oppression de la femme - qui ne se confond pas avec la mise en place de telle ou telle forme de parenté - elle est quasiment toujours présentée par les ethnologues comme un fait culturel, ne provenant pas de causes matérielles.
J'avoue être aujourd'hui perplexe face à ce problème ; car après tout on peut, me semble-t-il, admettre tout en restant marxiste qu'il n'existe pas un ordre nécessaire de succession pour les formes de parenté, contrairement à ce que pensait Engels.
Des forumeurs ont-ils des lectures à conseiller sur le sujet ? Ou une opinion ?
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Message par Jacquemart » 22 Sep 2004, 13:38

Certes. J'ai même lu à plusieurs reprises que si l'on connait des centaines de sociétés matrilinéaires et/ou matrilocales, on n'en connaît pas une seule qui soit matriarcale.
La domination, quand domination il y a, est toujours exercée par les hommes.
D'où ma question...
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Message par artza » 22 Sep 2004, 15:17

J'ai découvert et lu il ya bien longtemps un livre passionnant d'Evelyn Reed (féministe et trotskyste américaine -SWP-), "Féminisme et anthropologie" (titre original Woman's evolution) édité par Denoël-Gonthier. Elle y défend ardemment les thèses évolutionistes et l'existence antérieure du matriarcat, affirme le rôle déterminant des femmes dans l'humanisation de l'espèce et revient sur la question de l'interdit de l'inceste qui d'après elle visait à combattre le cannibalisme.
artza
 
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Message par Jacquemart » 23 Sep 2004, 09:24

J'ai tout de même eu l'impression que l'hypothèse du matriarcat était devenue aujourd'hui indéfendable. C'est en tout cas ce qu'écrivent tous les spécialistes, même ceux qui affichent des sympathies plus ou moins nettes avec le marxisme.
Quant à l'évolutionnisme, je crois qu'il faut distinguer au moins deux problèmes.
D'une part, la question de savoir si les rapports de parenté ont évolué avec les sociétés. Là-dessus, tout le monde est d'accord, bien que tout le monde ne donne pas une explication matérialiste de ces évolutions.
D'autre part, et c'était le sens de ma question de départ, savoir s'il y a un sens général à cette évolution : par exemple, peut-on dire que la filiation par les femmes a précédé historiquement, à de possibles exceptions près, la filiation par les hommes. Or là, par exemple, le schéma de Morgan et d'Engels a été largement contesté, et à ma connaissance, personne n'en a proposé d'autre.
Faute de chercher, ou parce qu'il n'y en a pas ? That is ze question...
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Message par interluttant » 03 Oct 2004, 20:43

Dans son premier message, Jacquemart a écrit : "Quant à l'apparition de l'oppression de la femme - qui ne se confond pas avec la mise en place de telle ou telle forme de parenté - elle est quasiment toujours présentée par les ethnologues comme un fait culturel, ne provenant pas de causes matérielles. ".
En matérialistes que nous sommes, ne peut-on pas dire que l'oppression de la femme découle du fait que dans l'espèce humaine, le mâle est plus costaud que la femelle ? De là il découlerait que l'espèce humaine, au fur et à mesure qu'elle sort de la babarie et que c'est son cerveau qui gouverne adopte un mode d'organisation sociale basé sur l'égalité entre les sexes. :huh:
Par ailleurs, le 23 septembre le même Jacquemart écrivait : "la question de savoir si les rapports de parenté ont évolué avec les sociétés. Là-dessus, tout le monde est d'accord, bien que tout le monde ne donne pas une explication matérialiste de ces évolutions."
Il me semble que dans "l'origine de la famille,...", Engels donne des faits matériels qui ont pu peser : le fait que la mère porte l'enfant, que la société ne peut être sûre que de la parenté de la mère (car dans toutes les sociétés, l'homme et la femme s'isolent pour remplir la première condition nécessaire à la parenté).
:mellow: Bon, tout ces raisonnements peuvent être jugés assez "bourrin", mais après tout, ce sont des raisonnements matérialistes, non ?
interluttant
 
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Message par Jacquemart » 03 Oct 2004, 21:30

a écrit :En matérialistes que nous sommes, ne peut-on pas dire que l'oppression de la femme découle du fait que dans l'espèce humaine, le mâle est plus costaud que la femelle ? De là il découlerait que l'espèce humaine, au fur et à mesure qu'elle sort de la babarie et que c'est son cerveau qui gouverne adopte un mode d'organisation sociale basé sur l'égalité entre les sexes.

Je ne suis pas certain que cette image d'un cerveau de plus en plus "civilisé" au cours des âges, prenant le pas sur "l'animalité" originelle, soit si matérialiste que cela. En tout cas, elle ne correspond pas du tout avec les faits : car ce qu'expliquent justement Bachofen, Morgan, Engels, et beaucoup d'autres, même si l'on exclut l'hypothèse du matriarcat au sens strict, c'est qu'après la révolution néolithique, la femme a été placée en position d'oprrimée. Or, tel n'était pas le cas auparavant, dans les bandes de chasseurs-cueilleurs.
L'humanité n'a donc pas évolué de l'oppresion "naturelle" des femmes vers leur émancipation progressive, mais, au moins à cette époque, dans le sens inverse.
Ce qui invalide totalement l'explication par les gros muscles et le petit cerveau...

a écrit :Engels donne des faits matériels qui ont pu peser : le fait que la mère porte l'enfant, que la société ne peut être sûre que de la parenté de la mère (car dans toutes les sociétés, l'homme et la femme s'isolent pour remplir la première condition nécessaire à la parenté).

Ces hypothèses d'Engels sont précisément les moins solides, du moins si elles sont livrées telles quelles. La mère porte l'enfant : et alors ? Ca a toujours été le cas, et pourtant les femmes n'ont pas été toujours opprimées. Quant à l'identification de la mère plutôt que celle du père, certains chercheurs rétorquent que ce n'est pas parce qu'on ne sait pas qui est le père qu'on emploie la filiation par la mère, mais que c'est au contraire parce que la filiation se fait par la mère qu'on ne se soucie pas de savoir qui est le père.
En tout cas, il est certain que la clé de l'évolution réside dans la situation matérielle réciproque des hommes et des femmes, en particulier dans l'importance économique de leurs activités respectives.
Mais une fois qu'on a dit cela, il reste :
1. A retracer correctement la séquence des événements (quels systèmes de parenté se sont succédé ? dans quel ordre ? dans quels types de société ? avec querls rapports précis entre les sexes ?)
2. A préciser la clé matérialiste de cette séquence...
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Message par quijote » 03 Oct 2004, 21:33

Je crois qu 'Engels émettait surtout des hypothèses . On peut penser que ... compte tenu de ce l'on a vu dans des sociétés " primitives " ( Indiennes et innuites )que le pouvoir de l 'homme en tant qu'homme par rapport à la femme est beaucoup moins fort et en tout cas nullement codifié juridiquement comme c 'est le cas dans les sociétés où la propriété s' est développée .
Chez les Grecs les Romains , par exemple

A noter que le même genre de rapport n 'existait pas chez pas chez les esclaves .

Ce que veut avant tout démontrer Engels est que la famille n 'est pas quelque chose de figé , d 'éternel créé par on ne sait quel dieu .

Personnellement je ne crois pas que le matriarcat ait existé en tant qu 'entité juridiquement codifié mais il me semble que la femme a davantage été respectée dans les sociétés primitives et il n 'est que de voir le nombre de déesses qui ont un rôle très grand dans bon nombre de sociétés : Inde , Egypte ancienne
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