Crise du logement pour les étudiants

Message par Barikad » 22 Sep 2004, 08:49

a écrit :Précarité
Etudiants, génération sans abri

Foyers de travailleurs ou centres d'hébergement d'urgence pour SDF reçoivent de plus en plus d'étudiants, touchés de plein fouet par la crise du logement.

Par Tonino SERAFINI
mercredi 22 septembre 2004 (Liberation - 06:00)



le phénomène est encore marginal. Mais il inquiète déjà les gestionnaires de centres d'hébergement d'urgence pour SDF : des étudiants sans logement viennent y demander une place pour la nuit. Autres organismes également sollicités : les foyers Sonacotra (1), les foyers de jeunes travailleurs, pas vraiment habitués jusqu'ici à traiter ce type de candidatures. Qui sont ces étudiants SDF ? «Il s'agit souvent d'étudiants étrangers», répond Xavier Vandromme, l'un des dirigeants d'Emmaüs. «Ils arrivent dans nos centres par le biais du 115, le numéro d'urgence du Samu social, ou le bouche à oreille. C'est après, lorsqu'ils demandent à rencontrer une assistante sociale, qu'on apprend qu'ils sont en fac.»

«Double défi». Des étudiants sans toit, on peut en trouver dans un foyer d'Emmaüs rue de l'Aude, dans le XIVe arrondissement, à Paris. Son directeur, Souleymane Ba, dit que sur une année il lui arrive de «recevoir une dizaine d'étudiants». Début septembre, trois figuraient parmi les 80 hébergés qui séjournaient dans son centre : un Sénégalais, un Algérien et un Mauritanien. «Il arrive que des assistantes sociales de l'université nous appellent pour nous demander de prolonger le séjour d'un étudiant pour éviter de compromettre ses études.» Dème, l'étudiant mauritanien, est en DEA de géographie à l'université Paris-VIII. Ses recherches portent sur «la dynamique spatiale entre éleveurs et agriculteurs dans les pays du Sahel». Il vient d'achever la rédaction de son mémoire et dit que c'est un «miracle» parce que depuis son arrivée en France il n'a fréquenté que des structures d'hébergement provisoires. «C'était un double défi. Il fallait d'abord survivre au jour le jour et poursuivre mes études comme si de rien n'était.» Au début, ses enseignants ignoraient tout de sa précarité. «A un moment donné, mon travail avait pris du retard. J'ai mis mon professeur au courant de ma situation. Non seulement il a compris, mais il a compati.»

Ces situations d'étudiants sans domicile fixe ne se rencontrent pas seulement à Paris et en région parisienne. A Lille, l'an dernier, on comptait environ 250 étudiants SDF. A Lyon, l'hiver, il arrive à l'Armée du Salut d'«accueillir des étudiants dans les préfabriqués mobilisés pour mettre à l'abri les SDF lors du déclenchement des plans grand froid», témoigne Philippe Niogret, directeur adjoint de l'association caritative. Et des étudiants se présentent régulièrement à la Cité de Lyon, le centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de l'Armée du Salut, avenue Thiers.

Dans le département du Rhône, le phénomène des étudiants en panne de logement commence à être remarqué par l'Observatoire de l'habitat transitoire (OHT). Cet organisme collecte des informations auprès des centres d'accueil d'urgence, des foyers Sonacotra, des foyers de jeunes travailleurs... Dans un rapport de mai 2004, il notait ainsi : «Au-delà des ménages en rupture de logement, un grand nombre de personnes présentent des difficultés particulières d'accès au logement (...). C'est le cas notamment de la population étudiante qui se retrouve paradoxalement dans une situation semblable à celle des publics précaires.» L'Observatoire relève que cette question «risque de prendre de l'importance» si les pouvoirs publics restent inertes. Le recours d'étudiants aux structures d'hébergement affiliées à l'OHT a plus que doublé en deux ans : de 3,5 % du nombre de demandeurs en 2001 à 7,5 % en 2003.

Vieille voiture. Dans le département de l'Essonne, en région parisienne, Elisabeth Crespy, directrice départementale de la Sonacotra, voit aussi affluer dans ses foyers des jeunes inscrits dans les diverses facs du secteur d'Evry : Institut national des télécoms, IUT, antenne du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). «Un jour, le service social d'une université nous a signalé le cas d'un étudiant qui dormait dans une vieille voiture.» Autres cas souvent rencontrés : des étudiants sans logement séjournent dans des «hôtels économiques» type Formule 1. Et finissent par craquer : c'est cher, ils ne peuvent pas y cuisiner, et ce n'est pas non plus optimal pour étudier.

Dans l'Essonne, la Sonacotra possède 20 foyers totalisant 4 600 places. Sur cet effectif, «350 à 400 résidents sont des étudiants. Pour moitié de nationalité étrangère et pour moitié français». Les étudiants étrangers ont souvent des ressources précaires : petites bourses, petits boulots, aides ponctuelles de parents, qui ne donnent quasiment aucune chance de se loger dans le parc privé. Les étudiants français sont issus de familles très modestes. «On est souvent sollicité par des parents catastrophés qui n'ont pas les moyens de suivre la hausse des loyers du privé», témoigne Elisabeth Crespy. Actuellement, une centaine de candidats sont inscrits sur les listes d'attente de la Sonacotra dans ce département.

Magistère. Faute de trouver une solution, des étudiants se retrouvent donc dans des centres d'hébergement pour SDF. C'est ce qui est arrivé à Rachid, 27 ans. Titulaire d'un magistère en chimie appliquée en Algérie, il a été chargé de TD pendant deux ans dans une université dans son pays. «Je suis venu en France pour chercher l'excellence.» L'an dernier, il a fait un DEA en électrochimie à Grenoble, ponctué par «un stage de huit mois avec mention très bien». Là-bas il avait une chambre en cité U. Venu à Paris pour une thèse, il n'est pas parvenu à décrocher de bourse. «L'an dernier, j'étais intégré à une équipe de recherche pendant mon stage. J'étais un scientifique. Maintenant je suis un SDF.» Pour vivre, Rachid fait des petits boulots. Le soir, il dort dans un foyer d'Emmaüs, dans le Xe arrondissement.

TONINO SERAFINI

(1) Créée en 1956 pour loger les travailleurs migrants, la Sonacotra a élargi progressivement ses missions aux personnes en situation précaire.




a écrit :Précarité
Une offre en peau de chagrin

Les cités universitaires sont saturées et le parc privé devient hors de prix.

Par Tonino SERAFINI
mercredi 22 septembre 2004 (Liberation - 06:00)



qu'est-ce qui accapare les étudiants à chaque rentrée universitaire ? Pas les formalités d'inscription en fac expédiées en quelques jours. Mais la recherche d'un logement adapté à un budget souvent modeste. Certains doivent sécher les premiers cours pour courir les agences immobilières, rechercher une colocation ou faire le siège du Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) dans l'espoir d'obtenir une chambre. Mais les Crous débordent : ils disposent de 158 000 logements pour les 500 000 étudiants qui font une demande d'admission. Les cités universitaires ­ qui pratiquent des loyers modérés de 130 euros la chambre à 300 euros mensuels pour un studio ­ sont devenues le dernier refuge pour les étudiants impécunieux. L'offre locative bon marché a en effet totalement disparu du parc privé : les logements loi 1948 (qui plafonnait sévèrement les loyers) disparaissent progressivement. Et les chambres de bonne, qui ont vu passer des centaines de milliers d'étudiants, n'existent quasiment plus : la hausse de l'immobilier dans les grandes villes incite propriétaires ou marchands de biens à les regrouper pour en faire des appartements.

Les logements disponibles sur le marché libre ont vu leur loyer flamber au cours des cinq dernières années. Toutes les grandes agglomérations sont touchées, notamment les villes universitaires (Paris, Toulouse, Lyon, Nantes, Lille, Montpellier...). Selon la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier), les loyers du secteur privé ont augmenté en moyenne de 8,8 % en 2002, de 5,6 % en 2003 et de 4,5 % au premier trimestre 2004. En ce sens, la crise du logement étudiant reflète celle du logement dans sa globalité. Les centres d'hébergement d'urgence pour SDF sont saturés et un million de ménages prioritaires attendent l'attribution d'une HLM. Le parc privé flambe faute d'un équilibre entre offre et demande locatives : on n'a pas assez construit en France au cours des vingt dernières années. Selon Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université de Nanterre, il manque 600 000 logements, tous secteurs confondus (privé, HLM...). Côté fac, la création de résidences universitaires par les Crous n'a pas du tout suivi l'évolution de la population étudiante. Les gouvernements successifs ont plutôt encouragé des particuliers à investir dans le logement étudiant à coups de carottes fiscales. Problème : dans ces résidences privées, les loyers sont de l'ordre de 400 à 500 euros par mois et donc hors de portée des étudiants modestes. Et ce, même s'ils bénéficient d'une allocation logement (ALS, 150 euros maximum par mois). Une mesure qui, au passage, a incité les propriétaires à augmenter d'autant leurs loyers.

Au printemps, suite à un rapport alarmant du député UMP Jean-Paul Anciaux (lire ci-dessous), Luc Ferry avait annoncé un plan pluriannuel de construction de 50 000 logements étudiants. Même si cette promesse est tenue, ce plan va s'étaler sur dix ans. On n'a pas fini de parler de la crise du logement étudiant.



a écrit :Précarité
Jean-Paul Anciaux, député UMP, auteur d'un rapport sur le logement étudiant :
«J'ai vu des choses détestables»

Par Marie-Joëlle GROS
mercredi 22 septembre 2004 (Liberation - 06:00)



non seulement le nombre de logements pour étudiants est très insuffisant, mais la moitié du parc est dans un état pitoyable. Luc Ferry avait dû l'admettre en commentant, en mars, le rapport de Jean-Paul Anciaux. Le député UMP y faisait des propositions saluées par l'ensemble des organisations étudiantes.

Où en sont le plan de réhabilitation de 70 000 chambres et la construction de 50 000 autres ?


Mes préconisations ­ 100 millions d'euros de subvention accordée chaque année à l'amélioration des résidences universitaires et 165 millions de prêts aidés sur dix ans ­ ont été confirmées par François Fillon. Des travaux ont commencé cet été. Certes, de manière contrastée selon les lieux. Quand j'ai commencé mon tour d'horizon, j'ai vu des choses détestables. Mais aussi des rénovations intelligentes. Des régions, comme l'Alsace, étaient déjà très impliquées. D'autres toujours à la traîne, comme à Montpellier.

La rénovation n'entraîne-t-elle pas une hausse des loyers ?


Transformer une chambre de 9 mètres carrés en y intégrant WC, douche et lavabo, c'est possible. Les associations étudiantes avaient demandé que le surcoût ne dépasse pas 23 euros pour les étudiants : j'ai vu des aménagements formidables qui n'ont entraîné que 11 euros de surcoût. Tout dépend des volontés locales et des portes auxquelles on frappe.

Et du côté de la construction ?


Pour les constructions nouvelles, l'obligation d'intégrer le logement étudiant dans le plan local d'habitat des communautés d'agglomération semble acceptée à peu près partout. En outre, la proposition d'offrir l'accès au Locapass (avance de dépôt de garanties, caution) dès l'attribution conditionnelle d'une bourse, et non plus seulement lors de l'attribution définitive, est désormais acquise.



a écrit :Précarité. A savoir

mercredi 22 septembre 2004 (Liberation - 06:00)


Des familles modestes


21,7 % des étudiants sont issus de familles qui disposent d'un revenu mensuel inférieur à 1 500 euros, insuffisant pour se porter garants d'un loyer dans le privé. C'est dans cette catégorie de revenus que l'on trouve le plus grand nombre d'étudiants (43,5 %) demandeurs d'une aide sociale exceptionnelle.

Un étudiant sur trois travaille


62,8 % des jeunes inscrits en fac n'ont pas d'emploi déclaré. L'autre tiers est en contact avec le monde du travail : 24,8 % exercent un job à titre occasionnel, 6,6 % sont à mi-temps et 5,8 % ont un emploi à temps plein. On trouve une proportion plus élevée d'étudiants exerçant un travail en région parisienne. Sans doute en raison du coût du logement qui vampirise une part importante de leur budget.

2,2 millions d'étudiants


Sur 2,2 millions d'étudiants, plus de la moitié (1,2 million environ) vit hors du domicile familial. L'offre de chambres ou de studios dans les résidences universitaires est limitée à 150 000 unités. Les résidences étudiantes privées offrent 93 000 places, les foyers 33 000 et les internats 21 000.
Barikad
 
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