par alex » 24 Sep 2004, 13:47
ROUGE
ÉLECTION AUX ÉTATS-UNIS
Nader résiste
Si Ralph Nader n’est pas exempt de tout reproche, il semble qu’il soit le seul candidat crédible d’opposition à la politique de George Bush.Lors de l’élection de 2000, alors que le gang Bush, minoritaire dans les urnes, organisait son putsch électoral et s’emparait du pouvoir, le Parti démocrate, par son inaction1, se faisait le complice institutionnel de ce hold-up et en rejetait la faute sur le candidat Nader. Celui-ci, avec ses quelque 2,7%, aurait « volé » les voix manquant à Gore pour l’emporter. Quel est le crime de cet avocat de renom, infatigable défenseur du droit des citoyens face aux multinationales ? Avoir mené une campagne de gauche centrée sur les exigences des mouvements sociaux et placée dans la perspective de la construction d’un tiers parti. Pire, il a décidé de remettre ça en 2004, contre vents et marées... Disons-le d’emblée : si cette campagne est salutaire et se doit d’être soutenue, Nader n’est pas exempt de tout reproche. En se présentant en indépendant plutôt qu’en candidat du parti vert, il a compliqué la tâche de ses partisans au sein de celui-ci. Surtout, en acceptant, dans certains États, le soutien du réactionnaire Reform Party2, il a certes augmenté ses capacités matérielles de mener campagne, mais il a brouillé son message.Arguments mensongersPourtant, ce n’est pas là ce que lui reprochent ses innombrables et féroces détracteurs, qui se recrutent avant tout chez les progressistes qui, comme les magazines « libéraux » The Nation ou Mother Jones, ont quitté le navire Nader pour se rallier au panache vert dollar du milliardaire Kerry. Ce que toutes ces belles âmes progressistes reprochent à Nader, c’est tout simplement de se présenter, et donc de gêner la campagne de Kerry. Ils ne discutent pas le contenu de la campagne de Nader (dont ils approuvent la teneur, contrairement à celle de Kerry), mais son existence même. Et ils le supplient de se retirer, à grands coups de pétitions et de manifestes abondamment relayés par une presse complaisante. Les médias pro-démocrates ont mené une campagne grossièrement manipulatrice pour expliquer que l’argent de Nader venait de « républicains ». L’argument, en plus d’être parfaitement mensonger, est particulièrement osé venant de la part de gens qui travaillent pour un parti essentiellement financé par les mêmes bailleurs de fonds capitalistes que le Parti républicain. Mais le plus odieux reste encore le barrage institutionnel mis en place par les « démocrates » qui, à la manière des « républicains » de Floride en 2000, utilisent toutes les ficelles plus ou moins légales, notamment dans les États qu’ils contrôlent, pour empêcher Nader de se présenter. La palme revient sans conteste aux « démocrates » de l’Illinois, qui ont réussi à invalider la candidature de Nader dans cet État, tout en votant dans la foulée une mesure d’exception pour permettre à un certain George W. Bush de se présenter bien qu’il n’ait pas respecté la procédure légale...Verts sans alternativeLa défection regrettable du parti vert s’explique par les maladresses de Nader, mais aussi par l’imprégnation du sentiment « Anybody But Bush » jusqu’en son sein. Par une courte majorité, les verts ont choisi de ne se présenter que dans les États « sûrs », et donc de s’effacer dans les États où le score s’annonce serré entre Bush et Kerry3. Autrement dit : ne surtout pas gêner les « démocrates ». Ce qui n’est pas le meilleur moyen de convaincre les électeurs de la nécessité d’une alternative... Ainsi, la campagne de Nader est bel et bien la seule campagne de gauche audible à une échelle de masse4, la seule à faire résolument entendre les thèmes centraux du moment : fin de l’occupation de l’Irak, soutien aux Palestiniens, abolition de la peine de mort, mariage homosexuel, taxation des capitaux, défense des immigrés, refus de l’OMC et de la marchandisation du monde, etc. C’est pour toutes ces raisons que des organisations étatsuniennes cousines de la LCR, comme Solidarity ou ISO, ont fait le choix de mettre leurs forces dans la balance pour construire le plus largement possible la campagne de Nader.De San Francisco, Luc Marchauciel1. Voir à ce sujet le début de Fahrenheit 9/11, de Michael Moore, lorsque les élus noirs n’obtiennent aucun soutien au Sénat pour faire annuler le scrutin frauduleux de Floride. Les démocrates ont alors entériné le viol des droits civiques de nombreux Noirs, ce qui est une sale habitude aux États-Unis. John Kerry était un de ces sénateurs, et Al Gore présidait la séance... 2. Une organisation d’extrême droite agonisante à laquelle il a ainsi redonné une raison d’être. 3. Le compte-rendu de la convention des Verts par Alain Lipietz publié dans Politis, cet été, est pour le moins partial : il oublie de préciser que les verts ont reproduit en leur sein les mêmes mécanismes antidémocratiques qu’ils critiquent au niveau fédéral (surreprésentation des États peu peuplés), et qu’à chaque fois qu’une réelle primaire avait été organisée dans les États où les Verts existent concrètement, l’option Nader l’avait largement emporté. 4. Certaines organisations d’extrême gauche ont fait le choix contestable de soutenir des candidatures certes intéressantes mais totalement marginales, comme celle du militant amérindien emprisonné Leonard Peltier. La campagne des Verts est elle aussi purement anecdotique : à San Francisco, le meeting de Nader a attiré 1 000 personnes, alors que celui du candidat officiel des Verts en a rassemblé 35...
Le 23/09/04