N'en jetez plus très cher(e)s camarades...Je vais veiller à diminuer ....
On essayera d'être raisonnable.
a écrit :Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, son idéologie
LE MONDE | 22.12.03 | 13h28
L'intellectuel est devenu en quelques mois, grâce à son débat avec le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, et sa participation au Forum social européen, la figure centrale de l'islam de France. Cette notoriété se nourrit de controverses et de zones d'ombre sur lesquelles "Le Monde" a enquêté.
Depuis quelques mois, Tariq Ramadan n'est plus seulement un prédicateur très populaire chez les musulmans français. Son dialogue en direct avec Nicolas Sarkozy, sa participation au Forum social européen l'ont imposé comme la personnalité médiatique centrale de l'islam de France, bien qu'il réside à Genève et n'ait pas la nationalité française. Cette accession à la notoriété s'est nourrie de controverses : Tariq Ramadan a été taxé d'antisémitisme après une tribune sur des intellectuels juifs, ses déclarations sur le statut des femmes ont choqué, notamment après sa formule en faveur d'un "moratoire"sur la lapidation. Sa célébrité a aussi prospéré sur les interrogations que suscite le personnage, sur les doutes à propos des non-dits de son discours officiel, sur les inconnues de son parcours personnel et intellectuel. Enquête sur ces versants moins visibles de Tariq Ramadan.
Ses liens avec les Frères musulmans
Né en 1962, l'intellectuel musulman est le dernier des six enfants (cinq garçons, une fille) de Wafa al-Banna, fille aînée de Hassan al-Banna, le fondateur du mouvement égyptien des Frères musulmans, formation islamiste qui cherchait à introduire l'islam sur la scène politique. Son père est Saïd Ramadan, considéré comme le disciple préféré du maître. Il fut exilé par Nasser en 1954 et s'est installé en Suisse. En 1961, il a créé le Centre islamique de Genève.
Tariq Ramadan affirme qu'il n'a jamais eu aucun lien avec les Frères. Il reconnaît que son père a été considéré, après son exil, comme le responsable des Frères musulmans à l'étranger. Cette fonction aurait cessé au début des années 1970. "Quand mon père meurt, en 1995, il est reconnu comme une autorité morale par les Frères, mais il n'est plus du tout dans la structure", avance-t-il.
Plusieurs sources égyptiennes, interrogées par Le Monde, démentent tout lien entre l'intellectuel suisse et les Frères. Abdelmonam Abou Al-Foutouh, membre du Haut Conseil de la guidance et successeur probable de l'actuel guide suprême, affirme : "Tariq Ramadan n'a pas de lien direct avec nous, même s'il existe une relation historique avec sa famille. Nous respectons son travail, mais il est dans une perspective qui n'est pas la nôtre." Issam Al-Aryan, autre responsable de l'organisation égyptienne, trouve que "Ramadan va trop vite et trop loin". Gamal Al-Banna, le petit-frère de Hassan Al-Banna, qui a toujours été éloigné des Frères musulmans et défend un islam ouvert, ne tarit pas d'éloge sur son petit-neveu : "Il défend des idées nouvelles sur l'islam, parce qu'il est jeune et que sa culture est européenne. Si les racines de sa pensée viennent des Frères, son interprétation est très différente."
Ses sources de financement
Richard Labévière rappelle, dans son livre Les Dollars de la terreur (Grasset), que Saïd Ramadan avait l'appui financier du roi Fayçal d'Arabie saoudite. Pour sa part, Tariq Ramadan affirme que son père est mort avec un demi-million de francs suisses de dettes et que le centre islamique a longtemps été hypothéqué. Il reconnaît cependant que Saïd Ramadan a été aidé financièrement, au début de son exil, par le roi Fayçal et par des Frères musulmans. Ce soutien aurait cessé à la fin des années 1960, quand les relations se sont normalisées entre l'Arabie saoudite et l'Egypte. L'intellectuel suisse explique qu'il est persona non grata en Arabie saoudite. Dans Etre musulman européen, il s'en prend violemment au royaume saoudien, "la trahison la plus manifeste et la plus odieuse des principes de l'islam".
Tariq Ramadan est professeur de philosophie au lycée de Saussure, à Genève, et professeur d'islamologie à l'université de Fribourg. Les éditions Tawhid de Lyon vendent "50 000 cassettes audio de Tariq Ramadan par an, tous titres confondus". Les revenus tirés des droits d'auteur sont versés à l'Association pour la promotion des auteurs musulmans (APAM). Celle-ci loue un bureau à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et rémunère une secrétaire à trois quarts de temps. Tous les déplacements du conférencier sont payés par les structures invitantes. Les interventions sont payantes, de 3 à 5 euros l'entrée.
Ses réseaux
Au début de sa prédication, Tariq Ramadan a beaucoup utilisé le réseau de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans. Il a prononcé ses premières conférences devant les auditoires des Etudiants musulmans de France (EMF) et des Jeunes Musulmans de France (JMF). C'est le début de l'ascension de M. Ramadan dans l'islam français. Pourtant, dès 1994, un fossé se creuse avec l'UOIF, qui regarde avec condescendance et défiance Présence musulmane, la structure qu'il crée pour organiser des cours en province. Aujourd'hui, cette instance est en sommeil. La structure la plus proche de Tariq Ramadan est le Collectif des musulmans de France, dont le noyau est l'Union des jeunes musulmans (UJM) de Lyon, qui gère les éditions Tawhid.
En 1995, Tariq Ramadan noue des contacts durables avec des membres de la Ligue de l'enseignement. Le responsable du service des relations avec l'islam de l'Eglise catholique, le Père Gilles Couvreur, lui présente Michel Morineau, alors responsable des questions de laïcité à la Ligue. Ce dernier met en place une commission islam et laïcité, qui tiendra ses travaux jusqu'en 2000 et constituera le relais le plus efficace de l'intellectuel suisse dans les milieux non musulmans français.
Ancien militant tiers-mondiste, M. Ramadan participe au Forum altermondialiste de Porto-Alegre dès 2001. En avril 2002, le collectif d'associations Divers-Cité, dont fait partie l'UJM, invite José Bové à donner une conférence à Lyon. Après ce premier contact, en juin 2002, M. Ramadan rencontre Bernard Cassen, d'Attac ; ils décident de travailler ensemble. En novembre 2003, l'intellectuel musulman participe au Forum social européen de Saint-Denis.
Son idéologie
On peut dire que Tariq Ramadan est un "intégraliste", au sens où il a une conception intégrale de la religion, qui concerne toute la vie du croyant et pas seulement la sphère privée. Pour lui, l'islam est un englobant : "L'islam, dans son essence, dépasse le domaine de définition du mot religion,écrit-il. L'islam investit le champ social et l'influence de façon conséquente." Le Père Christian Delorme, qui a longtemps travaillé avec les jeunes musulmans lyonnais, est très critique sur le conférencier : "Sous couvert de modernisme, son discours crée de la séparation dans la société française. Quand on dit que toutes les valeurs sont contenues dans l'islam, on nie qu'il y a d'autres valeurs qui précèdent l'islam dans la société française."
Un double discours ?
Khadija Mohsen-Finan, sociologue à l'Institut français des relations internationales, a mené une enquête approfondie sur le cas Ramadan pour le compte de l'Institut des hautes études sur la sécurité intérieure. Elle explique : "Je ne crois pas au double discours, au sens où on l'entend, c'est-à-dire que Ramadan irait dans les banlieues, dirait une chose, et autre chose ailleurs. Je crois, en revanche, qu'il s'est trop avancé sur la laïcité. Quand on lui demande d'être précis, il ne peut pas aller plus loin. Ce n'est pas du double discours, c'est qu'il est coincé. Aujourd'hui, on ne peut pas être séducteur à la fois dans le monde arabe, dans les banlieues et auprès des responsables politiques européens."Hakim El-Ghissassi, directeur du magazine musulman La Médina, fait une analyse du même ordre : "Son problème, c'est qu'il est tiraillé entre sa base et une volonté d'avancer dans sa réflexion. Comme il n'a pas de légitimité religieuse, il ne peut pas aller plus avant. Je considère Tariq Ramadan davantage comme un homme politique que comme un religieux."
Xavier Ternisien
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