Pour plaire au FMI, les promesses sociales sont oubliées. Les 20 milliards de réduction du budget sont faites sur le dos de la population pauvre (partie soulignée).
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Le Fonds monétaire international salue le redressement de l'économie brésilienne
LE MONDE | 08.09.04 | 14h09
Quatre semaines avant les élections municipales, le directeur général du FMI se félicite des réformes engagées par le gouvernement Lula et prévoit une croissance de 4,5 % en 2004.
Qu'il semble loin le temps où le Fonds monétaire international (FMI) multipliait les mises en garde contre l'arrivée de Luiz Inacio Lula da Silva au pouvoir à Brasilia ! Le chaos était, selon l'institution, aux portes du Brésil si l'ancien syndicaliste accédait à la présidence, les investisseurs menaçaient de quitter le pays, les marchés financiers spéculaient contre la monnaie, le real. Vingt mois plus tard, le ton a singulièrement changé.
Alors que la campagne pour les élections municipales - dont le premier tour a lieu le 3 octobre - bat son plein, le nouveau directeur général du FMI, Rodrigo Rato, qui effectuait sa première visite au Brésil début septembre, a délivré un satisfecit à Lula pour sa gestion économique. Depuis qu'elle a pris ses fonctions, en janvier 2003, l'administration du président Lula "a poursuivi une politique macro-économique cohérente et formulé un agenda ambitieux de réformes structurelles", a déclaré M. Rato. "Ces politiques portent leurs fruits", a-t-il ajouté, en se ralliant aux prévisions des économistes, qui ont réévalué, en fin de semaine, leurs perspectives de croissance de 0,5 % à 4,5 % pour 2004. Quelques jours auparavant, le gouvernement avait annoncé que la croissance s'était accélérée plus vite que prévu au deuxième trimestre, atteignant 5,7 % de plus qu'à la même période de 2003.
"Cette embellie est portée par la consommation, elle-même soutenue par la baisse du chômage", analyse Ana Paula Rocha, économiste d'ABN Amro à Sao Paulo. Après avoir connu la pire récession des dix dernières années (- 0,3 % en 2003), la croissance a redémarré depuis quatre trimestres consécutifs et le taux de chômage poursuit son déclin (11,7 % en juin).
RECORD À L'EXPORTATION
La production industrielle a également augmenté et chaque voyage de Lula à l'étranger se traduit presque automatiquement par un accroissement des exportations. En 2003, le Brésil a battu son record historique à l'exportation, avec 73 milliards de dollars (en hausse de 21 % par rapport à 2002).
Cette première visite du directeur général du FMI a permis de mettre un peu de liant dans les relations avec le Brésil. Avant l'été, une altercation assez sérieuse avait eu lieu entre la directrice adjointe du Fonds, Anne Krueger, et le secrétaire au Trésor, Joaquim Levy, lui-même un ancien du FMI. L'institution n'a aucun intérêt à voir le géant latino-américain connaître une nouvelle période d'instabilité. Depuis l'octroi, en 2002, d'un prêt de 30,4 milliards de dollars (rallongé de 6 milliards en 2003), le Brésil est devenu le premier débiteur du FMI et donc un risque financier non négligeable. Si l'on y ajoute l'Argentine, toujours en délicatesse avec Washington, c'est de la moitié des encours de l'institution qu'il s'agit.
Depuis son arrivée au Planalto, le président Lula envisage sa relation avec le FMI comme un "partenariat" et a entrepris de changer les règles du jeu. Les discussions portent notamment sur le calcul de l'excédent budgétaire. Exigé par le FMI en échange de son aide financière, l'excédent dit "primaire", c'est- à-dire hors paiements d'intérêts, sert à honorer le service de la dette. Le président brésilien a promis de dégager un surplus budgétaire de 4,25 % par an jusqu'en 2007. Mais ce carcan lui impose de réduire les dépenses fédérales de plus de 20 milliards cette année, au détriment des programmes de santé, d'éducation et d'investissement promis dans sa plate-forme électorale et particulièrement urgents pour le tiers de la population qui vit dans la pauvreté, tandis que la défaillance des infrastructures bride le développement du pays.
Lula, qui a obtenu le soutien d'autres pays d'Amérique latine ainsi que celui de la Banque interaméricaine de développement, bataille pour que le calcul du surplus budgétaire ne prenne pas en compte les dépenses d'investissement. Pour l'instant, il n'a pas eu gain de cause. M. Rato a bien admis que l'ajustement fiscal demandé aux pays avec lesquels il fait affaire "a pu contribuer à l'insuffisance des dépenses en infrastructures", et donc "à la croissance". Mais, s'il reconnaît que ces dépenses sont nécessaires, il estime que ce ne doit pas être au détriment du remboursement de la dette et que c'est au Brésil d'autofinancer ses investissements. S'il vote la confiance au président Lula, M. Rato n'est pas encore prêt à remettre en cause l'un des piliers de la doctrine du FMI. Il faudra attendre mars 2005 pour que le sujet soit examiné par les instances dirigeantes du FMI. D'ici là, le Brésil devra décider de poursuivre, ou non, sa route avec le FMI. L'accord qui le lie à l'institution expire en décembre.
Babette Stern
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.09.04