a écrit :L'Académie de médecine se prononce contre l'homéopathie
Martine Perez
[07 septembre 2004]
L'Académie de médecine réclame le déremboursement total des médicaments homéopathiques, dans un communiqué, écrit au vitriol et rendu public hier : «L'homéopathie est une méthode imaginée il y a deux siècles à partir d'a priori conceptuels dénués de fondement scientifique. Elle a vécu jusqu'à maintenant comme une doctrine à l'écart de tout progrès, complètement en dehors du remarquable mouvement scientifique qui a bouleversé la médecine depuis deux siècles.»
La polémique sur l'intérêt médical de l'homéopathie ne date pas d'hier. Malgré le mépris affiché de la Faculté pour cette médecine dite «douce», basée sur le dogme que des dilutions infinitésimales de substances actives auraient des effets thérapeutiques sans effet secondaire, celle-ci est encore actuellement remboursée par l'assurance-maladie à 35%. L'an dernier, un véritable tollé avait été déclenché par la décision de Jean-François Mattei, alors ministre de la Santé, de faire passer le taux de remboursement de ces «médicaments» de 65 à 35%.
«Il est compréhensible que la vente de ces préparations soit autorisée au moins dans la mesure où elles ne sont pas toxiques, poursuit le communiqué rédigé par Maurice Guéniot, au nom de la com mission II (thérapeutique, pharmacologie, toxicologie). Encore faut-il ajouter que celles-ci s'accompagnent souvent d'une publicité, ce qui est une dérogation à la situation habituelle dans le domaine de la santé.» Par ailleurs, les membres de l'Académie estiment que ces produits ne sont en rien des médicaments : pas l'once d'une seule molécule active mise en évidence à l'issue des dilutions, pas d'essais pharmacologiques ou cliniques dignes de ce nom ayant démontré une efficacité avec les préparations homéopathiques. «Dans ces conditions, le remboursement de ces produits par la Sécurité sociale apparaît aberrant dans une période où, pour des raisons économiques, on dérembourse de nombreux médicaments classiques pour insuffisance (plus ou moins démontrée) du service médical rendu», dénonce l'Académie. Le déremboursement des médicaments homéopathiques est déjà une réalité en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Finlande, en Suède, en Norvège et en Irlande, soulignent les académiciens.
Si les médecins «classiques» estiment que les préparations homéopathiques n'ont effectivement pas apporté la preuve de leur efficacité, s'ils considèrent qu'elles agiraient par le biais de l'effet dit placebo (le simple fait de prendre un produit présenté comme thérapeutique rassure le malade et l'incite à minimiser ses symptômes), ces produits dans tous les cas ne seraient prescrits que dans le cadre d'affections bénignes. «Il est faux de dire qu'il n'y a pas de recherche en homéopathie, s'insurge quant à lui Thierry Monfort, directeur général délégué des laboratoires Boiron, en réponse aux académiciens, qui rappelle que 20% des Français se soignent régulièrement avec des produits homéopathiques.
Christian Boiron, PDG du leader mondial de l'homéopathie, s'est élevé à plusieurs reprises contre les projets de déremboursement. «L'homéopathie, disait-il dans Le Figaro du 29 septembre 2003, est depuis toujours une source d'économie pour la Sécurité sociale. En effet, les médicaments homéopathiques sont bien moins chers que les classiques. Quant aux médecins homéopathes, ils génèrent un coût deux fois moins élevé que la moyenne des généralistes.» L'argument des laboratoires Boiron est que les 25 000 médecins prescripteurs occasionnels ou réguliers d'homéopathie risquent, en cas de déremboursement total, d'utiliser des traitements allopathiques mieux remboursés mais plus chers. Actuellement en France, 2% des ventes de médicaments concernent des produits homéopathiques (et 0,2% dans le monde).