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Les musulmans ouvrent une ligne SOS Filles voilées
Schiltigheim (Bas-Rhin) DE NOTRE CORRESPONDANT
SCHILTIGHEIM (BAS-RHIN) , HIER. « Nous conseillons en expliquant la loi, c'est tout. C'est aux jeunes, après, de prendre leurs responsabilités » , assure Nora, responsable de la plate-forme téléphonique. (LP/ LIONEL FEUERSTEIN .)
ALORS QUE LE MINISTRE de l'Education nationale reçoit, aujourd'hui, les recteurs pour leur recommander la fermeté dans l'application de la circulaire sur le voile, l'inquiétude commence à poindre dans la communauté musulmane d'Alsace. Avec la mise en application, en septembre, de la loi sur l'interdiction des signes religieux à l'école, de nombreuses jeunes filles voilées se demandent si elles seront encore acceptées en cours dans quelques jours. Pour répondre à ces questions, plusieurs associations musulmanes se sont regroupées au sein du comité 15 Mars et libertés (NDLR : date de la loi sur la laïcité) , avec, comme première mesure, l'installation d'une plate-forme téléphonique à Schiltigheim, à côté de Strasbourg, et d'une ligne entièrement dédiée au problème du voile.
« Ce sont surtout des coups de fil de collégiennes et lycéennes » « Ce matin encore, j'ai reçu un appel angoissé d'une adolescente de la région qui porte le voile, explique Nora, responsable de la plate-forme. Elle m'a expliqué qu'elle était partie chercher ses nouveaux livres dans son lycée. Là, elle a croisé son proviseur qui lui a dit : Si tu te présentes comme ça en septembre, on ne te laisse plus rentrer dans l'établissement. La gamine n'a rien répondu, elle est tout de suite repartie... » Depuis l'ouverture de la ligne ce lundi, les bénévoles de l'association ont reçu une quinzaine d'appels du même type. « Ce sont essentiellement des coups de fil de collégiennes et lycéennes, détaille Nora. Quand c'est les parents, je demande à parler directement à leurs filles. Au téléphone, la plupart me disent qu'elles ne souhaitent pas retirer leur voile. Elles veulent surtout connaître leur marge de manoeuvre. » Comme Nora, actuellement en troisième cycle de droit à l'université de Strasbourg, six étudiants se relaient autour des deux téléphones, de 10 heures à 19 heures, ou le samedi matin, pour aider et conseiller les jeunes musulmanes, mais pas seulement. « Le problème va se poser également pour les juifs ou les sikhs, puisque la circulaire prévoit d'interdire toutes les tenues qui conduisent à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse. » Mais les bénévoles se défendent de vouloir jouer les avocats : « On n'est pas là pour ça. Nous conseillons en expliquant la loi, c'est tout. C'est aux jeunes, après, de prendre leurs responsabilités. » En parallèle, le comité remarque que des jeunes musulmanes ont commencé à s'inscrire dans des établissements privés (« où elles ne sont pas toujours acceptées »), voire à s'enregistrer auprès du Cned pour obtenir des cours par correspondance. « Nous, ce qu'on craint, c'est que ces jeunes filles soient déscolarisées, regrette Nora. Le bandana, ce n'est pas non plus la solution. Cette loi ne résoudra finalement aucun problème, au contraire, elle va en créer. » Le comité a prévu de tirer un bilan dans un an. En attendant, avec ses correspondants dans les grandes villes, l'association s'attend à être extrêmement sollicitée dans les jours à venir. Si certains proviseurs en Alsace ont déjà prévu, au cas par cas, de tolérer des petits fichus et des bandanas, d'autres ne feront, en revanche, aucune concession. A Thann (Haut-Rhin), la petite Hilal, collégienne voilée de 12 ans, avait déjà été exclue de deux collèges avant l'application de la nouvelle loi. Les négociations entre les chefs d'établissements et les parents de ces élèves risquent de s'annoncer extrêmement délicates.
Le Parisien, du 26/08/04
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