Qu'est-ce que la dialectique?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par logan » 08 Août 2004, 11:02

Assez d'accord avec tes rectifications Caupo.

"Aller des faits vers l'action ", si on le prend au pied de la lettre c'est de l'empirisme et donc un principe anti-scientifique.
Par exemple Marx analyse une somme colossale de faits sociaux et économiques pour écrire le capital.
Mais le capital ne serait pas une oeuvre scientifique s'il n'y avait pas l'étape de la transposition des faits en concepts, c'ets à dire la conceptualisation idéelle de faits bruts.

Toute loi scientifique est en définitive une abstraction puisqu'elle tend à l'universel alors que chaque élément de la nature est unique.
Ainsi Marx expose le capital sous sa forme pure alors que le capital pur n'existe pas dans la réalité et n'existera jamais.
Néanmoins cette conceptualisation et l'exposition du capital pur permet de saisir la nature profonde du capital en le dépouillant de ses accessoires et donc en allant au delà de ses apparences.


Caupo écrit
a écrit :Le concept peut être bien plus juste que la réalité

Je crois que c'ets tout à fait vrai avec le capitalisme.
logan
 
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Message par logan » 13 Août 2004, 19:18

a écrit :Mais qu'est-ce donc que cette terrible négation de la négation qui gâche à ce point l'existence de M. Dühring et qui joue chez lui le même rôle du crime impardonnable que le péché contre le Saint-Esprit dans le christianisme ? - Une procédure très simple, qui s'accomplit en tous lieux et tous les jours, que tout enfant peut comprendre, dès qu'on élimine le fatras mystérieux sous lequel la vieille philosophie idéaliste la dissimulait et sous lequel des métaphysiciens incurables de la trempe de M. Dühring continuent à avoir intérêt à la cacher. Prenons un grain d'orge. Des milliards de grains d'orge semblables sont moulus, cuits et brassés, puis consommés. Mais si un grain d'orge de ce genre trouve les conditions qui lui sont normales, s'il tombe sur un terrain favorable, une transformation spécifique s'opère en lui sous l'influence de la chaleur et de l'humidité, il germe : le grain disparaît en tant que tel, il est nié, remplacé par la plante née de lui, négation du grain.
Mais quelle est la carrière normale de cette plante ? Elle croît, fleurit, se féconde et produit en fin de compte de nouveaux grains d'orge, et aussitôt que ceux-ci sont mûrs, la tige dépérit, elle est niée pour sa part. Comme résultat de cette négation de la négation, nous avons derechef le grain d'orge du début, non pas simple, mais en nombre dix, vingt, trente fois plus grand. Les espèces de céréales changent avec une extrême lenteur et ainsi l'orge d'aujourd'hui reste sensiblement semblable à celle d'il y a cent ans.

Mais prenons une plante d'ornement plastique, par exemple un dahlia ou une orchidée; traitons la semence et la plante qui en naît avec l'art de l'horticulteur : nous obtiendrons comme résultat de cette négation de la négation non seulement davantage de semence, mais aussi une semence qualitativement meilleure, qui donne de plus belles fleurs, et toute répétition de ce processus, toute nouvelle négation de la négation renforce ce perfectionnement. - Ce processus s'accomplit, de même que pour les grains d'orge, pour la plupart des insectes, par exemple les papillons
[...]
On peut aussi faire cette objection : la négation ici accomplie n'est pas une vraie négation : je nie aussi un grain d'orge en le moulant, un insecte en marchant dessus, la grandeur positive a en la biffant, etc. Ou bien je nie la proposition : la rose est une rose, en disant : la rose n'est pas une rose; et qu'en résulte-t-il si je nie à nouveau cette négation et dis : la rose est pourtant une rose ? - Ces objections sont en fait les principaux arguments des métaphysiciens contre la dialectique, et tout à fait dignes de cette façon bornée de penser. Nier, en dialectique, ne signifie pas simplement dire non, ou déclarer qu'une chose n'existe pas, ou la détruire d'une manière quelconque.
Spinoza dit déjà : Omnis determinatio est negatio, toute limitation ou détermination est en même temps une négation  [11]. Et en outre, le genre de la négation est ici déterminé d'abord par la nature générale, deuxièmement par la nature particulière du processus. Je dois non seulement nier, mais aussi lever de nouveau la négation. Il faut donc instituer la première négation de telle sorte que la deuxième reste ou devienne possible. Et comment cela ?
Selon la nature spécifique de chaque cas pris à part. Si je mouds un grain d'orge, si j'écrase un insecte, j'ai bien accompli le premier acte, mais j'ai rendu le second impossible. Chaque genre de choses a donc son genre original de négation de façon qu'il en sorte un développement, et de même chaque genre d'idées et de concepts
(Engels Anti-Duhring, 1884)
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Message par youri » 13 Août 2004, 21:29

Je viens de lire une très bonne analyse de Socialisme par En Bas sur la dialectique ....
youri
 
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Message par logan » 13 Août 2004, 21:57

Bé met le lien ca m'intéresse!
logan
 
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Message par youri » 14 Août 2004, 12:12

http://www.socialismeparenbas.org

C'est dans un topo sur les Journées Marxistes , en juin 2003 , l'article est de Nick Barrett

Chai pas si ça marche vu que SPEB n'existe plus ... Vas voir
youri
 
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Message par Proudhon » 15 Août 2004, 20:57

* Déplacer la dialectique hégélienne : Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) :

+ De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise (1858; réédition , « Corpus des œuvres de philosophie en langue française », 1988, 4 tomes) : « La formule hégélienne n’est une triade que par le bon plaisir ou l’erreur du maître, qui compte trois termes là où il n’en existe véritablement que deux, et qui n’a pas vu que l’antinomie ne se résout point, mais qu’elle indique une oscillation ou antagonisme susceptible seulement d’équilibre. » (à propos de la triade thèse-antithèse-synthèse, tome 1, p.35)

+ Théorie de la propriété (1865; réédition L’Harmattan, collection « Les introuvables », 1997) : « J'ai reconnu alors que si l’antinomie est une loi de la nature et de l’intelligence, un phénomène de l’entendement, comme toutes les notions qu’elle affecte, elle ne se résout pas ; elle reste éternellement ce qu’elle est, cause première de tout mouvement, principe de toute vie et évolution, par la contradiction de ses termes ; seulement elle peut être balancée, soit par l’équilibration des contraires, soit par son opposition à d’autres antinomies. » (p.206)

* Déplacer la dialectique hégélienne et marxiste : Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) :

+ Les aventures de la dialectique (1955; réédition Gallimard, collection "Folio", 2000) :

. "Mais qu'est-ce que cette fin de l'histoire dont quelques-uns font tout dépendre? On suppose une certaine frontière après quoi l'humanité cesse d'être enfin d'être un tumulte insensé et revient à l'immobilité de la nature. Cette idée d'une purification absolue de l'histoire, d'un régime sans inertie, sans hasard et sans risques, est le reflet inversé de notre angoisse et de notre solitude. Il y a un esprit 'révolutionnaire' qui n'est qu'une manière de déguiser des états d'âme. (...) Les grands révolutionnaires, et d'abord Marx, ne le sont pas en ce sens-là. Ils vivent l'époque au lieu d'y chercher, comme les petits, l'oubli de hantises très personnelles. Ils savent que l'histoire universelle n'est pas à contempler mais à faire, et ce qu'ils mettent d'eux-mêmes dans la révolution, ce n'est pas un vague fond de millénarisme, c'est une intelligence aigue des événements. Marx ne parlait pas d'une fin de l'histoire, mais d'une fin de la préhistoire. Ceci veut dire que, après comme avant la révolution, le vrai révolutionnaire, chaque jour, devant chaque problème, redécouvre ce qui est à faire, qu'il navigue sans carte et à vue de présent. La connaissance des secrets de l'histoire ne donne pas celle de ses voies." (p.12)

. "Ce qui donc est caduc, ce n'est pas la dilactique, c'est la prétention de la terminer dans une fin de l'histoire ou dans une révolution permanente, dans un régime qui, étant la contestation de lui-même, n'ait plus besoin d'être contesté du dehors, et en somme n'ait plus de dehors. Nous avons déjà dit un mot du concept de fin de l'histoire, qui n'est pas tant marxiste que hégélien (...)." (p.285)
Proudhon
 
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Message par zarta » 18 Août 2004, 12:49

voici ce que dit de la dialectique Milocz Czeslaw, dans La pensée captive (édition Gallimard, 1953, pp.82-83)
"Est-ce qu'elle [la méthode dialectique] ne consisterait pas, par hasard, à lire dans la nature et dans l'histoire les signes qui y ont été placés par l'observateur lui-même ? La dialectique, ceest la "logique des contradictions" appliquée, comme disent les sages, là où la logique formelle ne suffit pas, c'est-à-dire aux phénomènes en mouvement. Parce que les concepts humains, aussi bien que les héonomènes observés, sont en mouvement, on déclare que "les contradictions impliquées dans ces concepts sont seulement le reflet ou la traduction, dans le langage de la pensée, des contradictions inhérentes aux phénomènes". Très bien. Que dire pourtant de l'exemple cité par Plékhanov pour prouver l'insuffisance de la logique formelle ? Quelqu'un montre un jeune garçon dont la barbe commence à peine à pousser, et exige une réponse à cette question : "est-il, ou non, barbu?". On ne peut pas lui répondre non, car il y a un début de barbe. On ne peut pas lui dire oui, car ce n'est pas encore une barbe. En un mot, la barbe est en train de devenir, elle est en mouvement, ce n'est encore qu'une certaine quantité de poils épars qui, un beau jour, acquerront une qualité nouvelle, celle de barbe. "Au diable!" murmure notre intellectuel, "ce sont là des exercices dignes des rabbins du XVIIe siècle ! Les poils qui poussent sur le menton du jeune homme ne se soucient nullement du nom dont ils sont affublés. Il n'y a aucun "changement de quantité en qualité", malgréce que répètent avec enthousiasme les partisans de la Méthode [la dialectique]. Le problème "barbe ou pas barbe" provient de l'emploi de notre langage et de notre classification. Quel orgueil sans limite d'attribuer au phénomène les contradictions auxquels nous acculent nos concepts maladroits. (...). Si toute l'analyse de l'histoire, faite selon la Méthode, s'opère à l'aide de tels trucs, c'est-à-dire en introduisant d'abord des concepts, puis en prenant leurs contradictions our les contradictions du métériel observé, que deviendra un Empire [l'URSS, dans le cas du bouquin de l'auteur] qui repose sur de telles fondations ? "

bref, la limite de la dialectique serait la limite de notre vocabulaire ... !
zarta
 
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Message par logan » 18 Août 2004, 13:15

Là encore on a un bon exemple d'incompréhension de la dialectique.

a écrit :Le problème "barbe ou pas barbe" provient de l'emploi de notre langage et de notre classification.

La barbe est un exemple pour montrer le passage de la quantité à la qualité. Il est assez mal choisit puisque dire qu'une barbe en est une ou pas est un critère éminement subjectif.

Par contre des modifications objectives existent dans la nature : l'eau devient solide en dessous de 0° et se transforme en gaz à 100°
Si on ajoute 99° à une eau faisant 0,1° on ne change pas sa qualité. Cet enorme apport quantitatif ne modifit pas qualitativement l'eau.

Par contre si on ajoute 1° à une eau qui en fait 99, le très petit apport quantitatif thermique se traduit par la transformation de l'eau en gaz, c'est à dire un changement qualitatif radical.


Alors Qu'est ce que cela apporte en politique? Est-ce que ce sont des jeux de l'esprit?

Lors des journées de juillet 1917 des centaines de milliers de paysans et d'ouvriers descendaient dans les rues de Pétrograd. Les ouvriers et paysans poussent de partout pour renverser le gouvernement.
Que fait le parti bolchevik et Lénine en particulier? Ils disent d'attendre. :blink: Ils font tout pour freiner les insurrections.

Pourquoi?
Les bolcheviks n'avaient pas la majorité dans les soviets des 2 capitales (Moscou et Petrograd) , ce qui montrait que la classe ouvrière et paysanne dans son ensemble n'était pas encore mure pour la révolution. Malgré les grandes agitations et les centaines de milliers d'insurrectionnels, malgré l'enorme apport quantitatif du sentiment révolutionnaire dans le peuple, qualitativement la situation n'ets pas mure pour une révolution victorieuse.

Les benêts raisonnant en métaphysicien, en grandes catégories figées, disent : "Trahison!! Il y a une volonté d'insurrection et vous ne la saisissez pas. Vous êtres passé du camp des révolutionnaires à celui des réactionnaires."

En octobre les bolcheviks obtiennent la majorité dans les soviets sur la base de leur programme révolutionnaire. Le putch de kornilov est éventé et rallie l'ensemble de la population aux bolcheviks. Ce petit apport quantitatif est immédiatement interprété comme un changement qualitatif de la situation par Lénine.
Lénine ecrit alors : la crise est mûre, les bolcheviks doivent prendre le pouvoir.
La révolution éclate et ne fait quasiment aucune victime, le gouvernement Kerenski est dissout, la révolution triomphe sous les soviets emmenés par les bolcheviks.


Voilà à quoi sert concrètement la dialectique. Elle permet de mesurer le moment ou l'eau du mécontentement se transforme en vapeur révolutionnaire.
logan
 
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Message par logan » 18 Août 2004, 13:34

a écrit :Si toute l'analyse de l'histoire, faite selon la Méthode, s'opère à l'aide de tels trucs, c'est-à-dire en introduisant d'abord des concepts, puis en prenant leurs contradictions our les contradictions du métériel observé, que deviendra un Empire [l'URSS, dans le cas du bouquin de l'auteur] qui repose sur de telles fondations ? "


Je suppose qu'il fait ici la critique d'un livre stalinien.
Le problème de la dialectique employée par les staliniens n'est pas dans le vocabulaire.
La dialectique utilisée par les théoriciens russe est limitée par l'idéologie stalinienne, qui est le reflet de la domination bureaucratique de la société.

Les staliniens ont fait du communisme une caricature. Faut il l'abandonner pour autant?
Ils ont fait de la dialectique un outil justifiant l'organisation sociale à laquelle ils appartenaient. Faut il l'abandonner pour autant?

Non
Il faut juste débarrasser le communisme et la dialectique de leurs travestissements staliniens.
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Message par zarta » 18 Août 2004, 15:34

(logan @ mercredi 18 août 2004 à 14:15 a écrit :

Par contre si on ajoute 1° à une eau qui en fait 99, le très petit apport quantitatif thermique se traduit par la transformation de l'eau en gaz, c'est à dire un changement qualitatif radical.



oui, mais la molécule reste H2O donc toujours pareil (pas de changement de l'eau en soi, si ce n'est sa température)...donc n'est pas ce que nous en voyons de l'extérieur qui change (gaz ou liquide) ?
bref, la dialectique trouverait ses limites dans des phénomènes des sciences qu'on appelle exactes, tandis qu'elle serait une base d'analyse tout à fait solide pour les sciences humaines : histoire, politique, etc. ?

ps : Milozc Czeslaw ne fait pas l'analyse d'un livre stalinien mais de toute la société stalinienne, et en particulier du rôle auquel sont acculés les intellos, même coco, qui se voient dans un genre d'impasse intellectuelle, limités par la propagande et la ligne du Parti à respecter dans tous les domaines et sans plus aucun esprit critique qui puisse sortir la société de ses travers.
zarta
 
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