La NEP, une erreur ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Barikad » 09 Août 2004, 18:55

(Nestor Cerpa @ lundi 9 août 2004 à 19:29 a écrit : "La N.E.P. met fin à la politique des réquisitions. Elle autorise la reconstitution d'un secteur privé dans l'industrie et le commerce. Elle envisage la création de sociétés d'économie mixte associant des capitaux privés étrangers aux capitaux d'Etat."

Vous êtes pour?
La question ne peut se poser ainsi. Est ce que c'etait adapté à la situation ? Je n'en sais rien, je sais juste que ca n'as pas suffit !
Mais, c'est comme la question de Brest Litovsk, Kronstadt, .... La seule chose dont je suis sure, c'est que les bolschevick avaient face à eux des taches essentielles, des choix difficiles, et comme seul mode d'emploi, la theorie marxiste (vous savez, ce truc viellot que certains sur le forum considèrent comme une viellerie)
Et bien, les débats furent rudes à chaque fois, maios il me semble qu'en definitive, ils ont su s'adapter avec anormement de souplesse (encore une fois, le contraire du "dogmatisme" que les meme leurs pretent) à une situation fort difficile. J'aimerai avoir le millieme de leur clairvoyance.
Barikad
 
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Message par Nestor Cerpa » 09 Août 2004, 19:12

Mais on appel ça comment:
"La N.E.P. met fin à la politique des réquisitions. Elle autorise la reconstitution d'un secteur privé dans l'industrie et le commerce. Elle envisage la création de sociétés d'économie mixte associant des capitaux privés étrangers aux capitaux d'Etat.""

Je pose la questionparceque ça c'est pas du capitalisme et c'est pas du communisme c'est quoi?
Nestor Cerpa
 
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Message par Barikad » 09 Août 2004, 19:29

(Nestor Cerpa @ lundi 9 août 2004 à 20:12 a écrit : Mais on appel ça comment:
"La N.E.P. met fin à la politique des réquisitions. Elle autorise la reconstitution d'un secteur privé dans l'industrie et le commerce. Elle envisage la création de sociétés d'économie mixte associant des capitaux privés étrangers aux capitaux d'Etat.""

Je pose la questionparceque ça c'est pas du capitalisme et c'est pas du communisme c'est quoi?
La question est compliqué. Car, la revolution n'abolit pas du jour au lendemain les rapport de production capitaliste. Comme l'a rappelé LOgan, c'est des circonstance particuliere (la guerre civile et le sabotage economique de la bourgeoisie) qui ont poussé les communiste à socialiser à tous va. Mais une fois la victoire militaire acquise, en attente de la victoire de larevolution européenne (qui ne viendra pas), et avec une economie devastée, une partie de l'economie est rendue au capital. La formule de Logan me convient, en quelque sorte c'est du capitalisme sous controle ouvrier. Alors bien sur, cela a eu des aspect nefaste, comment pourrait il en etre autrement avec le capital ? Mais la perspective, c'etait tenir, tenir, tenir... jusqu'a ce que le proletariat allemand prenne le relais.
Parcequ'en derniere analyse, la russie n'avait qu'un interet politique pour la revolution: montrer que les travailleurs pouvait abattre l'etat, mais d'un point de vue des forces productive, c'etait pipi de chat, si je puis me permettre l'expression.
Barikad
 
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Message par Nestor Cerpa » 09 Août 2004, 19:35

"capitalisme sous controle ouvrier"
C'est quoi la différence avec le capitalisme d'état?
Nestor Cerpa
 
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Message par logan » 09 Août 2004, 20:13

Par exemple sous la NEP la taille des entreprises est strictement réglementées et controlée.

Dans le secteur agricole un exploitant a l'interdiction absolue d'employer (donc d'exploiter :hinhin: ) plus de 5 travailleurs.

Ce genre de restriction est inimaginable pour un capitalisme, y compris pour un capitalisme d'état .

Le capital accepte si peu les limitations qu'on verra durant la Nep de nombreux moyens de contourner les lois, à commencer par les prete nom : Un capitaliste agricole emploie officiellement 5 employés, mais en emploie en fait plusieurs dizaines par le biais d'entreprise appartenant officiellement à sa femme, son cousin, son entourage ou même des gens rémunérés pour cela.

D'ailleurs les nouveaux riches petits capitalistes industriels (nepmen) ou les nouveaux propriétaires fonciers "riches " (koulak) se dresseront contre le pouvoir soviétique à la fin des années 20.

Trotsky avait prévu dès 1923 ce danger et préconisé un fin en douceur de la Nep par le biais d'impots.
La direction stalinienne nie l'existence même de koulaks et de tout danger avant d'etre prise à la gorge : trop défavorisés par les conditions de l'échange avec l'état soviétique les paysans refusent de vendre leurs productions !
Staline decrete l'extermination du koulak en tant que classe, l'état réquisitionne à nouveau les entreprises et les terres. Les paysans préfèrent abattre leurs betes et détruire leurs produits plutot que de les donner.

C'est la famine
Et c'est la fin de la nep
logan
 
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Message par mael.monnier » 09 Août 2004, 21:02

(Léon Trotsky % Les questions du mode de vie @ 1923 a écrit :

QUESTION N° 3

    * Comment les ouvriers réagissent-ils aux phénomènes de la NEP ?
    * Parle-t-on beaucoup de la nouvelle bourgeoisie ?
    * Exprime-t-on des craintes sur un possible rétablissement de la domination bourgeoise ?

RÉPONSES

MARININE. – Les ouvriers ont une attitude extrêmement critique vis-à-vis des nepmen et des phénomènes de la NEP.
Les vieux (de cinquante à soixante-dix ans), généralement plus conservateurs, y sont beaucoup plus indifférents, mais tous ne le sont pas.

KAZAKOV. – On parle de la nouvelle bourgeoisie uniquement lorsque l'ouvrier voit qu'on lui usurpe ses droits, c'est-à-dire les jours fériés lorsque les villégiatures sont assaillies de voitures remplies de dames bien vêtues.

KOLTSOV. – Les bamboches des administrateurs, des directeurs, des spécialistes d'entreprise sont une des causes de mécontentement, et quelquefois d'irritation envers les cellules du parti communiste; c'est ce qui explique les difficultés de notre agitation sur les lieux de production, dans les masses.

ZAKHAPOV. – Les ouvriers semblent instinctivement attachés aux coopératives, et ils demandent instamment que soit amélioré ce type d'organisation. Si les coopératives déçoivent les espoirs des ouvriers et ne sont pas solidement – organisées, on verra les ouvriers acheter aux nepmen et se satisfaire de leur marché. Il y a donc un danger de voir les ouvriers accepter la NEP.

KOULKOV. – Le danger d'un retour de la bourgeoisie apparaît surtout lorsque l'ouvrier entend les anciens et les nouveaux bourgeois rire des conditions difficiles de la vie ouvrière. L'ouvrier s'intéresse beaucoup au système des coopératives ainsi qu'à leur organisation. Il ne serait pas inutile de faire attention à ce problème. Les ouvriers détestent les nepmen qui vendent au marché et sur les bazars, mais que faire s'ils ne trouvent pas de produits d'aussi bonne qualité à la coopérative et s'ils y sont moins bien accueillis. On les reçoit comme des détenus qui viennent chercher leur ration.

LAGOUTINE et KAZANSKI. – La haine et l'irritation envers la nouvelle bourgeoisie sont extrêmement fortes.
L'ouvrier dit: c'est moi le maître. Lorsque je marche dans la rue, que je prends le tramway, je sens que je suis le maître. Lorsque je contemple la marée des banderoles lors d'une manifestation, je pense : je suis une force, je suis le maître. Il suffit que je le veuille, et les nepmen ne seront plus que poussière.
Quand il faudra le faire, nous arracherons cette mauvaise herbe (les nouveaux bourgeois) de notre potager.

FINOVSKI. – Il me semble que le problème de la NEP tel que l'envisagent les ouvriers présente deux aspects : un aspect purement politique, et un aspect quotidien. C'est ainsi que moi-même je le comprends. Du point de vue politique, à ce qu'il me semble, et vu l'agitation que nous avons menée dans les usines, les ouvriers sont plus ou moins indifférents envers la NEP. Ils savent que les nepmen ne pourrons pas les étouffer. Mais en ce qui concerne l'aspect quotidien du problème, il est tout à fait juste que les ouvriers s'en inquiètent, et que cela inquiète aussi le parti. Les ouvriers ont clairement conscience que des habitudes propres aux nepmen sont apparues au sein du parti.

ZAKHAROV. – Le développement de la NEP a poussé les ouvriers à porter une attention plus grande aux coopératives. On dirait qu'ils s'y raccrochent, qu'ils cherchent là un moyen de réagir contre la NEP et qu'ils y mettent leurs espoirs. Si nous laissons échapper cette occasion et si nous n'arrivons pas à bien organiser les coopératives, il est possible que l'attitude des ouvriers envers les nepmen soit moins hostile, car ce sont eux qui approvisionnent le marché. Il faut absolument que nous nous intéressions aux coopératives.

OSNAS. – Le respect de la richesse en tant que force tel qu'il existait avant la révolution a aujourd'hui disparu. On trouve plutôt une attitude un peu ironique. Les ouvriers ignorent ce qu'est un nepmen important, et le nepmen moyen suscite la réaction suivante : il a volé à droite et à gauche et le voilà riche. Je considère qu'il faut que nous éditions une chronique judiciaire écrite en gros caractères.

BORISSOV. – Les "délices" de la NEP, le luxe, etc., suscitent et renforcent chez certains ouvriers leur haine des "nouveaux bourgeois"; par ailleurs ce sentiment se double de la conscience que cette "saleté" éclatera comme une bulle de savon lorsque la classe ouvrière le désirera. L'ouvrier a conscience qu'il a donné la "liberté" aux nepmen et que, lorsque les circonstances le permettront, il transformera cette liberté en servitude. Bien des ouvriers, devant les délices des magasins et des marchés, se disent : "ça me ferait mal d'y toucher", mais après réflexion, ils décident : "profitons pour l'instant des nepmen". Il faut noter que l'ouvrier se sent parfois offensé car c'est lui, qui a pris le pouvoir, qui ne mange pas à sa faim, alors que celui à qui il a pris le pouvoir vit à satiété. Par conséquent, ce type d'ouvrier nourrit les sentiments suivants :
1. haine envers les. exploiteurs et les parasites (ce sentiment est le garant de l'activité prolétarienne);
2. conscience de sa force;
3. conscience de la nécessité de la NEP et de son caractère passager;
4. conscience de sa dignité d'homme et de citoyen libre.
Un autre type d'ouvrier craint que la vague de la NEP ne submerge l'Union Soviétique et que l' "on ait chassé une bourgeoisie pour en créer une autre".
(Source : http://www.marxists.org/francais/trotsky/l...qmv/qmvqr3.html)

ça veut dire quoi cela aussi ? C'est la bureaucratie du parti qui décide à la place des ouvriers, qui eux n'ont pas leur mot à dire... Et au nom de qui peuvent-ils affirmer que les ouvriers sont d'accords pour dire que la NEP est nécessaire ? Lorsque l'on sait en outre que les grèves ouvrières ont été réprimées par l'Etat bolchevik, n'est-ce pas une preuve que ce n'était pas les masses ouvrières et paysannes qui commandaient mais qui étaient commandées ?

(Manifeste du Groupe Ouvrier @ février 1923 a écrit :
[...]

Quand le travailleur russe tourne ses regards vers son propre pays, il voit la classe ouvrière qui a accompli la révolution socialiste, assumé les plus dures épreuves de la N.E.P. (Nouvelle Économie Politique) et, face à elle, les héros de la N.E.P., toujours plus gras. Comparant leur situation à la sienne, il se demande avec inquiétude : où allons-nous exactement?

Il lui vient alors les pensées les plus amères. Il a supporté, lui, le travailleur, la totalité du poids de la guerre impérialiste et de la guerre civile; il est fêté, dans les journaux russes, comme le héros qui a versé son sang dans cette lutte. Mais il mène une vie misérable, au pain et à l'eau. Au contraire ceux qui se rassasient du tourment et de la misère des autres, de ces travailleurs qui ont déposé leurs armes, ceux-là vivent dans le luxe et la magnificence. Où allons-nous donc ? Qu'adviendra-t-il après? Est-il vraiment possible que la N.E.P. de "Nouvelle économie politique" se transforme en Nouvelle Exploitation du Prolétariat? Que faut-il faire pour détourner de nous ce péril?

[...]

La N.E.P. (Nouvelle politique économique)

La N.E.P. est le résultat direct de la situation des forces productives dans notre pays. Elle devait être utilisée pour la consolidation des positions que le prolétariat conquit en Octobre. Si la révolution avait éclaté dans un des pays à capitalisme avancé cela aurait eu une influence sur la durée et sur le rapide développement de la N.E.P. Le triomphe de la N.E.P. en Russie est lié à la rapide mécanisation du pays, à la victoire des tracteurs sur les charrues en bois. Sur ces bases de développement des forces productives s'institue un nouveau rapport réciproque entre les villes et les campagnes. Compter sur l'importation de machines étrangères pour les besoins de l'économie agricole n'est pas juste. Ceci est politiquement et économiquement nocif dans la mesure où cela lie notre économie agricole au capital étranger et affaiblit l'industrie russe. Le 10 novembre 1920, la Pravda, sous le titre "entreprise gigantesque", rapportait la nouvelle de la constitution de la "société internationale de secours pour la renaissance de l'industrie dans l'Oural". De très importants trusts d'État et le "Secours ouvrier international" contrôlent cette société qui dispose déjà maintenant d'un capital de deux millions de roubles-or et est entrée en rapport d'affaires avec l'entreprise américaine "Keith" en acquérant une grande quantité de tracteurs, affaire évidemment jugée avantageuse.

La participation du capital étranger est nécessaire, mais dans quel domaine? Nous voulons, ici, soumettre à tous les questions suivantes : si le "Secours ouvrier international" peut nous aider grâce à ses rapports avec l'entreprise "Keith", pourquoi ne peut-il pas, avec une quelconque autre entreprise, organiser chez nous, en Russie la production des machines qui nous sont nécessaires pour l'agriculture? Ne serait-il pas préférable d'employer les deux millions de roubles-or que la société possède dans la production de tracteurs, ici, chez nous? A-t-on justement envisagé toutes les possibilités? Est-il réellement nécessaire d'enrichir de notre or l'entreprise "Keith" et de lier à elle le sort de notre économie agricole?

La production des machines est possible en Russie même; elle renforcera l'industrie, fusionnera organiquement la campagne et la ville, effacera les différences matérielles et idéologiques entre l'une et l'autre, accroîtra leurs liens, ce qui rendra possible l'abandon de la N.E.P.

La nouvelle politique économique cache en elle des dangers pour le prolétariat. Nous ne devons pas seulement montrer que la révolution sait affronter un examen pratique sur le plan de l'économie et que les formes économiques socialistes sont en fait meilleurs que celles capitalistes, mais nous devons aussi affirmer notre position socialiste sans engendrer une caste oligarchique qui détienne le pouvoir économique et politique en craignant par-dessus tout la classe ouvrière. Pour prévenir le procès de dégénérescence de la nouvelle politique économique en une nouvelle politique d'exploitation du prolétariat, il est nécessaire de conduire le prolétariat vers l'accomplissement des grandes tâches qui sont devant lui moyennant une cohérence réalisation des principes de la démocratie prolétarienne, ce qui donnera le moyen à la classe ouvrière de défendre les conquêtes de la Révolution d'Octobre contre tous les périls de quelque endroit qu'ils viennent. Le régime interne du parti et les rapports du parti avec le prolétariat doivent être radicalement changés en ce sens.

Contre la politicaillerie de la N.E.P.


Le plus grand péril lié à la nouvelle politique économique réside dans le fait que le niveau de vie d'une très grande partie des cadres dirigeants a commencé à changer rapidement. Quand une telle situation arrive au point où les membres de l'administration de certains trusts, par exemple le trust de sucre, reçoivent un salaire mensuel de 200 roubles-or, jouissent gratuitement ou pour un prix modique d'un bel appartement, possèdent une automobile pour leurs déplacements et ont tant d'autres possibilités pour satisfaire les nécessités de la vie à un prix moindre que celui payé par les ouvriers adonnés à la culture de la betterave à sucre, et alors que ces mêmes ouvriers, bien qu'ils soient communistes, outre les modestes rations alimentaires qui leurs sont accordées par l'État, reçoivent seulement 4 ou 5 roubles par mois en moyenne (et avec ce salaire ils doivent également payer le loyer et l'éclairage), il est bien visible qu'on maintient vraiment une différence profonde dans le mode de vie des uns et des autres. Si cet état de chose ne change pas au plus vite mais exerce son influence dix ou vingt ans encore, la condition économique des uns comme des autres déterminera leur conscience et ils se heurteront en deux camps opposés. Nous devons considérer que, si les postes dirigeants, souvent renouvelés, sont occupés par des personnes de très basse extraction sociale, il s'agit dans tous les cas d'éléments nullement prolétariens. Ils forment une très mince couche sociale. Influencés par leur condition ils se considèrent les seuls aptes à certaines tâches réservées, les seuls capables de transformer l'économie du pays, de satisfaire le programme revendicatif de la dictature du prolétariat, des conseils d'usine, des délégués ouvriers, à l'aide du verset : "Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal".

Ils considèrent en réalité ces revendications comme des expressions de l'influence des éléments petits-bourgeois des forces contre-révolutionnaires. Donc, ici, sans aucun doute un danger menace les conquêtes du prolétariat et il vient d'un côté où l'on pouvait s'y attendre le moins. Pour nous le danger est que le pouvoir prolétarien dégénère en hégémonie d'un groupe puissant décidé à tenir dans ses propres mains le pouvoir politique et économique, naturellement sous le voile de très nobles intentions, "dans l'intérêt du prolétariat, de la révolution mondiale et d'autres idéaux très élevés". Oui, il existe vraiment le danger d'une dégénérescence oligarchique. Malheureusement la majorité des chefs du PCR ne pense pas de la même façon. A toutes les questions sur la démocratie ouvrière, Lénine, dans un discours prononcé au IXe congrès panrusse des soviets, répondit ainsi : "A tout syndicat qui pose, en général, la question de savoir si les syndicats doivent participer à la production je dirai : mais cessez donc de bavarder (applaudissements), répondez-moi plutôt pratiquement et dites-moi (si vous occupez un poste responsable, si vous avez de l'autorité, si vous êtes un militant du parti communiste ou d'un syndicat) : où avez-vous bien organisé la production, en combien d'années, combien de personnes vous sont subordonnées, un millier ou une dizaine de milliers? Donnez-moi la liste de ceux à qui vous confiez un travail économique que vous avez mené à bonne fin, au lieu de vous attaquer à vingt affaires à la fois pour ne faire aboutir aucune d'elles, faute de temps. Chez nous, avec nos moeurs soviétiques, ce n'est pas toujours qu'on mène une affaire à bonne fin, qu'on peut parler d'un succès durant quelques années; on craint de s'instruire auprès du marchand qui empoche 100 % de bénéfices et plus encore, on préfère écrire une belle résolution sur les matières premières et se targuer du titre de représentants du parti communiste, d'un syndicat, du prolétariat. Je vous demande bien pardon. Qu'est-ce qu'on appelle prolétariat? C'est la classe qui travaille dans la grande industrie. Mais où est-elle, la grande industrie? Quel est donc ce prolétariat? Quelle est votre industrie? Pourquoi est-elle paralysée? Parce qu'il n'y a plus de matières premières? Est-ce que vous avez su vous en procurer? Non. Vous écrirez une résolution ordonnant de les collecter, et vous serez dans le pétrin; et les gens diront que c'est absurde; donc vous ressemblez à ces oies dont les ancêtres ont sauvé Rome", et qui, pour continuer le discours de Lénine (selon la morale de la fable bien connue de Krylov) doivent être guidées avec une longue baguette au marché pour y être vendues.

[...]

Depuis le IXe congrès du PCR (bolchevik) l'organisation de la gestion de l'économie est réalisée sans participation directe de la classe ouvrière, à l'aide de nominations purement bureaucratiques. Les trusts sont constitués suivant le même système adopté pour la gestion de l'économie et la fusion des entreprises. La classe ouvrière ne sait pas pourquoi tel ou tel directeur a été nommé, ni pour quel motif une usine appartient à ce trust plutôt qu'à un autre. Grâce à la politique du groupe dirigeant du PCR, elle n'a aucune part à ces décisions. L'ouvrier se pose la question : comment a-t-il pu se faire que son soviet, le soviet qu'il avait lui-même institué et auquel ni Marx, ni Engels, ni Lénine ni aucun autre n'avaient pensé, comment se fait-il que ce soviet soit mort?
(Source : http://www.left-dis.nl/f/miasgo.htm)

Pour Voline :
(La Révolution Inconnue @ livre deuxième, V, chap. 3 a écrit :
La NEP forme la troisième période de l'évolution du problème agraire.

Elle ne fut « nouvelle » que par rapport à l'impitoyable rigueur et aux mesures militaires de la veille. Ce fut, tout simplement, une certaine détente. On allégea un peu la pression pour contenter les ventres et apaiser les esprits.

« La nouvelle politique » octroya aux paysans une certaine liberté de disposer du produit de leur travail : notamment d'en vendre une partie librement, au marché. Les barrages furent supprimés. Le petit commerce bénéficia de quelques « libéralités ». La propriété individuelle recouvra quelques droits.

Mais, pour mille raisons, la NEP ne changea pas grand'chose. Elle ne constituait pas une solution. Ce fut une demi-mesure, vague et douteuse. Certes, elle rasséréna un peu l'atmosphère. Mais elle créa, en même temps, une sorte de flottement et de désorganisation. Elle aboutit rapidement à des confusions et à des contradictions lourdes de conséquences, aussi bien dans le domaine économique que dans la vie du pays en général.

D'autre part, la situation équivoque et instable qu'elle avait créée représentait un certain danger pour la sécurité du gouvernement. Ayant fait des concessions, celui-ci avouait une certaine faiblesse. Cet aveu indirect éveilla des espoirs dans les milieux bourgeois. Il donna une impulsion nouvelle à des forces et à des éléments dont l'esprit et l'activité pouvaient devenir vite séditieux et même dangereux pour le régime. Ceci d'autant plus que les sympathies des masses pour le bolchevisme s'étaient fortement émoussées depuis 1917, ce que le gouvernement n'ignorait pas. Le réveil éventuel des appétits bourgeois chez certains éléments de la paysannerie paraissait particulièrement redoutable.

Les membres du parti et les couches privilégiées en général, déjà formées dans ce nouvel Etat et assez influentes eurent peur. On insista auprès du gouvernement sur là nécessité d'en finir avec la « pause de la NEP » et de revenir au régime de l'Etat-patron, de l'Etat-poigne.

Pour toutes ces raisons Staline, qui remplaça Lénine mort en 1924, se vit obligé de choisir entre deux solutions : ou bien élargir encore la NEP, ce qui signifiait, en dépit de la possession des « leviers de commande », ouvrir les portes à la restauration économique, et peut-être, politique du régime du capitalisme privé ; ou bien revenir à l'étatisme intégral, au régime totalitaire, et reprendre l'offensive à l'Etat contre les paysans.
(Source: http://iquebec.ifrance.com/nouvelordre/Bib...ne/v2echap3.htm)

Plus loin, Voline écrit :
a écrit :un des plus curieux sarcasmes historiques voulut que Lénine et son parti appliquassent exactement le « programme » économique qu'ils attribuaient faussement à ceux de Cronstadt, pour lequel, soi-disant, ils les combattirent et firent couler tant de sang.

Lénine proclama la fameuse « nouvelle politique économique » : la NEP.


On octroya a la population une certaine « liberté économique » : notamment, on rétablit, dans une certaine mesure, la liberté du commerce privé et de l'activité industrielle.

Ainsi le vrai sens de la « liberté » exigée par les révoltée de Cronstadt fut complètement dénaturé. Au lieu d'une libre activité créatrice et constructive des masses laborieuses, activité qui aurait permis de continuer et d'accélérer la marche vers leur émancipation totale (comme le réclamait Cronstadt), ce fut la « liberté » pour certains individus de faire du commerce, de faire des « affaires », de s'enrichir. C'est alors qu'apparut pour quelque temps ce type du nouveau riche soviétique : le « nepman » (homme de la NEP).

Les communistes russes et étrangers ont considéré et expliqué la NEP comme un « recul stratégique », qui permit à la dictature indispensable du parti de « respirer », de fortifier les positions acquises ébranlées par les événements de mars, comme une sorte de « répit économique », analogue au « répit militaire » à l'époque de Brest-Litovsk.

En effet, la NEP ne fut autre chose qu'une « halte » ; non pas pour mieux avancer par la suite, mais, au contraire pour mieux revenir au point de départ, à la même dictature féroce du parti, au même étatisme effréné, à la même domination et exploitation des masses laborieuses par le nouvel Etat capitaliste.

On recula pour mieux reprendre le chemin vers l'Etat capitaliste totalitaire, avec plus de garanties contre le danger d'une répétition éventuelle de « Cronstadt ».

Pendant la période de recul, cet Etat capitaliste naissant érigea, contre ce danger, sa « ligne Maginot ». Il employa les quelques années de la NEP à augmenter ses forces matérielles et militaires ; à créer en silence, son « appareil » politique, administratif, bureaucratique et policier, appareil néo-bourgeois ; à se sentir définitivement fort pour enserrer tout dans sa « poigne de fer » et transformer le pays entier en une caserne et en une prison « totalitaires ».

Si l'on veut parler d'un recul stratégique dans ce sens, c'est exact. Bientôt, après la mort de Lénine (en 1924) et l'avènement - après quelques luttes intestines au sein du parti - de Staline, la NEP fut supprimée, les « nepmen » furent arrêtés, déportés ou fusillés, leurs biens furent confisqués, et l'État, définitivement armé, blindé, bureaucratisé capitalisé, soutenu par 1' « appareil » et par une forte couché sociale privilégiée et avachie, établit résolument et définitivement son omnipotence.
(Source: http://iquebec.ifrance.com/nouvelordre/Bib...ne/v3achap5.htm)

Le problème n'est-il pas le fait que la bureaucratie étatique est étouffée l'énergie créatrice du prolétariat, est brisée les relations qui auraient pu se faire entre les villes et les campagnes directement entre coopératives ouvrières et paysannes, et mal géré l'économie (Marcel Body rapporte ainsi dans son livre "Au coeur de la Révolution" que des tracteurs n'étaient pas livrés par exemple) ? Pour moi la NEP n'était pas une solution, et elle n'a pas répondu aux revendications des masses ouvrières et paysannes qui aspiraient à la liberté et à un véritable communisme où chacun soit l'égal de l'autre (donc sans privilèges pour les bureaucrates). Il aurait fallu développer le mouvement des coopératives qui recueillaient l'aspiration des masses au lieu de donner de la place à la bourgeoisie pour s'engraisser. Il aurait aussi sans doute fallu tisser des liens économiques directs avec les coopératives ouvrières de production de l'étranger, négocier des contrats directement avec les ouvriers d'entreprises capitalistes par-dessus la tête des patrons, etc.
mael.monnier
 
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Message par Barikad » 09 Août 2004, 21:21

la fin de ta tirade est un resumé magistral de l'abstraction de ta position:
a écrit :....Il aurait aussi sans doute fallu tisser des liens économiques directs avec les coopératives ouvrières de production de l'étranger, négocier des contrats directement avec les ouvriers d'entreprises capitalistes par-dessus la tête des patrons, etc.

Il aurait fallu que les oiseaux chantent, que le soleil brille ect...
Non, plus serieusement, tu mexpliques comment les travailleurs russes auraient pu passer des contrats commerciaux avec les travailleurs de chez Krupps en Allemagne, sans que ceux ci prennent le pouvoir ?
Barikad
 
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Message par mael.monnier » 09 Août 2004, 22:50

Pourquoi tu me cites l'Allemagne ? Tu as lu le manifeste du Groupe Ouvrier en entier ?

Ainsi que fait l'IC envers les Noske, Ebert, Scheidemann & Cie ?
a écrit :Le camarade Zinoviev leur offre le front unique et propose de former un gouvernement ouvrier avec participation communiste. Ainsi il troque le gibet contre le fauteuil ministériel et la colère contre la sympathie. Noske, Ebert Scheidemann et Cie iront dans les assemblées ouvrières et raconteront que l'IC leur a consenti une amnistie et offert des postes ministériels à la place de la potence. Ceci pourtant à une condition, que les communistes reçoivent un ministère. Ils diront à toute la classe ouvrière que les communistes ont reconnu la possibilité de réaliser le socialisme seulement en s'unissant avec eux et non contre eux. Et ils rajouteront : Regardez un peu ces gens! Ils nous pendaient et enterraient d'avance; finalement ils sont venus à nous.

L'Internationale Communiste a donné à la IIe Internationale une preuve de sa sincérité politique et elle a reçu une preuve de misérabilité politique. Qu'y a-t-il en réalité à l'origine de ce changement? Comment se fait-il que le camarade Zinoviev offre à Ebert, à Scheidemann et à Noske des fauteuils ministériels au lieu du gibet? Il y a peu de temps il chantait l'oraison funèbre de la IIe Internationale et maintenant il en ressuscite l'esprit. Pourquoi chante-t-il désormais ses louanges? Verrons-nous vraiment sa résurrection et la réclamerons-nous réellement?

Et un peu plus haut Miasnikov, le rédacteur de ce manifeste, écrit :
a écrit :Mais a-t-on cherché à obtenir une entente avec le KAPD, étant donné que le camarade Zinoviev soutient que là se trouvent les éléments prolétariens les plus précieux? Non. Et pourtant le KAPD se bat pour organiser la conquête du pouvoir de la part du prolétariat.


Trotsky soulignera à ce sujet (l’internationale communiste après Lénine) :
a écrit :à notre époque de brusques revirements, ce qui est le plus difficile pour une direction révolutionnaire, c’est de savoir, au moment propice, prendre le pouls de la situation politique, percevoir son changement brusque et donner en temps voulu un ferme coup de barre. Une direction révolutionnaire n’acquiert pas de telles qualités simplement en prêtant serment à la dernière circulaire de l’Internationale Communiste : leur conquête exige, outre des bases théoriques indispensables, l’expérience personnelle et la pratique d’une véritable autocritique.
(cité par Combattre pour le Socialisme n°12 , mai 2003)

La révolution allemande prendra fin en octobre 1923. Une réappropriation sociale des moyens de production en Allemagne et un partenariat économique avec la Russie aurait donc été possible si la direction de l'IC avait jouée correctement son rôle.

(CPS n°12 a écrit :Une démonstration classique de la leçon dont on peut laisser passer une situation révolutionnaire exceptionnelle d’une importance mondiale", écrira Trotsky dans Les leçons d’octobre."
(Source : http://socialisme.free.fr/cps12_revolution_allemande.htm)

Sinon d'un point de vue plus international, les masses laborieuses des autres pays n'auraient-elles pas pu travailler main dans la main avec leurs camarades russes par-dessus la tête de leur bourgeoisie ? Un mouvement révolutionnaire n'aurait-il pas pu se produire de proche en proche avec l'aide de la Russie ? Les travailleurs russes n'auraient-ils pas pu échanger par-dessus la tête des patrons avec leurs camarades français ou anglais par exemple ? Si les patrons s'opposaient, une grève massive n'aurait-elle pas pu les faire plier ? Et ensuite, à partir de ce point d'appui, les travailleurs français, anglais ou autres n'auraient-ils pas pu échanger eux aussi entre eux, et ainsi tuer peu à peu le capitalisme ? Si cela ne marchait pas, les travailleurs français, anglais ou autres auraient pu alors recourir à la voie radicale : renverser l'Etat bourgeois, créer un Etat constitué de soviets, renverser le patronat et s'approprier les moyens de production, d'échange et de financement, etc.

En tout cas, c'était une option bien moins éloignée des masses laborieuses que de faire entrer le loup dans la bergerie en recourant aux capitaux étrangers avec la NEP... Et je ne vois pas en quoi le fait de dire qu'"Il aurait aussi sans doute fallu tisser des liens économiques directs avec les coopératives ouvrières de production de l'étranger, négocier des contrats directement avec les ouvriers d'entreprises capitalistes par-dessus la tête des patrons" est plus abstrait que de dire comme disait Lénine bien avant Brest-Litovsk qu'il fallait aboutir à la paix par-dessus la tête des bourgeoisies nationales... Le fait est surtout que Lénine n'a pas du essayer car sinon il en aurait parlé... Et le fait est surtout qu'il fallait être naïf pour croire qu'un bout de papier comme le traité de Brest-Litovsk allait faire cesser l'impérialisme allemand comme l'apprendra la suite des évènements... De même il fallait être bien naïf pour croire que la bourgeoisie étrangère allait contribuer à la reconstruction de la Russie sur le long terme et au raffermissement du pouvoir du prolétariat...
mael.monnier
 
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Message par logan » 09 Août 2004, 22:57

Ca faisait longtemps :hinhin:

a écrit : Les travailleurs russes n'auraient-ils pas pu échanger par-dessus la tête des patrons avec leurs camarades français ou anglais par exemple ? Si les patrons s'opposaient, une grève massive n'aurait-elle pas pu les faire plier ?


Bon juste là dessus : cette phrase est absolument incompatible avec le marxisme.
Une greve générale ne se décrète pas, ce n'ets pas un truc qu'on déclenche sur un claquement de doigt du parti.
logan
 
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