les révolutionnaires et l'activité syndicale

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Barnabé » 02 Juil 2004, 15:31

(LouisChristianRené @ vendredi 2 juillet 2004 à 16:21 a écrit :
(Barnabé @ vendredi 2 juillet 2004 à 14:06 a écrit :
a écrit : je ne suis pas seul a estimer que les camarades de lo dans les syndicats (et en particulier quand il s'agit d'une forte intervention des camarades) interviennent avant tout comme des militants politques

Oui et ils ont raison puisqu'ils sont avant tout des militants politiques. Et l'activité syndicale est un outil (et pas le seul) qui permet d'avoir une activité politique dans les entreprises.
Moi, c'est surtout quand des révolutionnaires apparaissent sur leur lieu de travail avant tout comme des syndicalistes que ça me pose un problème.

pourquoi ? se préoccuper des intérets immédiats de la classe n'est certainement pas toujours super valorisant (certes, ça ne permet pas de se prendre pour un bolchevique de 1917) mais ça a aussi sa grandeur ! Et ça n'a rien a voir avec une approbation de la ligne des dirigeants ! mais plutot "d'ou" on les critique ! pour moi, quand thibaut défend une ligne erronnée, c'est pas en référence a la ligne de mon organisation politique, mais en tant que syndicaliste cgt je trouve qu'il envoie mon organisation syndicale dans le mur !

cela dit la divergence est la : a lo on trouve que le syndicat est "un outil" pour les organisations politiques ! pour moi, le syndicalisme est une des modalités (et les parti politiques une autre) de l'organisation de la classe ouvriere ! il est clair que nos points de vue sont incompaptibles sur ce plan là au moins !
Entendons nous bien, quand je dis que l'activité syndical est pour les militants révolutionnaires un outil, cela veut dire que les militants doivent avoir une activité syndicale. C'est-à-dire participer à la défense quotidienne des travailleurs et à leur organisation, chercher à syndiquer leurs camarades de travail etc. Mais pour autant, même dans cette activité syndicale, les révolutionnaires ne se comportent pas comme de simple syndicaliste. Ils ne cherchent pas, comme la pluspart des syndicalistes (même les plus sincères) à aider les travailleurs à leur place, ils ne cherchent pas à négocier avec le patronnat, ils ne signent pas des accords d'entreprises qui sanctionnent des rapports de force défavorables aux travailleurs etc. Ils utilisent le syndicat d'abord pour offrir un cadre d'organisation élémentaires aux travailleurs, cherchent à rendre le syndicat vivant, à soumettre les délégués au contrôle de l'ensemble des travailleurs, lorsqu'ils sont eux même délégués rendent des comptes de leurs activités etc. Et dans les mouvements, les grèves cherchent à construire des directions altérnatives aux intersyndicales, des comités de grèves sous contrôle des travailleurs en lutte. C'est en cela que les militants révolutionnaires se distingue des militants syndicalistes, en fait c'est parce que leur activité, y compris syndicale est sous tendue par des conceptions, des principes politiques. Et évidemment, dans la mis en oeuvre de cette activité, cela implique que le travail syndical des militant se fait sous contrôle de l'organisation politique.
Barnabé
 
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Message par Valiere » 02 Juil 2004, 21:53

C'est une conception que je ne partage pas : le parti détermine l'orientation mais le syndicaliste révolutionnaire trotskiste n'a de compte à rendre sur son activité syndicale quotidienne qu'à ses mandants SYNDICAUX
La conception du syndicat courroie de transmission a conduit à beaucoup de dérapages.
Valiere
 
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Message par tovarich1917 » 02 Juil 2004, 22:20

Pas d'accord avec Valière : les syndicats ça peut être bien, mais fidélité au parti d'abord !
Car après tout, si les syndicats sont un outil de combat, seul le parti peut être une organisation révolutionnaire capable de former l'avant-garde du prolétariat. C'est donc sa ligne politique qu'il faut suivre, en toutes circonstances.
tovarich1917
 
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Message par Louis » 02 Juil 2004, 22:30

donc c'est pas moi qui réve ou qui dit "n'importe quoi" comme accuse com71 : il s'agit bien de conceptions politiques substanciellement différentes !

entre nous, a mon avis, il faut tenir compte aussi de facteurs historiques, sociologiques, etc etc et ne pas avoir sur cette question de positions "absolue" qui seraient par exemple incompréhensible par un anglais ou un allemand (qui ont des traditions politiques trés différentes des notres)
Louis
 
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Message par Barnabé » 02 Juil 2004, 22:51

En annexe de la discussion (hors sujet) sur le fil "effectif des organisations", je renvoie à un texte d'une LdC de 72 "Les MILITANTS REVOLUTIONNAIRES et les SYNDICATS" que j'avais déjà posté ici
J'y ajoute deux articles publiés les mois suivants sur l'activité des révolutionnaires, à la CGT et dans les autres syndicats. S'ils peuvent paraître datés par un certain nombre d'aspects, ils donnent une idée de ce qu'on entend par une politique syndicale des révolutionnaires, c'est à dire ni la courroie de transmission qui passe au dessus de la tête des travailleurs à la mode stalinienne, ni "l'indépendance syndicale" qui n'est qu'un leurre masquant surtout n'indépendance vis-à-vis des travailleurs.
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 02 Juil 2004, 22:53

( Lutte de classe @ octobre 1972 a écrit :
QUE FAIRE DANS LES SYNDICATS ?


1 - L'ACTIVITE DES REVOLUTIONNAIRES A LA C.G.T.
Nous avons montré antérieurement (1) que dans les conditions qui existent actuellement en France, une organisation révolutionnaire doit, dans le domaine syndical, attacher une importance toute particulière à la C.G.T., confédération syndicale qui, par son importance et sa composition sociale, occupe une place privilégiée dans le mouvement syndical français.

Mais pour les révolutionnaires, militer à la C.G.T. n'est pas chose facile car, sauf dans certains secteurs extrêmement marginaux, qui échappent plus ou moins au contrôle de l'appareil stalinien, et où l'activité militante revêt par là-même un caractère secondaire, il est à l'heure actuelle absolument impossible, pour un révolutionnaire, de militer à visage découvert à la C.G.T.. Non seulement il n'est pas possible de défendre ouvertement le programme révolutionnaire au sein de la C.G.T., mais le simple fait d'être étiqueté comme trotskiste, ou comme "gauchiste", ou d'être soupçonné de l'être, suffit le plus souvent à faire mettre un militant à l'écart de toute activité syndicale, sinon à le faire exclure.

C'est dire que l'ouvrier révolutionnaire militant à la C.G.T. se voit tenu à une véritable conspirativité par rapport à l'appareil, non seulement dans son activité syndicale, mais évidemment par la même occasion, dans toute son activité à l'entreprise.

Et le problème se complique encore du fait que l'activité des militants révolutionnaires au sein des entreprises ne saurait se limiter au seul syndicat. Pour importante qu'elle soit, l'activité syndicale n'est en effet qu'une partie de l'activité des militants révolutionnaires et il est en particulier absolument nécessaire que ceux-ci possèdent une expression publique large, de masse, au sein des entreprises.

Ne pas se donner un moyen d'expression s'adressant à tous les travailleurs, syndiqués et non syndiqués, c'est en effet se condamner à ne faire connaître ses idées et son programme - avec bien des limitations, comme nous venons de le voir - qu'à une toute petite minorité de travailleurs, minorité agissante peut-être, mais pas toujours dans le bon sens puisqu'elle se confond souvent avec l'appareil. Et si les militants révolutionnaires ont le devoir de militer dans les organisations syndicales, ils ont aussi celui de militer au sein de l'ensemble de la classe ouvrière, et de prendre leurs responsabilités politiques vis-à-vis de l'ensemble des travailleurs, en leur nom propre et pas seulement par personne (syndicale) interposée.

Or il est évident que l'apparition, ou l'existence, d'une presse révolutionnaire locale dans une entreprise ne peut que susciter la méfiance dé l'appareil, et que l'inciter à la "chasse au trotskyste", rendant par là plus difficile encore l'activité syndicale des militants révolutionnaires.

Parce que nous sommes convaincus de l'importance capitale d'une expression politique des révolutionnaires dans les entreprises, nous nous efforçons de mener ces deux tâches de front : dans toutes les entreprises où existent des militants de notre tendance, ceux-ci publient un bulletin politique régulier destiné à l'ensemble dé leurs camarades de travail (il existe actuellement deux cents de ces bulletins, publiés dans les principales entreprises du pays, et correspondant à des groupes d'entreprise plus ou moins développés), l'apparition politique étant la première tâche de nos camarades, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'ils négligent l'activité syndicale.

Mais le nécessité de mener parallèlement ces deux tâches complémentaires est malheureusement bien loin d'être reconnue par l'ensemble de ce qu'on appelle communément les "gauchistes", car la plupart de ceux qui reconnaissent l'importance de l'activité syndicale renoncent bien souvent à l'apparition politique dans les entreprises pour ne pas rendre la première trop difficile, et beaucoup de ceux qui interviennent politiquement dans les entreprises ont reculé devant les difficultés de l'activité syndicale, ont déclaré celle-ci inutile, voire négative, et ont abandonné les syndicats aux appareils.

C'est ainsi que l'exemple le plus typique du premier cas est celui des militants d'entreprise du P.S.U. (que l'appareil stalinien tolère pourtant plus facilement que ceux des organisations révolutionnaires) qui ont généralement renoncé à toute intervention politique à l'usine. En dehors d'événements rarissimes, on ne voit guère, en effet, de tracts P.S.U. dans les entreprises, et les exceptions sont le plus souvent des tracts très généraux, mettant rarement en cause le rôle des appareils syndicaux, surtout au niveau local.

La pratique syndicale du P.S.U. est d'ailleurs le plus bel exemple d'opportunisme que l'on puisse donner en ce domaine. Le P.S.U. se déclare en effet opposé, par principe, à tout travail de fraction au sein des syndicats, ce qui ne serait que pure hypocrisie si les militants du P.S.U. défendaient la politique de leur parti dans leurs organisations syndicales… mais ce qui est presque honnête dans la mesure où il n'y a pas de politique syndicale du P.S.U., et où celui-ci, au nom de ses principes "anti-fractions", préfère laisser chaque militant libre d'adhérer à la confédération de son choix, et d'y mener sa propre politique sans aucun contrôle. Ces deux aspects de la politique du P.S.U., renoncement à l'expression politique au sein des entreprises et refus de toute intervention en tant que parti dans la vie syndicale, expliquent la relative tolérance dont les militants du P.S.U. sont l'objet de la part des appareils.

Mais une telle adaptation opportuniste au syndicalisme n'est pas le propre du P.S.U., organisation centriste réclamant elle-même du "droit à l'équivoque", elle se retrouve aussi chez certains groupes révolutionnaires se réclamant du trotskisme.

L'O.C.I. (section française du Comité International avant la scission de celui-ci), qui se veut pourtant aux antipodes politiques du P.S.U., a une pratique qui, sur ce terrain-là, n'est pas très différente par bien des aspects. Les interventions politiques de ces camardes dans les entreprises sont en effet aussi rarissimes, se limitant à de sporadiques tracts de soutien à la campagne du moment de cette organisation. Et si l'O.C.I., qui se réclame du centralisme démocratique, mène une politique différente du "laisser faire, laisser aller" du P.S.U., loin de revendiquer pour les révolutionnaires le droit de constituer des fractions au sein des syndicats, elle multiplie les références à la charte d'Amiens (texte fondamental de l'anarcho-syndicalisme français proclamant la nécessité de l'indépendance des syndicats par rapport aux organisations politiques), en particulier dans l'activité de ses militants au sein de Force Ouvrière.

Quant aux organisations qui ont donné naissance à la Ligue Communiste, elles n'ont découvert qu'après Mai 1968 la nécessité d'une presse révolutionnaire d'entreprise, et considéraient avant cette date une telle activité comme objectivement provocatrice. Et ce soudain changement d'attitude (qui ne donna pas lieu à plus d'explications que l'abandon de l'entrisme) serait entièrement positif si le contenu des bulletins d'entreprise de la Ligue Communiste n'était pas parfois plus influencé par le désir de flatter telle ou telle centrale syndicale (dans laquelle militent ses militants locaux) plutôt que par la nécessité de combattre la politique de tous les appareils bureaucratiques sans exception. (2)

A l'opposé de ces déviations syndicalistes, se situe bien sûr la position du courant mao-spontanéiste, qui publie une presse d'entreprise plus ou moins régulière (en régression d'ailleurs par rapport à la période qui a immédiatement suivi Mai 1968), mais qui a complètement renoncé à toute activité dans les syndicats, et qui, loin d'essayer de faire prendre conscience aux militants syndicaux du contenu réel de la politique de leurs confédérations, met dans le même sac Séguy, Maire, Bergeron, et les délégués du rang, et ne recule pas devant la pire démagogie.

Les militants ouvriers révolutionnaires doivent donc trouver un équilibre difficile entre l'attitude qui consiste à ne rien faire et à ne rien dire, dans le syndicat comme à l'extérieur, en attendant des jours meilleurs, pour éviter d'être exclus, et celle qui consiste à brandir ouvertement son drapeau, en se mettant par là-même, à court terme, dans l'impossibilité de militer au sein des syndicats en général, et de la C.G.T. en particulier.

Pour parvenir à tracer correctement leur route, entre l'écueil de la soumission opportuniste aux appareils, et celui de l'impatience gauchiste, les militants révolutionnaires ne doivent jamais perdre de vue l'objectif qu'ils cherchent à atteindre par l'activité syndicale.

Si nous sommes partisans de militer à la C.G.T.., ce n'est évidemment pas parce que nous croyons possible d'accéder à des responsabilités importantes dans le cadre de cette confédération, et encore moins d'y gagner la majorité à plus ou moins brève échéance. A partir d'un niveau relativement bas de la hiérarchie syndicale, l'appareil C.G.T. n'est plus composé que de staliniens bon teint, et cette emprise du P.C.F. ne pourrait être battue en brèche, à l'échelle de la confédération, que dans le cadre d'une crise profonde du P.C.F. lui-même, ou d'une crise révolutionnaire, ou de la conjugaison des deux. Essayer de conquérir des responsabilités dans l'appareil syndical, en dissimulant complètement ses opinions à celui-ci, et sans que cela corresponde, et sans être soutenu activement par les travailleurs, ne peut que faire d'un militant révolutionnaire un otage de l'appareil, cautionnant purement et simplement la politique de celui-ci.

Si nous sommes partisans de militer à la C.G.T., c'est parce que les révolutionnaires ne peuvent espérer conquérir une certaine audience auprès des travailleurs, ne peuvent gagner leur confiance, et leur prouver du même coup la valeur de leurs idées, qu'en participant activement à toutes les luttes de la classe ouvrière, y compris les plus limitées, les plus humbles, et qu'en démontrant sur ce terrain-là leurs capacités à les animer, à les diriger. Ce qui implique non seulement de militer dans les syndicats, mais également de militer dans celui qui a le plus d'influence dans les luttes quotidiennes des travailleurs.

Le rôle des militants révolutionnaires, c'est de faire prendre conscience aux travailleurs de leur force et de leurs possibilités historiques. Cela signifie, bien sûr, opposer dans les luttes ouvrières une autre politique à la politique démoralisatrice et démobilisatrice de l'appareil stalinien. Mais cela signifie aussi combattre les méthodes de celui-ci, méthodes qui visent à empêcher la classe ouvrière de contrôler ses propres organisations, à assujettir les travailleurs aux appareils, et qui sont, autant que la politique réformiste du P.C.F., un obstacle à la prise de conscience de la classe ouvrière.

C'est pourquoi la première tâche que devra se fixer le militant révolutionnaire appartenant à une section syndicale C.G.T. sera de tout faire pour y créer une véritable vie syndicale.

Celle-ci est généralement inexistante. Les réunions de syndiqués sont rarissimes et peu fréquentées. L'activité syndicale est généralement dirigée par un petit nombre de membres de l'appareil, formant une "commission exécutive", d'ailleurs rarement élue dans les formes statutaires, et se confondant le plus souvent avec le collège de délégués... quand ce n'est pas avec la cellule du P.C.F.. Se faire inviter à de telles réunions, être présenté par le syndicat aux élections de délégués du personnel, n'est d'ailleurs souvent pas très difficile pour le nouveau syndiqué, non suspecté d'idées révolutionnaires, qui semble avoir envie de faire quelque chose, car le plus souvent l'appareil a bien du mal à trouver le nombre minimum de militants dévoués nécessaire pour faire fonctionner le syndicat, et pour occuper tous les mandats éligibles (délégués du personnel et délégués au Comité d'entreprise) et non éligibles (délégués syndicaux et représentant syndical) auxquels il peut légalement prétendre. Dans ces cas-là, le nouveau militant C.G.T. actif se verra vite coopté à la commission exécutive du syndicat (qui devrait pourtant être élue par l'ensemble des syndiqués), et pourra se retrouver assez rapidement élu délégué du personnel, ce qui multipliera évidemment ses possibilités d'intervention et de rayonnement dans l'entreprise.

La situation est cependant différente quand l'appareil est puissant, et que le P.C.F. dispose des effectifs nécessaires pour occuper tous les rouages possibles de la section syndicale. Dans ce cas-là, le nouveau syndiqué pourra rester des mois avec sa carte en poche avant de pouvoir assister à sa première réunion. Sans que cela soit une règle absolue, cette situation est plus fréquente dans la région parisienne qu'en province, dans les grandes entreprises que dans les petites. Mais en tout état de cause, le poids de l'appareil stalinien dans l'entreprise déterminera dans une large mesure les possibilités d'action du militant révolutionnaire à l'intérieur du syndicat.

Quelles que soient les difficultés initiales rencontrées, l'axe d'intervention du militant révolutionnaire au sein de la C.G.T. reste le même. Il s'agit de redonner aux travailleurs, syndiqués ou non syndiqués, le goût de se réunir pour discuter de leurs problèmes, de leurs revendications, et des moyens de les faire aboutir. Il s'agît d'essayer de transformer le caractère des réunions existantes, le plus souvent rendues mortellement ennuyeuses par les méthodes bureaucratiques de l'appareil, de manière à ce que chacun des participants trouve de l'intérêt à se réunir régulièrement. Il s'agît de réintroduire au sein de la section syndicale des mœurs démocratiques, de manière à ce que les travailleurs se sentent concernés par les décisions adoptées, et que celles-ci traduisent effectivement leurs idées et leurs aspirations.

Sans doute tout cela constitue-t-il une tâche bien élémentaire, Mais c'est une tâche élémentaire qu'il est absolument indispensable d'effectuer dans les conditions actuelles, et qui s'avère à l'usage bien plus difficile que ce que peut imaginer celui qui ne connaît pas bien les problèmes de l'activité militante dans les entreprises.

En dépit du fait que le stalinisme ait désappris aux travailleurs le goût de l'organisation et de la démocratie, les difficultés ne viennent pas des syndiqués. Quand l'appareil ne s'y oppose pas ouvertement, il est relativement facile, à la C.G.T., de réunir régulièrement un nombre non négligeable de syndiqués, et de créer une vie syndicale normale, parce que cette confédération attire un nombre suffisant de travailleurs qui sont prêts à consacrer un minimum de leur temps à l'activité syndicale (ce qui n'est pas toujours. le cas à la C.F.D.T., et encore moins à F.O.).

Mais sur ce terrain que certains jugent peu "politique" (comme si l’apprentissage de la démocratie ouvrière par le prolétariat, condition indispensable de son affranchissement, n'était pas l'une des tâches les plus "politiques" des révolutionnaires !), l'appareil stalinien se défend généralement avec bec et ongles (parce qu'il est "politique", lui !). Et il est finalement plus prêt à tolérer l'opposant de service, qui fait son petit discours habituel lors de chacune des rares réunions, sans déranger vraiment le train-train bureaucratique du syndicat, que le militant qui, même plus discrètement, s'efforce de faire renaître un minimum de vie syndicale, de refaire du syndicat la propriété des travailleurs.

Et il faut quelquefois bien peu de chose pour déclencher la méfiance et les réactions de l'appareil. Demander la tenue de réunions syndicales, faire admettre la nécessité de leur régularité, est souvent le premier combat que devra livrer le militant révolutionnaire. C'est dire ce que sera la lutte peur imposer des mœurs démocratiques dans le syndicat, ou pour défendre des revendications auxquelles l'appareil est violemment opposé, comme le retour immédiat aux quarante heures, ou le principe des augmentations de salaire égales pour tous, qui ne sortent pourtant pas du cadre des revendications économiques.

L'appareil est d'autant plus prompt à engager la lutte que celle-ci est le meilleur moyen d'empêcher les révolutionnaires de parvenir à leurs buts. Il ne s'agît pas seulement pour lui, en effet, de mettre les opposants en minorité par rapport à l'ensemble des syndiqués, ce qu'il fait quand il peut, mais ce qu'il ne peut pas toujours. Il s'agit aussi de créer dans le syndicat un climat détestable, qui éloigne les travailleurs de la vie syndicale. De ce point de vue, plus les méthodes utilisées sont anti-démocratiques, calomniatrices et viles, et plus elles sont efficaces. Car s'il y a à la C.G.T. bon nombre de travailleurs qui sont prêts à se réunir et à participer à la vie syndicale, il y en a évidemment beaucoup moins qui acceptent de se laisser insulter, calomnier, voire dénoncer nommément à la répression patronale, ou même qui acceptent tout simplement de participer à des réunions syndicales dans un tel climat. Sans doute ces méthodes risquent-elles d'amener un certain nombre de syndiqués à abandonner complètement le syndicat. Mais c'est un risque que l'appareil est prêt à courir, car le contrôle du syndicat est pour lui un impératif bien plus important que le recrutement, et il préfère des sections syndicales squelettiques, mais ne lui posant pas de problèmes, à des sections bien vivantes.

Les conditions de l'activité syndicale se sont dans l'ensemble sensiblement modifiées depuis 1968. La chasse aux militants révolutionnaires est devenue plus difficile pour l'appareil, d'une part parce que ceux-ci sont plus nombreux, d'autre part, surtout, parce que de nombreux jeunes travailleurs sont plus ou moins influencés, dans leurs propos ou dans leurs attitudes, par les "gauchistes", et qu'écarter systématiquement tous les jeunes suspectés de "gauchisme" amènerait l'appareil stalinien à se couper pratiquement toute possibilité de recruter de nouveaux éléments. Il lui a donc fallu s'adapter à la situation, et dans un certain nombre de cas au moins, essayer de "récupérer" un certain nombre de ces jeunes travailleurs plus ou moins influencés par les idées révolutionnaires.

Ces conditions nouvelles font que, dans les affrontements avec l'appareil stalinien, les militants révolutionnaires sont souvent moins isolés que dans le passé, qu'il se trouve un plus grand nombre de syndiqués, loin de partager l'ensemble des conceptions des militants révolutionnaires, bien souvent, mais d'accord avec eux sur tel ou tel point, pour s'engager à leurs côtés, en dépit des réactions des bureaucrates.

Mais il ne faut pas se faire d'illusions. Le rapport de forces entre les révolutionnaires et l'appareil stalinien reste globalement, et de façon très sensible, en faveur de ce dernier. Même s'il existe des entreprises où cet appareil est très faible, il possède sur les révolutionnaires l'avantage considérable d'exister à l'échelle nationale, de correspondre à un véritable milieu social, et de recruter de nouveaux éléments en bien moins do temps qu'il n'en faut, aux révolutionnaires, pour former des militants expérimentés et compétents.

C'est dire que, quelles que soient la compétence et la prudence des militants révolutionnaires qui la mènent, l'activité syndicale au sein de la C.G.T., en dehors de quelques entreprises échappant quasi complètement à l'appareil et (ou) n'intéressant guère celui-ci, débouche forcément, à un moment eu à un autre, sur une défaite : l'exclusion d'un ou de plusieurs militants, ou leur mise à l'écart de l'activité syndicale, parce que, même si les militants révolutionnaires ont su gagner la confiance de la majorité des syndiqués de leur entreprise, au de leur secteur, ils sont pratiquement sans défense devant les décisions prises par les instances supérieures de l'appareil, rapidement exclusivement composées, dès qu'on s'élève un peu dans la hiérarchie, de staliniens bon teint.

La défaite est d'autant plus certaine que, contre les révolutionnaires, tous les coups sont permis. Quand il n'est pas possible de les mettre en minorité au cours d'une réunion, même en faisant appel au ban et à l'arrière-ban des sympathisants du P.C.F. qui ne participent d'habitude jamais à une réunion syndicale, l'appareil organise des votes "par correspondance", absolument incontrôlables, et s'il ne parvient pas à ses buts dans le cadre de ses propres statuts (qu'il interprète pourtant dans le sens qui lui convient), il n'hésite pas bien souvent à les violer ouvertement, quitte à anéantir toute une section syndicale si besoin est.

Mais de telles défaites, inévitables encore une fois à un moment ou à un autre, ne doivent pas détourner les militants ouvriers révolutionnaires de l'activité au sein de la C.G.T.. Et si elles laissent sur le moment un goût amer, c'est pourtant au travers de telles luttes que les militants révolutionnaires enrichissent leur expérience, accroissent leur compétence, et qu'ils peuvent le plus efficacement gagner du crédit auprès des travailleurs influencés par la C.G.T. et le P.C.F..

Ce sont de telles défaites qui permettent de préparer les victoires de demain.

Si elle est infiniment plus difficile, moins confortable, que l'activité au sein de la C.F.D.T, ou de F.O., l'activité syndicale au sein de la C.G.T. est de ce point de vue plus efficace et plus importante. C'est pourquoi elle ne doit être abandonnée que par des militants qui sont dans l'impossibilité matérielle de la poursuivre, soit parce qu'ils en ont été exclus purement et simplement, soit parce qu'ils ont été réduits à la situation de porteur de carte n'ayant jamais la possibilité d'assister à une réunion.

Mais, dans ce cas-là, seuls les militants ayant été isolés par l'appareil peuvent quitter la C.G.T. pour essayer de trouver une position de repli au sein de la C.F.D.T. eu de F.O.. Les autres, ceux qui peuvent continuer à militer à la C.G.T., doivent le faire, comme les nouveaux militants entrant dans l'entreprise doivent se syndiquer à la C.G.T., et y poursuivre le travail entrepris. Car si, pour nous, militer à la C.F.D.T. ou à F.O. peut être un choix tactique juste pour un militant mis dans l'impossibilité de militer à la C.G.T., ce ne peut en aucun cas être un choix politique, ni à l'échelle nationale, ni au niveau dune usine.

Quant au sens qui doit âtre celui de notre travail au soin de la C.F.D.T. au de F.O., ce sera l'objet d'un article ultérieur.


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(1) - Voir "lutte de Classe" N° 1 - Les militants révolutionnaires et les syndicats -
(2) - Voir "Lutte Ouvrière" N° 186
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 02 Juil 2004, 22:54

( Lutte de classe @ décembre 1972 a écrit :
QUE FAIRE DANS LES SYNDICATS ?
2- L'ACTIVITÉ DES RÉVOLUTIONNAIRES A F.O. OU A LA C.F.D.T.
Nous avons montré, dans les précédents articles de Lutte de classe consacrés à l'activité syndicale des militants révolutionnaires (1), que le seul choix politique possible en France, pour une organisation révolutionnaire, est de militer à la C.G.T..

Mais il est cependant un certain nombre de circonstances où des militants révolutionnaires ne peuvent plus militer à la C.G.T.. Lorsqu'ils ont purement et simplement été exclus, évidemment, mais aussi lorsque la situation qui leur est faite par l'appareil ne leur permet pratiquement plus d'avoir une activité syndicale. Dans ces cas-là, le problème qui se pose à ces militants est bien sûr de chercher un autre cadre dans lequel ils puissent mener une activité syndicale, c'est-à-dire de militer à Force Ouvrière ou à la C.F.D.T..


Mais il faut bien comprendre que l'activité syndicale au sein de l'une quelconque de ces deux confédérations ne peut être, pour les militants concernés qu'une position de repli. Que les autres militants révolutionnaires de l'entreprise qui peuvent continuer à militer à la C.G.T. doivent le faire. Et que ceux qui ont été amenés à militer à F.O. ou à la C.F.D.T. ne doivent pas pour autant cesser de militer en direction des travailleurs organisés par la C.G.T., ou influencés par elle.

S'il nous paraît nécessaire insister sur ce point, c’est parce qu'il ne s'agit pas là d'un débat académique, mais d'un problème qui se pose très concrètement au mouvement révolutionnaire français, puisque tant l'O.C.I. (la section française du Comité International) que la Ligue Communiste (la section française du Secrétariat Unifié), privilégient dans les faits l'activité syndicale au sein de l'une des deux confédérations minoritaires, Force Ouvrière en ce qui concerne l'O.C.I., la C.F.D.T. en ce qui concerne la Ligue Communiste. Ni l'une, ni l'autre, de ces organisations trotskystes, n'écrivent certes dans leurs textes qu'il faut abandonner l'activité au sein de la C.G.T, pour militer ailleurs. Mais, pour justifier leur pratique, elles sont amenées à peindre, dans leur presse politique, F.O. (ou la C.F.D.T.) avec des couleurs qui ne correspondent absolument pas à la réalité, et à accorder à ce qui se passe au sein de ces confédérations une Importance dans la lutte de classe démesurée.

Cette pratique syndicale profondément semblable sur le fond de l'O.C.I. et de la Ligue Communiste se double d'ailleurs d'une âpre polémique, l'O.C.I. dénonçant violemment le fait que la Ligue Communiste considère la C.F.D.T. comme un syndicat ouvrier, et le Ligue Communiste reprochant aux militants de l'O.C.I. leur activité au sein de F.O., que la Ligue considère comme un syndicat "jaunes", l'opportunisme de l'O.C.I. et de le Ligue Communiste les amenant à voir en rose, sinon en rouge, la confédération qu'ils privilégient dans les faits, et en noir (ou en jaune) celle dans laquelle ils n'ont aucune activité.

Encore une fois, cette différence d'appréciation ne repose pas sur des différences de principe, mais eu contraire sur une commune absence de principe, et sur des différences dans le développement de chacune des tendances trotskystes en question. Lors de la scission du Secrétariat International, en 1952-53, la majorité de la section française, qui devait donner naissance à l'O.C.I., comprenait la presque totalité des militants ouvriers de cette section. Il ne pouvait être question, à cette époque, d'être tenté d'aller militer à la C.F.T.C. ouvertement confessionnelle, et tout aussi minoritaire que F.O. C'est donc dans cette dernière confédération que se retrouvèrent, de force ou de gré, les militants ouvriers de l'O.C.I. La collaboration étroite avec certains éléments anarcho-syndicalistes qu'ils y engagèrent, le fait aussi que le secteur principal d'activité syndicale de soit la Fédération de l'Education Nationale, traditionnellement laïque, explique la manière dont l'O.C.I. juge la C.F.D.T. (avec en outre, évidemment, le fait que les frères ennemis de la Ligue Communiste y militent volontiers). C'est ainsi que le numéro de novembre 1972 de Jeune Révolutionnaire (l'organe de l'organisation de jeunesse de l'O.C.I.), dans un long article qu'il consacre à la C.F.D.T., caractérise cette confédération comme une «...organisation bourgeoise au sein de la classe ouvrière... l'agent de la hiérarchie catholique dans les rangs ouvriers...», au même titre que la C.F.T.C. d'avant le changement de sigle.

Si Jeune Révolutionnaire ne se donne même pas la peine de discuter d'un certain nombre d'autres aspects du problème, et en particulier du fait que le gauchisme verbal de la C.F.D.T. lui a permis de recruter, en particulier au lendemain de Mai 1968, un certain nombre de jeunes travailleurs combatifs, le jugement qu'il porte sur le C.F.D.T. est cependant très proche de la réalité, en ce sens que la C.F.D.T. n'a effectivement subi aucune transformation fondamentale au cours de ces dernières années, la tentative de transformation d'une petite confédération confessionnelle en grande confédération réformiste à l'américaine entreprise par une partie de sa direction, ne constituant en rien un fait particulièrement positif. Mais il est seulement dommage que la presse de l'O.C.I. ne fasse pas preuve dune semblable intransigeance en ce qui concerne F.O., qualifiée à longueur de colonnes de « syndicat ouvrier » au même titre que la C.G.T., par opposition à la C.F.D.T.

L'O.C.I. se prononce certes, en paroles, contre la politique de la direction de F.O.. Ses militants sont censés défendre une autre politique. Mais cela n'empêchait pas la «minorité Lutte de Classes » (regroupant les militants de l'O.C.I. syndiqués à F.O. et des anarcho-syndicalistes) d'écrire eu lendemain du congrès de 1966 de cette confédération que F.O. était «le dernier bastion et la première place où vit la démocratie ouvrières », et plus près de nous, en février 1972, un certain nombre de militants et de dirigeants connus de l'O.C.I. de signer un texte public d'allégeance à Force Ouvrière déclarent : «si cette Confédération n'existait pas, combien tout serait plus facile entre le parti liberticide flanqué de sa docile C.G.T. et un nouveau parti socialiste agacé par la C.F.D.T. prêchant une prétendue démocratie économique».

Le « parti liberticides », c'est évidemment le Parti Communiste français. Voilà une étrange formulation sous le plume de militants se réclamant du trotskysme, formulation bien digne par contre de militants F.O. bon teint. Et quand on sait que l'O.C.I. fait du «Front Unique Ouvrier» avec le P.C.F. (parti «ouvrier liberticide » ?) et le P.S. (parti «ouvrier agacé par une organisation syndicale bourgeoise» ?) la clé de voûte de sa politique, on ne peut qu'être plongé dans une profonde perplexité. Mais il est vrai qu'il ne faut pas demander à des opportunistes d'être conséquents avec eux-mêmes.

Le fait que F.O. prêche ouvertement la collaboration de classe ne doit absolument pas empêcher des militants révolutionnaires exclus ou écartés de la C.G.T. d'y militer. Mais cela ne fait que rendre plus impératif pour eux de dénoncer dans leur presse politique, au moins, l'attitude de F.O., et de rappeler que cette confédération est restée ce qu'elle fut à sa naissance, à la fin de 1947, de par le volonté du gouvernement socialiste de l'époque et des dirigeants syndicalistes auxquels ce gouvernement était lié, une confédération de division, qui commença sa carrière en prenant position contre le vaste mouvement revendicatif dans lequel la classe ouvrière était alors engagée.

La Ligue Communiste, elle, n'écrirait évidemment pas ce genre de choses en ce qui concerne F.O. qu'elle considère comma un syndicat «jaune», au même titre qua la C.F.T.  Mais, là aussi, il est dommage que cette intransigeance soit à sans unique, et que la Ligue fasse preuve d'infiniment plus de mansuétude en ce qui concerna la C.F.D.T.

II est vrai qua la Ligue n'a recruté quelques éléments ouvriers que dans la période qui a suivi Mai 1968, et que ces éléments étaient pour la plupart soit des syndicalistes C.F.D.T., soit des jeunes travailleurs ayant beaucoup d'illusions (comme l'ensemble du mouvement gauchiste d'ailleurs) sur la C.F.D.T., et que ceci explique cela (avec en outre, évidemment, la fait que les frères ennemis de l'O.C.I. militent volontiers à F.O. !).

C'est ainsi que l'essentiel de l'activité syndicale des militants de la Ligue Communiste est consacré à la C.F.D.T., et que ces camarades militent « Pour une C.F.D.T. de lutte de classes » (pour reprendre la titre d’une brochure de la Ligue), ce qui est certes affirmer que la C.F.D.T. n'est pas encore tout à fait un syndicat de «lutte de classes », mais aussi qu'elle peut le devenir. Or c'est se faire, et propager, beaucoup d'illusions que d’émettre pareil jugement, illusions manifestes quand on voit Rouge, l'hebdomadaire de la Ligua Communiste, qualifier (dans son numéro du 12 février 1972) la C.F.D.T. da « nouveau centrisme à base salariée et à idéologie syndicaliste-révolutionnaire », et préciser, pour ceux qui auraient eu la tort de croire que cette définition s'appliquait uniquement à la base de la C.F.D.T., que « la direction actuelle de la C.F.D.T. est un bon exemple de ce néo-centrisme ».

La Ligue Communiste ne juge pas Force Ouvrière sur ce que cette confédération dit d'elle-même, mais sur ce qu'elle fait. Même si elle n'en tire pas toujours des conclusions absolument justes, elle emploie-là la seule méthode valable pour des marxistes. Mais que n'en fait-elle autant pour la C.F.D.T. ?

Dans se brochure déjà citée « Pour une C.F.D.T. de lutte de classes », la Ligue Communiste présente en effet l'évolution de la C.F.T.C. à la C.F.D.T. en ces termes : « L'évolution du christianisme social è l'humanisme social s'achève... au 35ème congrès où sera reconnue la lutte des classes et affirmée la volonté d'intervenir dans cette lutta pour construire une nouvelle société socialistes », mais on y chercherait vainement la moindre analyse de la politique de la direction de la C.F.D.T., de ses projets. « Le Congrès … a été d'une totale confusion politique » nous dit-on encore. Mais la confusion politique n'est certainement pas du côté des dirigeant de la C.F.D.T., qui savent très bien se donner ut visage «de gauche» sans s'engager, parce qu'ils savent très bien qu'il leur faut se donner ce visage s'ils veulent construire la grande confédération menant une politique de collaboration da classe de leurs rêves. La confusion politique est du côté des révolutionnaires qui prennent pour argent comptant les bonnes paroles de l'appareil.

Et la preuve da cette confusion, on la trouva dans la manière dont la Ligue Communiste défend ses militants exclus ou menacés d'exclusion par cet appareil C.F.D.T. Dans une brochure consacrée à ce problème, et intitulée « la Ligue Communiste répond à la C.F.DT. », la Ligue constate que : « La lutte contre les fractions a été le vieux cheval de bataille des majorités pour exclure les minorités ». Mais c'est pour aussitôt essayer de se justifier, essayer de démontrer que les militants de la Ligue ne constituant pas une fraction au sein de la C.F.D.T., ce qui serait, admet-elle, effectivement répréhensible, mais ne revendiquent que le droit de tendance. Et c'est pour affirmer finalement, en ce qui concerna les pratiques anti-démocratiques de la C.F.D.T.: « Mais dans l'ensemble, nous espérons que ce ne sont que des «bavures» (de même qu'il peut nous arriver de faire des erreurs, que nous sommes prêts à reconnaître) ».

La Ligue Communiste fait certes de nombreuses erreurs (qu'elle reconnaît d'ailleurs rarement), dont celle de renoncer à la défense du droit de fraction au sein des syndicats, sous prétexte de ne pas effrayer l'appareil, et celle de considérer les pratiques de l'appareil C.F.D.T. comme le fruit « d’erreur » de militants ouvriers honnêtes. Mais en essayant de sa débarrasser de militants révolutionnaires qui la gênent, l'appareil de la C.F.D.T. ne commet pas une  « erreurs ». Il mène au contraire une politique conséquente, et conforme à ses intérêts. Et à prétendre qu'il ne s'agit-là que d'erreurs fortuites, on se rend, qu'on le veuille ou non, d’une certaine manière son complice.

Mais ce suivisme de la Ligue Communiste par rapport à la C.F.D.T., comme le suivisme de l'O.C.I. par rapport à Force Ouvrière, ne se manifeste pas seulement dans les prises de positions publiques de ces organisations, prises de positions qui, pour être dénuées de principe, ne s'en adressent pas moins qu'à un nombre réduit de militants. Cet opportunisme syndical se manifeste aussi, et c'est au moins aussi grave, dans la pratique syndicale quotidienne des militants de la Ligue et de l'O.C.I.

C'est ainsi, par exemple, qu'au syndicat Force Ouvrière des usines Michelin à Clermont-Ferrand, les militants de l'O.C.I. de cette entreprise, recherchant contre les militants de notre tendance, l'appui des éléments de ce syndicat qui suivent l'appareil de Force Ouvrière, présentèrent un « Texte d'orientations » dans lequel on pouvait lire : « il ne s'agit pas de nous distinguer, mais de nous couler dans le mouvement syndical avec les moyens que nous avons, où tous, confédération, fédération des industries chimiques, U.D.63 (c'est-à-dire :Union départementale du Puy de Dôme), sont prêts à nous aider, si nous parvenons à dégager un programme revendicatif cohérent et une méthode qui conduit à nous faire admettre et reconnaître ». Autrement dit, ne faisons surtout rien qui nous distingue de Bergeron et de ses amis, et non seulement nous pourrons vivre tranquillement à F.O., mais nous pourrons même bénéficier de l'appui de l'appareil. Les militants de l'O.C.I. trouvèrent en tous cas l'appui des partisans de Bergeron au sein de ce syndicat. Mais qu'est-ce qui distingue dans ces conditions, ces militants des membres de l'appareil eux-mêmes ?

Il y a d'ailleurs dans l'attitude des militants de l'O.C.I. de chez Michelin, non seulement la volonté de s'aligner sur les positions de l'appareil, mais aussi celle de se démarquer des autres militants révolutionnaires. C'est d'ailleurs une pratique que l'O.C.I. a érigée en principe. Et c'est ainsi que l'on vit, par exemple, au dernier congrès du syndicat F.O. d'Air-France, les militants de l'O.C.I. voter pour toutes les propositions, sauf celles émanant de militants de notre tendance, voter pour tous les candidats au bureau national, même les plus réformistes, mais pas pour nos camarades. Les militants de l'O.C.I. qui croient pouvoir s'attirer ainsi les bonnes grâces de l'appareil y réussiront peut-être. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ils auront cessé bien avant d'être des militants.

Nous avons vu comment, de son côté, la Ligue Communiste se gardait bien de s'opposer, dans sa presse politique nationale, à l'ensemble de l'appareil C.F.D.T., essayant de distinguer les dirigeants «démocrates» des autres, et faisant dans tous les cas toujours semblant de croire à leur sincérité. Cette attitude se retrouve évidemment dans la politique que mènent les militants de la Ligue dans les entreprises.

C'est ainsi qu'on pouvait lire, dans un tract politique de la Ligue diffusé en mai 1972 chez Roussel-Uclaf, à propos de l'attitude des confédérations syndicales lors de la grève du Joint Français : « A la C.F.D.T. la parole est à la base. C'est une bonne chose car cela permet aux Travailleurs de mener efficacement la lutte dans leur entreprise. A Pennaroya, Girosteel, le Joint Français, la base a pu organiser la lutte, rechercher un soutien extérieur et remporter la victoire. La C.F.D.T. y a été à la pointe du combat ». Après avoir décerné à la C.F.D.T. un satisfecit sans ambiguïté, la Ligue émet cependant une légère réserve : « Si Edmond Maire a raison de considérer les journées nationales d'action préconisées par Georges Séguy comme un «frein» et un «éteignoir», il ne donne pas non plus de véritables perspectives aux Travailleurs... La direction da la C.F.D.T. ne tire pas tous les enseignements de la grève du Joint ».

Et exactement comme la politique de I'O.C.I. l'amène à se présenter comme le meilleur défenseur de F.O. (« La direction du syndicat doit être à ses meilleurs constructeurs » pouvait-on encore lire dans le « Texte d'orientations » de Michelin-Clermont déjà cité), la politique de la Ligue l'amène à se présenter comme le meilleur constructeur da la C.F.D.T. Dans sa polémique avec l'appareil C.F.D.T. da Normandie, Rouge se justifiait ainsi, dans son numéro du 26 février : « L'intervention des militants de la Ligue a partout renforcé et non affaibli le syndicat.,. A la raffinerie Shell Barre de Petit-Couronné, la C.F.D.T. a constamment renforcé ses positions depuis se création, les élections successives marquant une implantation accrue de la C.F.D.T. ».

Un militant révolutionnaire que les circonstances ont amené à militer à la C.F.D.T. ou à F.O. a évidemment la droit de faire état de son activité syndicale, de ses résultats, auprès de ses camarades de syndicat. Mais l'organisation révolutionnaire à laquelle il appartient n'a pas le droit pour autant d'essayer de se présenter comme le meilleur défenseur da la boutique syndicale en question. Ce ne serait pas juste en ce qui concerne la C.G.T. Et c'est encore bien plus faux par rapport à la C.F.D.T. ou à F.O..

Les révolutionnaires voient certes dans les syndicats la forme élémentaire d'organisation des travailleurs qu'il convient de développer et de renforcer. Parce qu'ils travaillent à organiser tous les travailleurs, sans exception, et parce qu'ils n'ont pas d'autres intérêts à défendre que les intérêts de l'ensemble de leur classe, les militants révolutionnaires doivent être les meilleurs militants du syndicat. Mais s 'ils défendent le principe de l'organisation syndicale, s'ils cherchent effectivement à organiser réellement le plus grand nombre de travailleurs possible, les militants révolutionnaires se refusent évidemment à défendre telle boutique syndicale contre telle autre, c'est-à-dire tel appareil contre tel autre, à cautionner le politique de l'un d'eux.

Contraint par l'appareil C.G.T. à aller chercher une activité syndicale de remplacement à la C.F.D.T. ou à F.O., le militant révolutionnaire poursuit le même but fondamental que celui qu'il se donnait à la C.G.T.: essayer de redonner aux travailleurs le goût de se réunir pour discuter de leurs problèmes, pour décider des solutions qu'on peut leur apporter, en un mot le goût de l'organisation. Sur ce plan-là, son activité sera donc identique à celle qu'il menait auparavant à la C.G.T. : il s'agit de faire en sorte qu'il y ait des réunions syndicales régulières, qu'elles regroupent le plus grand nombre de travailleurs possibles, syndiqués ou non syndiqués, qu'elles soient vivantes et intéressantes, que les décisions y soient prises démocratiquement et les organismes dirigeants démocratiquement élus. Il faut cependant remarquer que si cette activité est généralement plus facile à la C.F.D.T. ou à F.O. qu'à la C.G.T., à cause du poids plus faible de l'appareil, elle n'y est pas pour autant plus efficace, car il y a finalement plus de travailleurs prêts à se réunir avec la C.G.T. ou en son sein, qu'avec les autres confédérations syndicales.

Dans cette activité, les militants révolutionnaires visent le fond et non la forme, ils visent à organiser effectivement les travailleurs, et pas seulement à les «syndiquer», et ils doivent donner plus de prix au fait de réunir régulièrement un certain nombre de travailleurs, non syndiqués au besoin, qu'au fait de placer des cartes syndicales à des travailleurs qui ne se réuniront jamais. Les deux choses, réunir les travailleurs, et les syndiqués, ne sont évidemment pas, du moins en général, contradictoires. Mais il est bon de préciser quel est l'aspect de ce travail que les révolutionnaires doivent considérer comme le plus important, de préciser - par rapport à ceux qui se veulent les «meilleurs constructeurs» du syndicat - que les militants révolutionnaires se donnent pour tache de donner aux travailleurs le goût de l'organisation syndicale, et non de chercher simplement à améliorer les statistiques de telle ou telle section syndicale, en ce qui concerne le nombre de cartes ou de timbres placés, ou le nombre de voix obtenues lors de telle ou telle consultation électorale.

Dans leur activité syndicale, les militants révolutionnaires doivent aussi, évidemment, défendre les conceptions qui sont les leurs, dans le domaine de l'activité syndicale proprement dite et de l'activité revendicative. Ils peuvent d'ailleurs généralement le faire plus facilement à la C.F.D.T. ou à F.O. qu'à la C.G.T., et ils doivent en tous cas le faire le plus ouvertement possible, car il l'importance, et la priorité absolue, que nous accordons au travail au sein de le C.G.T. justifie amplement le fait d'y militer quasi-clandestinement, le fait d'y taire une grande partie de ses opinions et de son programme, pour éviter l'exclusion ou la mise à l'écart, la même attitude serait, à la C.F.D.T. ou à F.O., dépourvue de sens. Elle n'aurait d'ailleurs d'autre signification que de permettre au militant considéré de progresser dans la hiérarchie syndicale, ce qui présente un intérêt certain quand cette progression correspond à un soutien des travailleurs, mais en est totalement dénuée lorsqu'elle est due à la bienveillance de l'appareil. Militer à la C.F.D.T. ou à F.O. n'a finalement de sens que lorsqu'on peut y défendre ouvertement ses opinions, et c'est d'ailleurs en fonction des possibilités d'expression qu'il aura dans tel ou tel syndicat que le militant révolutionnaire écarté de la C.G.T. devra en particulier choisir dans quelle confédération syndicale Il poursuivra dorénavant son activité.

Mais il faut bien comprendre que défendre ses conceptions dans la section syndicale, essayer de les faire partager par celle-ci, ce n'est pas forcément contribuer à «construire» le syndicat, eu sens du moins où l'entend l'appareil, car le fait que la section syndicale adopte une ligne de classe peut très bien amener un certain nombre de syndiqués réformistes à la quitter, et ne lui vaudra pas forcément la faveur immédiate des travailleurs.

Les militants révolutionnaires, qui défendent le principe d'une confédération syndicale unique et démocratique, susceptible de regrouper tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions, sans aucune exception, ne sont évidemment pas partisans d'exclure les réformistes du syndicat (ou les staliniens à la C.G.T.), ni de les écarter de l'activité syndicale, quand ils ont conquis le majorité au sein du syndicat. La défense de la démocratie ouvrière et syndicale est pour les révolutionnaires une position de principe, et non une astuce tactique, et une telle attitude serait une violation honteuse de leurs propres principes. Mais il peut arriver que ce soient les réformistes (ou même, encore plus exceptionnellement les staliniens au sein de la C.G.T.) qui prennent l'initiative de la rupture, et que la présence de militants révolutionnaires dans le syndicat, ou à sa direction, se traduise finalement par une diminution des effectifs.

De la même manière, la défense par une section syndicale de positions de classe peut très bien amener une diminution de son influence électorale, dans la mesure où cela peut l'amener à se heurter aux préjugés d'un nombre non négligeable de travailleurs. Présenter par exemple sur les listes de candidats aux élections de délégués du personnel des travailleurs immigrés peut très bien amener un certain nombre de travailleurs français racistes à refuser leurs suffrages à cette liste. Plus généralement, il convient de ne pas oublier que si les militants révolutionnaires défendent toujours, en toutes circonstances, les intérêts généraux des travailleurs, l'ensemble des travailleurs ne se reconnaît pas toujours dans l'organisation syndicale qui défend ses intérêts. Pour ces raisons, faire des résultats électoraux d'une section syndicale, ou du nombre de cartes qu'elle a placé, le seul critère permettant de juger la qualité de l'activité de sa direction est donc loin d'être juste, d'un point de vue révolutionnaire, et c'est évidemment encore bien plus faux quand c'est l'appareil que l'on fait juge de cette activité.

Dans le domaine de l'activité syndicale comme en tout autre, le seul critère qui doit déterminer l'attitude des révolutionnaires, c'est le but final qu'ils poursuivent, et la politique qu'ils doivent défendre n'est donc pas forcément, par voie de conséquence, celle qui est la plus susceptible de plaire dans l'immédiat au maximum de travailleurs, mais celle qui sera la plus capable d'élever le niveau de conscience de la grande masse des travailleurs.

Il ne s'agit pas de faire de pauvreté vertu, d'ériger en principes les difficultés de l'activité syndicale, et de préconiser la création de sectes syndicales n'organisant que les travailleurs d'accord avec nos positions politiques. Mais il s'agit, sous peine de sombrer dans l'opportunisme le plus plat, de ne pas oublier les buts que nous poursuivons sur le terrain syndical, c'est-à-dire l'organisation réelle du maximum de travailleurs, bien sûr, mais aussi la défense d'une politique de classe, l'extension et l'influence des idées et de l'organisation révolutionnaire au sein de la classe ouvrière, et évidemment la lutte contre les appareils bureaucratiques qui paralysent le développement des luttes ouvrières.

L'appareil stalinien est, aujourd'hui, en France, le frein le plus efficace sur ce terrain-là. C'est l'une des raisons, d'ailleurs, pour lesquelles nous pensons que les révolutionnaires doivent militer en priorité à la C.G.T.. Mais s'il est le plus efficace, cela ne signifie pas pour autant qu'il est le plus intégré à l'appareil d'Etat, bien au contraire. L'appareil de F.O. et l'appareil de la C.F.D.T., au même titre pratiquement l'un que l'autre, sont infiniment plus intégrés à cet appareil d'Etat, infiniment plus « à droites politiquement », pour autant que cette expression ait un sens, même si les dirigeants de la C.F.D.T. manient volontiers la phrase gauchiste. C'est dire que ce serait une erreur considérable, pour des militants révolutionnaires amenés par la force des circonstances à militer à la C.F.D.T. au à F.O., de considérer la direction de l'une ou l'autre de ces confédérations comme un allié possible dans la lutte contre l'appareil stalinien, et une erreur encore plus grave d'épouser les querelles des bureaucrates de F.O. ou de la C.F.D.T. contre l'appareil C. G. T..

En militant à F.O. ou à la C.F.D.T., les révolutionnaires ne doivent jamais oublier que s'ils ont été, eux, personnellement contraints d'entrer dans l'un ou l'autre de ces syndicats pour continuer à avoir une activité syndicale, l'effort principal de leur organisation, et par conséquent leur propre effort principal, doit être dirigé en direction des travailleurs influencés par le stalinisme. C'est dire qu'ils doivent généralement défendre une politique diamétralement opposée, sur ce terrain, à celle de leur confédération syndicale respective.

Toute la politique de Force Ouvrière, par exemple, consiste à refuser systématiquement l'unité d'action avec la C.G.T., accusée d'être l'émanation syndicale du Parti Communiste Français. L'attitude des révolutionnaires militants à F.O. doit se situer aux antipodes de celle de Bergeron et de ses anis, non seulement en réclamant dans les congrès l'unité d'action avec la C.G.T., ce que font effectivement les militants de l'O.C.I., mais surtout en mettant tout en œuvre, sur le plan de chaque entreprise, pour essayer de réaliser concrètement cette unité d'action avec le C.G.T. à l'occasion de chaque mouvement revendicatif ou de chaque manifestation, sans cesser pour autant de défendre leurs propres opinions sur les revendications qu'il conviendrait d'avancer en telle ou telle circonstance, et sur les moyens de les faire aboutir.

Une telle attitude oblige en particulier à se démarquer totalement de l'anti-communisme viscéral de la direction de Force Ouvrière. Mais c'est la seule manière de prouver aux travailleurs influencés par le Parti Communiste Français et par la C.G.T. que les militants révolutionnaires, loin d'être leurs adversaires, se placent fondamentalement dans le même camp qu'eux, celui de la classe ouvrière.

Il s'en faut malheureusement, et de beaucoup, que les militants de l'O.C.I. adoptent toujours au sein de Force Ouvrière une telle attitude. Nous avons déjà cité le communiqué de février 1972 sur le «parti liberticide», reprenant mot pour mot la phraséologie de Force Ouvrière. Mais ce n'est pas le seul exemple, et même lorsqu'ils réclament l'unité d'action avec la C.G.T. (ce qui n'est pas en soi particulièrement révolutionnaire, puisque la C.F.D.T. la pratique volontiers) les militants de l'O.C.I. se croient obligés d'utiliser le vocabulaire de F.O., c'est-à-dire de se placer du point de vue des réformistes. C'est ainsi qu'au congrès de 1966 de cette confédération, un dirigeant connu de l'O.C.I. s'écria à la tribune, pour réclamer l'unité d'action avec la C.G.T.: « A propos de la C.G.T., nous pourrions leur tenir le langage suivant : «Vous êtes des canailles et nous le savons ; mais ceci ne nous intéresse pas ; bien que nous le disions. Mais pour l'intérêt de la classe ouvrière, et par rapport à la politique qui est la nôtre, alors nous sommes prêts à faire l'alliance avec vous ».

Propos unitaires ? Si l'on veut. Mais quel travailleur Influencé par la C.G.T. pourra croire que les gens qui à la tribune du congrès Force Ouvrière, et quoi qu'ils disent par ailleurs, traitent les dirigeants de la C.G.T. de «canailles», et Bergeron et ses amis de «camarades», sont vraiment dans le même camp qu'eux.

Le réflexe de ce travailleur, ce sera au contraire de croire que finalement les trotskystes et les sociaux-démocrates de F.O. défendent la même politique, les uns avec un vocabulaire plus radical que les autres, certes, mais en étant tous d'accord sur ce point que les dirigeants de la C.G.T. sont des « canailles ».

Ce n'est pas l'épithète, en elle-même, qui nous gêne. Que Frachon, Séguy et Krasucki soient traités de canailles ne nous dérangent pas en soi. Mais que l'on fasse juge de cela le «camarade» Bergeron qui mérite au moins autant l'épithète de «canaille» nous semble indigne de révolutionnaires.

Et le problème se pose en des termes à peu près identiques pour les révolutionnaires qui militent à la C.F.D.T. Faire semblant de considérer les dirigeants de F.O. comme des «démocrates sincères», face aux staliniens «liberticides», ou faire semblant de considérer la C.F.D.T. (voir Rouge du 18 novembre 1972) comme une confédération sincèrement «socialiste» qui « a su parer les objections qui pouvaient lui être faites du côté du P.C.F. quant à la valeur de ses engagements socialistes, en se déclarant nettement, non seulement pour la lutte de classe, mais aussi pour la production sociale des moyens de production et la planification», et qui « a su parallèlement contre-attaquer en ajoutant que ces éléments étaient indissociables d'une perspective clairement (sic) autogestionnaire », mais qui n'aurait pas par contre «clairement» saisi le problème de l'Etat, c'est du pareil au même. C'est s'adapter finalement au vocabulaire, et, par la même occasion, à la politique de confédérations réformistes, renoncer à se distinguer de celles-ci, et par la même occasion renoncer à toute politique capable d'influencer les travailleurs qu'il est absolument indispensable de gagner si l'on veut pouvoir un jour construira le parti ouvrier révolutionnaire : ceux qui, jusqu'à présent sont organisés par l'appareil stalinien ou influencés par lui, parce qu'ils ressentent plus ou moins confusément que cet appareil est finalement, de tous les appareils syndicaux, celui qui est le moins intégré à la bourgeoisie française et à son Etat.

Le travail au sein de la C.F.D.T. ou de Force Ouvrière, peut être, pour des militants écartés de la C.G.T., le tremplin, le moyen par lequel ils peuvent agir, dans certaines circonstances sur l'appareil stalinien de la C.G.T. qui, lui, et lui seul, sauf dans certains milieux limités, possède l'influence sur les travailleurs.

Par cet intermédiaire les militant ouvriers révolutionnaires peuvent intervenir publiquement en tant que révolutionnaires, ce qui leur est généralement refusé au sein de l'appareil syndical C.G.T..

Mais il ne peut être question de conquérir une influence notable sur la classe ouvrière française, et espérer diriger ses combats à venir par l'intermédiaire de la C.F.D.T. ou de F.O. Le travail au sein de ces confédérations ne peut donc n'être qu'une partie, et qu'une faible partie, d'un tout qui comprend obligatoirement l'activité plus ou moins clandestine au sein de la C.G.T. comme activité purement syndicale, et une activité publique, large, au sein des entreprises, ainsi qu'une activité directe, clandestine ou pas, auprès des militants staliniens.

Hors de ce cadre, il n'y a finalement de possible qu'une activité opportuniste, de «syndicalistes de gauche» peut-être, mais sûrement pas de militants révolutionnaires, au sein des syndicats.



(1) Voir Lutte de Classe No 1 (Les militants révolutionnaires et les syndicats) et No 3 (Que faire dans les syndicats ? 1- L'activité des révolutionnaires à la C.G.T.).
Barnabé
 
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Message par Rojo Amanecer » 03 Juil 2004, 00:53

Oui, il faut aller chercher les travailleurs où ils se trouvent.
Oui, il faut aller remuer le bourbier des syndicats jaunes pour éveiller les consciences endormies sur les promesses berçantes des bureaucrates.
Et cela même si c'est désagréable.
L'une de nos principales tâches, en tant que révolutionnaires, est de faire apparaître aux travailleurs l'appareil capitalistes dans son hideuse totallité, d'éclairer jusqu'à ses plus sombre recoins pour convaincre les masses de remplacer ce monstre grinçant, avachi et corrompu par une société neuve.
Et ça implique tout un tas de choses,et pas des plus agréables.
Ca implique de chasser l'ignorance et les préjugés partout ou ils se trouvent, ça implique de traquer jeter à bas les mythes et mensonges de l'extrême droite en quête de popularit auprès des démunis, cela inclut dépoussiérer les syndicats encrassés de bureaucratie et de bourgeoisie, et dénoncer partout où ils sont les complots des classes aisés pour maintenir les masses laborieuses sous la coupe bourgeoise en lui donnant un placebo de lutte sociale...
C'est cela, et seulement cela, qui nous permettra un jour d'hisser le rouge étendard sur les Champs Elysées, pour enfin chasser les puissants arracher leurs masques.

Mais je m'égare...
En fait, je m'égare depuis le début :emb: :headonwall:
Rojo Amanecer
 
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Inscription : 24 Mai 2004, 18:17

Message par artza » 03 Juil 2004, 06:18

Un mot quand même sur cette histoire de syndicat. Aujourd'hui nombre de responsables syndicaux et je parle de petits ne rendent compte à personne de ce qu'ils font et pourquoi. Leur seul problème les heurts éventuels avec leur hiérarchie syndicale qu'ils doivent eviter et gérer, car c'est de cette hiérarchie que dépend leur "autorité" et non d'une base trop souvent muette quand elle n'est pas inexistante. Face à toutes les pressions auxquelles est soumis un militant syndical, la direction de la boite, la bureaucratie syndicale, la situation actuelle, tous les préjugés sont seul garde-fou c'est l'organisation politique et le contrôle quotidien de celle-ci sur l'activité de ses militants y compris ET D'ABORD l'activité syndicale génératrice de corruption, en plus clair les militants communistes doivent s'épauler mutuellement. Sinon nous avons "des individualistes qui sous le drapeau de tout ce qu'on voudra: province, ville, SYNDICAT(...) défendent invariablement leur propre individualisme petit-bourgeois contre le contrôle, la responsabilité et la discipline(...) L. Trotsky:"Le drame du prolétariat français".
artza
 
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