Où passe la ligne entre droite et extrême-droite ?
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La presse d'extrême droite ouvre ses colonnes à Philippe de Villiers
LE MONDE | 10.06.04 | 14h16
Le président du MPF a donné des interviews à "Présent" et "Minute".
À quatre jours des élections européennes, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), est à l'honneur dans le quotidien d'extrême droite Présent, qui lui a consacré la première page de son édition du mercredi 9 juin. Le candidat souverainiste, qui présente des listes dans les sept circonscriptions métropolitaines et conduit en personne celle de l'Ouest, a accordé un long entretien, qui occupe une page et demie (sur les quatre que compte le journal). Cette mise en scène atteste à la fois l'intérêt que porte à M. de Villiers le quotidien catholique traditionaliste, aujourd'hui en froid avec Jean-Marie Le Pen, et le souci du candidat vendéen de s'adresser aux électeurs d'extrême droite.
M. de Villiers, qui se prévaut du soutien de Jean-Pierre Raffarin pour la constitution d'un pôle souverainiste susceptible d'affaiblir le FN (Le Monde du 9 juin), lance, notamment, un appel à tous ceux qui "considèrent que la situation de la France est très inquiétante", précisant : "Les élections européennes sont l'occasion (...) de faire émerger une force politique à partir de ce que j'espère être un succès, pour fédérer à l'avenir des gens différents les uns des autres."
Défenseur habituel des valeurs chrétiennes, le député s'explique longuement sur l'avortement et plaide pour une révision de la loi Veil qui, dit-il, s'est "banalisée". "Une société dans laquelle la loi légale se dissocie de la loi morale est une société qui se perd", soutient-il avant d'ajouter : "Il faudra bien qu'un jour on repose le problème à partir de l'avertissement de Mère Teresa : l'avortement est la principale menace sur la paix du monde."
ALLUSIONS À M. LE PEN
Le président du MPF considère que la France est "une société complètement déstructurée puisqu'elle est complètement coupée de ses racines". Et il déplore qu'elle soit "le seul pays au monde où l'on n'apprend pas l'amour de la patrie". Dans cet entretien au quotidien d'extrême droite, M. de Villiers ne cite jamais Jean-Marie Le Pen mais procède par allusions. Ainsi, lorsqu'il déclare "que la manière" dont il "présente les choses" lui vaut "un certain crédit sans être accusé de ceci ou de cela" et qu'il insiste en disant que "le problème de la vie politique française aujourd'hui c'est qu'il faut apparaître comme comestible", on ne peut s'empêcher de penser à M. Le Pen, condamné plusieurs fois pour des propos racistes et antisémites.
"J'appartiens à la nouvelle génération : alors que la France est cassée et courbaturée de partout, je ramasse le drapeau dans le ruisseau et je le reprends", conclut-il.
Dans l'hebdomadaire Minute du 9 juin, M. de Villiers est plus direct à l'égard de M. Le Pen. Il est vrai que cette publication, qui sert de passerelle entre la droite et l'extrême droite, lui ouvre ses colonnes en même temps qu'au président du FN et titre en "une": "Le Pen-Villiers, le duel" Invité à dire ce qui le différencie de M. Le Pen, M. de Villiers revient sur les déclarations de ce dernier sur le mariage homosexuel célébré par Noël Mamère, maire (Verts) de Bègles (Gironde). Alors que M. Le Pen avait assuré, le 2 juin, que "si on veut donner à son outing un caractère officiel, c'est l'affaire de chacun, ce n'est pas une affaire d'Etat", M. de Villiers juge que "c'est une blessure à l'autorité de l'Etat" et ironise en soulignant que, "sous l'influence de sa fille, -M. Le Pen- est prêt, pour rattraper des électeurs, à plaire aux politiquement corrects plutôt qu'à convaincre".
"J'aurai la possibilité, avec les conservateurs britanniques et nos amis polonais et tchèques, de constituer un grand groupe souverainiste qui sera capable de s'opposer à l'entrée de la Turquie et de mieux contrôler Bruxelles, plutôt que de rester isolé aux non-inscrits comme Jean-Marie Le Pen", affirme, par ailleurs, le président du MPF. Alors qu'il avait démissionné de ses mandats en 1994 et 1999, M. de Villiers confirme qu'il restera, cette fois, au Parlement européen s'il est élu : "Je vais là où est le pouvoir. Avant, il était encore à dominante nationale, il sera demain, hélas, avec la future Constitution européenne, à Bruxelles."
Elie Barth et Christiane Chombeau