xénophobiE En 2003
Les actes racistes aux trois quarts antisémites
Les faits racistes et antisémites régressent en 2003 (817 actes, - 37,7%), mais s'enracinent en France, s'inquiète la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son rapport annuel remis hier matin au premier ministre.
Les actes antisémites, qui avaient véritablement explosé en 2000, puis en 2002, diminuent, passant de 932 à 588. Pour autant, les Juifs restent les premières victimes des faits racistes : 72% des violences et menaces recensées en 2003 par le ministère de l'Intérieur les visent. Ce passage à l'acte antijuif s'exerce surtout en Ile-de-France, qui concentre 71,2% des violences. Les jeunes sont devenus de nouvelles cibles : sur les 125 actions les plus graves (70 agressions – 21 blessés –, 49 dégradations et 6 incendies criminels), 32 concernaient des élèves juifs, attaqués parfois dans leur établissement public, mais également à la sortie de leur école religieuse.
L'extrême droite, majoritairement responsable des agressions racistes dans les années 90, est en 2003 à l'origine de 18% de ces actes. Les autres reviennent à «une minorité recherchant des affrontements communautaires» ou à de «jeunes délinquants de quartiers sensibles» et fluctuent au rythme de l'actualité au Moyen-Orient. Au printemps 2003, «les hostilités en Irak ont été suivies d'une nette augmentation de la violence antijuive», souligne le rapport.
Les actes et menaces racistes et xénophobes (hors antisémitisme) sont en régression en 2003, passant de 381 à 229 (dont 92 violences) et se révèlent un peu moins graves avec 11 blessés contre 21 et un mort en 2002. Les Arabes sont les premiers visés. Sur 36 agressions xénophobes ou racistes recensées, 29 concernent des individus d'origine maghrébine et 13 proviennent de l'extrême droite. La Corse conserve son triste record, puisque 9 Maghrébins ont été blessés sur l'île sur un total national de 11.
Le rapport évoque un glissement d'une «hostilité à l'immigration maghrébine, prédominante dans les années 90» à une «hostilité à l'islam, aux musulmans, avec des amalgames avec la délinquance des quartiers dits sensibles, avec le fondamentalisme ou le terrorisme».
Pour autant, l'islamophobie, vigoureusement dénoncée par certaines associations antiracistes, ainsi que par les organisations musulmanes ne transparaît que partiellement dans les chiffres. En 2003, le ministère de l'Intérieur a relevé une «dizaine d'incidents antimusulmans importants» contre des lieux de culte et des stèles funéraires. Début 2004, plusieurs attaques contre des salles de prière, dans diverses régions, pourraient indiquer un mouvement en hausse, selon Gérard Fellous, secrétaire général de la CNCDH. Une «accélération» notée par le ministère de l'Intérieur, qui récuse par contre «l'idée d'une vague d'islamophobie» ou «d'affrontements communautaires : les Juifs ne s'en prennent pas aux musulmans».
Comparativement aux États-Unis ou à l'Angleterre, la France n'a d'ailleurs connu que de faibles réactions antimusulmanes après le 11 septembre 2001. De plus, l'image de l'islam, quoique marquée par la «suspicion», s'améliore dans la société française, à en croire le rapport CNCDH. Seul le voile, «parce qu'il touche à l'image de la femme», cristallise les rejets. La CNCDH réclame donc la vigilance sur le terrain, mais dénonce «certains courants intégristes» qui tentent de transformer le racisme antimaghrébin en «islamophobie» pour «tirer bénéfice des frustrations et faire du religieux le critère de différenciation».