Publication d'un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Le racisme perdure et se transforme
«Les fluctuations de [l']antisémitisme suivent clairement les vicissitudes de l'actualité internationale.» Dans le rapport du CNCDH n 2003, les injures et les violences racistes ont fortement augmenté en milieu scolaire. C'est sans doute l'élément le plus inquiétant du rapport 2003 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) remis hier au Premier ministre. Trente-deux mineurs ont été agressés parce qu'ils étaient juifs, presque la moitié des agressions antisémites 70 au total recensées l'année dernière.
Plaintes. Pour l'ensemble de la société, le constat est le même : le racisme demeure une réalité en France. Et il prend plusieurs formes, des injures aux coups et blessures. Premiers visés : les juifs. En 2003, 588 actes antisémites ont été relevés, un chiffre en diminution par rapport à 2002 (932), mais qui reste deux à trois fois plus élevé que dans les années 90. «Les statistiques, particulièrement depuis 2000, montrent bien que la violence contre la communauté juive s'enracine et s'aggrave», observe la CNCDH. Egalement visés, les Maghrébins, victimes de 29 actes de violences recensés par la commission, chiffre évidemment sous-estimé. En effet, si le décompte des actes antisémites est sans doute assez proche de la réalité, le Conseil représentatif des institutions juives (Crif) opérant son propre recensement dont le résultat corrobore les chiffres de la police, celui des actes antimaghrébins est a priori sous-évalué. Il n'existe pas, en effet, de Crif arabe, et ces victimes-là hésitent souvent à entrer dans un commissariat pour déposer plainte. La commission a toutefois repéré un élément nouveau : «une confusion croissante entre l'hostilité à l'immigration maghrébine, prédominante dans les années 90, et une hostilité à l'islam, aux musulmans, avec des amalgames avec la délinquance dans les quartiers dits sensibles, avec le fondamentalisme ou le terrorisme». Faut-il considérer, pour autant, qu'un nouveau type de racisme, l'islamophobie, est en train d'émerger en France ? Certaines associations comme le Mrap en ont fait leur cheval de bataille. D'autres, comme la LDH (Ligue des droits de l'homme) récusent le terme d'islamophobie. La commission ne tranche pas, et consacre une bonne partie de son rapport au sujet. Reconnaissant d'un côté que des «phénomènes d'hostilité à l'égard de l'islam se manifestent dans la société française», mais que «certains courants intégristes tentent d'obtenir la requalification du racisme antimaghrébin en "islamophobie" pour mieux tirer bénéfice des frustrations, jouer sur les replis identitaires religieux de la population maghrébine et faire du religieux le critère absolu de différenciation, de partage».
Le rapport ne distingue pas les Noirs et les Asiatiques, se contentant de signaler le chiffre global de 817 actes racistes en 2003.
Mouvance. Sur les auteurs de ces actes, les tendances observées par la CNCDH les précédentes années se confirment. Pour les actes antisémites, il s'agit le plus souvent «de jeunes délinquants de quartiers sensibles» : «Les fluctuations de [l']antisémitisme suivent clairement les vicissitudes de l'actualité internationale, qu'il s'agisse des confrontations israélo-palestiniennes, de la guerre en Irak ou du terrorisme». La part de l'antisémitisme attribuée à l'extrême droite continue en revanche de se réduire. Mais, depuis quelques années, observe la commission, «la nébuleuse française des négationnistes tente d'utiliser la tribune du monde scolaire et universitaire pour faire oeuvre de prosélytisme». Cette même mouvance est à l'origine de la plupart des actes antimaghrébins. Mais elle aurait élargi sa cible des Maghrébins et des Beurs aux «communautés arabo-musulmanes» en général.
Comme chaque année, la commission a inclus dans son rapport les résultats d'un sondage (lire encadré). Et les personnes interrogées, conscientes du niveau élevé du racisme en France, ne se trompent pas de cible. Contrairement à ce que semblent indiquer les chiffres recensés, elles estiment que les Arabes, Maghrébins, musulmans, en sont les principales victimes, devant les juifs.