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Besancenot dispense des cours de Grand Soir
En campagne à Paris-X Nanterre, le porte-parole de la LCR a évoqué ses souvenirs d'étudiant révolutionnaire.
Par Didier HASSOUX
vendredi 05 mars 2004
(1) Le 1er février, en campagne électorale avec Jean-François Copé, le ministre de l'Intérieur avait dû rebrousser chemin après une «bousculade» aux Halles.
La nostalgie, camarade. Olivier Besancenot est revenu, hier, là où il avait fait ses classes de révolutionnaire, à la fin du XXe siècle. De 1992 à 1997, le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) a écumé les amphis de l'université Paris-X Nanterre, y a passé une multitude de petites journées à préparer le Grand Soir. C'est là qu'il s'est forgé sa conscience de trotskiste et, accessoirement, a obtenu une licence d'histoire.
«Vieux cons». Hier, à la mi-journée, il était de retour pour un meeting électoral en compagnie de Jean-Luc Gaillard, «camarade de Lutte ouvrière» et conseiller régional sortant. Mais Nanterre n'est plus ce qu'elle était. Besancenot ne s'y retrouve plus. «C'est fou ce que ça a changé. Il est où, le grand couloir ?», interroge-t-il à la cantonade. «Franchement, c'est un peu bizarre de revenir. Je flippe drôlement. Je ne veux pas jouer les vieux cons, mais les murs n'ont plus la parole. Et lorsque je suis rentré, j'ai eu l'impression d'entrer dans un commissariat (de fait, des vigiles déguisés en CRS rôdent autour de l'amphi, ndlr). Bientôt Sarkozy va débarquer. S'il vient, faites la même chose qu'au Forum des Halles (1), démerdez-vous pour qu'il coure vite ! »
Aujourd'hui, l'étudiant est devenu prof. Deux heures pour faire savoir comment «un mouvement de résistance global aujourd'hui prépare la révolution de demain». Parce que, selon le vieux principe, il faut toujours remettre au lendemain qui chante la révolution qu'on n'a pas pu faire le jour même. L'amphi D1 est bourré : 600 révolutionnaires en devenir acquis à la cause, et quelques professeurs en période revival.
C'est (aussi) ici que Mai 68 a commencé. Ouverte en octobre 1964, la fac de lettres et de sciences avait pour vocation de décongestionner la vieille Sorbonne. Le philosophe Paul Ricoeur a voulu en faire une université de la critique et de la contestation sociale. Dany Cohn-Bendit y a insulté un ministre de De Gaulle préposé aux sports, François Missoffe. Besancenot connaît cette histoire de la révolte par coeur.
Mais la prochaine, celle à venir, elle, va aboutir. Il y croit tellement qu'il s'applique à montrer à son auditoire recueilli et poli «les différences entre mars 2004 et Mai 68» : «Aujourd'hui, l'emploi est devenu une obsession. Aujourd'hui, les travailleurs sont tous des chômeurs en sursis.» Il est donc nécessaire «d'organiser la résistance sociale». Ça tombe bien, affirme le trotskiste, les «résistants» sont dans l'amphi D1. Ils n'ont jamais été aussi nombreux, aussi prêts, aussi dispos, selon lui. Et quand bien même : «Peu avant Mai 68, décembre 1995 et même juin 2003, personne n'aurait parié sur une explosion sociale.» Applaudissements nourris et toujours polis.
Questions. C'est le temps des questions des élèves au maître ès révolutions. Les étudiants-diants osent en tutoyant le camarade enseignant. L'une d'entre eux lance : «Pourquoi, lors de son dernier congrès, la Ligue a-t-elle abandonné la dictature du prolétariat ?» Réponse de Besancenot : «Il n'y a qu'à Nanterre que l'on me pose ce genre de questions. Depuis que je suis à la Ligue, jamais nous n'avions employé cette expression. Depuis Marx, un peu d'eau a coulé sous les ponts. Je n'aime pas le terme "dictature". Pour moi, la révolution c'est la démocratie totale.» D'autres questions ? Oui. «Et la division du travail, alors», camarade ? Justement : Olivier Besancenot a des «salariés précarisés» de chez Virgin à aller soutenir sur les Champs-Elysées.
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