L'UMP cherche à durcir la loi sur la laïcité

Message par faupatronim » 07 Jan 2004, 15:52

(Le Monde @ 7 janvier 2004 a écrit :
L'UMP cherche à durcir le projet de loi sur la laïcité à l'école



Plusieurs dirigeants du parti chiraquien, dont Alain Juppé et Jacques Barrot, se disent favorables à un amendement qui viserait à proscrire les signes politiques en plus des signes religieux ostensibles. Le texte du gouvernement, rédigé par Luc Ferry, devrait être présenté le 28 janvier en conseil des ministres.

Faut-il interdire à l'école les signes politiques au même titre que les signes religieux  ? L'avant-projet de loi sur la laïcité rédigé par le ministre de l'éducation nationale, Luc Ferry et transmis lundi 5  janvier au Conseil d'Etat, s'en tient aux "signes et tenues qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse des élèves".  La formulation reprend au mot près la déclaration du président de la République, Jacques Chirac, prononcée le 17  décembre 2003. A l'UMP, certains la jugent trop restrictive et poussent à réintroduire dans le texte la prohibition des signes politiques. Mardi, à l'Assemblée nationale, le sujet a été évoqué lors de la réunion du bureau du groupe. Hervé Mariton, député de la Drôme, a suggéré d'ajouter par voie d'amendement la notion de "convictions politiques". Il a reçu une approbation de poids  : celle du président de l'UMP, Alain Juppé, qui ne verrait "pas de raison" à ce que cette disposition ne soit pas incluse dans le texte. Le projet de loi, a annoncé le chef de l'Etat mardi, sera présenté le 28  janvier au conseil des ministres et viendra à l'Assemblée en février.

Pour M.  Mariton, il s'agit de réaffirmer que "l'école est un lieu de neutralité". En cela, il vise les signes d'appartenance politique, tels que les badges, autocollants ou pin's de parti ou mouvement politique, mais surtout "le foulard ou le keffieh"  : "  Le foulard n'est ni uniquement ni principalement un signe religieux, explique le député de la Drôme, mais un signe politique, comme l'ont démontré les auditions menées dans le cadre de la mission Debré." La mission spéciale mise sur pied à l'initiative du président de l'Assemblée nationale avait conclu, le 4  décembre 2003, à la nécessité d'une disposition législative "posant le principe de l'interdiction du port visible de tout signe religieux et politique dans l'enceinte des établissements scolaires".

"A titre personnel, je suis favorable à ce que l'interdiction vise également les signes politiques", a déclaré au Monde le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Jacques Barrot (Haute-Loire), reprenant la même argumentation sur l'interprétation du port du voile. Le projet de loi sur la laïcité, voulu par le président de la République, devait apparaître comme "un point d'orgue" d'une réflexion engagée depuis six mois. Plusieurs responsables de l'UMP jugent inapproprié de relancer la discussion. Pour Renaud Donnedieu de Vabres (Indre-et-Loire), porte-parole de l'UMP, "il faut s'en tenir à l'équilibre décidé par l'Elysée, point, on arrête là". Eric Woerth (Oise), estime lui aussi qu'"il faut tourner rapidement la page"  : "On a eu des débats, on ne va pas les refaire", affirme-t-il, écartant par là tout retour sur la qualification des signes "ostensibles". Il nuance toutefois son propos  : "Les signes politiques en plus, pourquoi pas  ?"

Le vice-président du groupe UMP, Bernard Accoyer (Haute-Savoie) préférerait, lui aussi, s'en tenir à la "synthèse présidentielle". "Il n'est pas souhaitable de la faire évoluer", estime-t-il, ajoutant aussitôt  : "du moins sensiblement". Cette variation témoigne du fait que certains à l'UMP, à commencer par M.  Debré, n'ont pas renoncé à voir inscrit dans la loi le terme "visible", qu'ils jugent plus clair qu'"ostensible". Mardi matin, en conférence des présidents, le président de l'Assemblée nationale a interpellé le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-François Copé, s'insurgeant du fait que les députés n'aient pas encore eu connaissance du texte. "Plusieurs amendements m'ont déjà été transmis, a-t-il lâché. Certains se demandent s'il convient de parler d'"ostensiblement visible" ou de "visiblement ostensible"."

M.  Debré se fait ainsi l'écho de la grogne de certains députés de l'UMP. "Il aurait été normal que le groupe, après le travail fait à l'Assemblée, soit consulté sur l'écriture du texte", estime Nadine Morano (Meurthe-et-Moselle). "Si ce n'est pas le cas, il garde toute sa liberté d'amendement", ajoute-t-elle.

A ces motifs d'insatisfaction s'en ajoute un autre. L'application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire, y compris dans les départements et territoires d'outre-mer, commence à provoquer des réserves, voire des réactions négatives. Ainsi, la sénatrice (Union centriste) de la Réunion, Anne-Marie Payet, a-t-elle estimé, mardi, sa crainte que l'interdiction du foulard ne conduise à "exacerber le sentiment communautaire".

Ces voix discordantes laissent mal augurer du  consensus que continuent d'espérer M.  Chirac et le chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin. Les socialistes, qui avaient eux-mêmes déposé une proposition de loi visant à interdire les signes religieux et politiques, se montrent aujourd'hui sceptiques sur la portée du texte de M.  Ferry. Tout en disant souhaiter "une grande loi de concorde nationale", le président du groupe PS de l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault (Loire-Atlantique) ne cache pas ses réticences à l'encontre de la version actuelle, dans laquelle il voit une source de nouveaux contentieux. Lui aussi préférerait le terme "visible" à celui d'"ostensible"  : "Si cette loi ne change rien, elle ne sert à rien.  En l'état du texte de M. Ferry tel que nous le connaissons, la question de notre vote reste ouverte."

Pas question, toutefois, à l'Elysée comme à Matignon, de retoucher à l'avant-projet. "Le texte du président, rien que le texte du président", répète-t-on dans l'entourage de M.  Raffarin. Le secrétaire général adjoint de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux, assure que le chef de l'Etat "n'a pas été convaincu de la menace que constituaient les signes politiques" et qu'il n'a "pas changé d'avis". La commission Stasi, mise en place par M.  Chirac, avait en effet recommandé de traiter également signes religieux et signes politiques. Le conseiller du président laisse cependant une porte ouverte  : "Si des éléments nouveaux apparaissent, il faudra voir. Il n'y a pas de fermeture de principe."

Philippe Le Cœur et Patrick Roger

faupatronim
 
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