Tout d'abord, et avant d'entrer dans le vif du sujet, une petite réflexion à propos de ce qu'a écrit Nadia :
"Il joue surtout sur la nostalgie, avec des Pionniers qui chantent leur chansons niaises, les fameux cornichons-molassons devenus désespérément introuvables, les styles ringards des meubles et des vêtements, de l'ineptie du journal télévisé, des Trabant en plastique etc."
Outre que le fait que les chansons des Pionniers sont loin d'être niaises (je les écoute tous les matins
), on entend souvent parler du côté "ringard" des produits des pays de l'ancien pacte de Varsovie. Mais même si je pense que le régime en RDA, URSS ou Yougoslavie n'avait rien de "socialiste" ou de "communiste", c'est bien le système capitaliste et l'économie de marché qui nous poussent à suivre des modes, à acheter sans cesse de nouveaux produits et donc à considérer le vieux frigo des années 50 (qui parfois fonctionne encore) comme ringard par rapport au frigo dernier cri qui sera foutu dans cinq ans. Quand à l'ineptie du journal télévisé de RDA... elle n'est finalement pas pire que les inepties de CNN ou de TF1 (les bombardements humanitaires à uranium appauvri qui ne tuent personne c'est peut-être encore plus absurde que le coca inventé en RDA).
Maintenant, le phénomène "d'ostalgie" en Europe de l'est provient à mon avis de plusieurs facteurs : pour les classes populaires la vie était effectivement plus simple avant la chute du mur, sans les licenciements de masse, les fermetures d'usine, etc. A cela, on peut ajouter le sentiment des personnes (surtout les plus âgées) qui, brusquement, découvrent un nouveau mode de vie, des publicités agressives, la pornographie, et une négation de tout ce qu'elles ont connues. Aujourd'hui, dans les grandes villes d'ex-URSS des grand-mères qui ont été médaillées à l'époque soviétique se retrouvent à vivre de la mendicité, brusquement les frontières et les noms de pays ont été modifiés (URSS, Yougoslavie, RDA), et, en plus de tout ces éléments matériels, les habitants de ces pays doivent en plus subir l'arrogance des nouveaux riches et/ou des capitalistes étrangers. Ainsi, la RDA est considérée comme une "sous-allemagne", avec des salaires plus bas et un taux de chômage plus fort, et tout ce qui formait la culture, l'histoire, le quotidien des gens est méprisé. En ex-URSS, notamment en Ukraine et en Russie, des villes industrielles sont déstinées à devenir des centres de stokage des déchets nucléaires américains ou occidentaux, ect.
Tout cela créé une nostalgie de la période précédente : tout n'était pas rose sous la dictature de la bureaucratie, mais, contrairement à ce que voulait faire croire les médias occidentaux, tout n'était pas noir non plus. Aujourd'hui, en URSS (sauf peut-être dans les pays baltes), la mode dans les grandes villes chez les jeunes ce sont les maillots CCCP, et les slogans "??? ?????? - ????" (Ma patrie : l'URSS) fleurissent sur les murs des cités.
Est-ce pour autant la fin de la campagne anti-communiste ? Il faut se méfier de l'optimisme, même si comme le disait Marx "les capitalistes vendraient la corde pour les pendre". On peut très bien en effet surfer sur la vague de nostalgie, comme il y a parfois des films "nostalgiques" sur les vieux militants communistes ou syndicalistes, ou sur les luttes de la classe ouvrière, pour mieux enterrer une époque. Le discours, moins agressif que celui des Courtois et autres anti-communistes primaires, n'en est pas moins autant pernicieux : "oui, oui, c'était sympathique ces ouvriers qui rêvaient d'un monde sans classe, mais tout cela c'est du passé". De plus l'un n'empêche pas l'autre, une larme nostalgique sur les "gentils communistes (ringards) qui y croiaient", et un reportage du pire anti-communisme, permet de boucler la boucle et d'affirmer, haut et fort, que "le communisme est mort".
Enfin, plus que de savoir si l'ostalgie marque la fin de la campagne anti-communiste, il serait intéressant de savoir si cette nostalgie pourrait permettre de renforcer un mouvement véritablement communiste et révolutionnaire en Europe de l'Est. Et là, rien n'est moins sûr : l'ostalgie maintient les confusions entre stalinisme et communisme par exemple, or, il me semble que, pour reconstruire un mouvement communiste, la première des choses serait de démontrer que Staline a constitué une dictature CONTRE la classe ouvrière et CONTRE les véritables communistes, bref qu'un projet communiste n'a rien à voir avec la dictature de la bureaucratie.