Michèle Audin (1954-2025)

Michèle Audin (1954-2025)

Message par Byrrh » 30 Nov 2025, 21:56

Dans Lutte ouvrière n° 2990 du 21/11/2025 :
Michèle Audin et son combat

Michèle Audin, née en 1954, est décédée vendredi 14 novembre. Elle avait consacré une grande partie de sa vie au combat pour la reconnaissance de l’assassinat de son père par l’armée française en 1957.

Le mathématicien communiste Maurice Audin (1932-1957) avait été arrêté, torturé et assassiné par les parachutistes français à Alger. C’était l’époque de la sale guerre d’Algérie, alors que le gouvernement du SFIO Guy Mollet, dont un certain François Mitterrand avait été ministre, donnait à l’armée des pouvoirs considérables, envoyait le contingent en Algérie, et couvrait les crimes de la guerre coloniale. Sur Maurice Audin, la version officielle était qu’il s’était échappé d’une jeep... Sa veuve Josette s’était engagée dans un long combat pour la vérité, combat mené ensuite avec les enfants du couple, Pierre et Michèle, jusqu’à ce qu’en 2018 Macron reconnaisse enfin la responsabilité de l’État français dans cet assassinat.

Michèle Audin était mathématicienne et romancière, autrice de livres souvent centrés sur l’histoire des opprimés et de leurs combats. Passionnée par la Commune de Paris, elle y consacrait un blog avec de nombreux articles et documents (macommunedeparis.com), et elle avait écrit plusieurs ouvrages sur l’événement, comme une présentation d’écrits d’Eugène Varlin ou une histoire de la Semaine sanglante, parus aux éditions Libertalia. Chaque fois, elle venait les présenter avec enthousiasme à la fête de Lutte ouvrière à Presles, et celles et ceux qui venaient l’écouter regretteront sa chaleur et son enthousiasme quand il s’agissait d’évoquer les luttes du passé.

Michel Bondelet
Byrrh
 
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Re: Michèle Audin (1954-2025)

Message par Byrrh » 30 Nov 2025, 22:08

Dans Révolutionnaires n° 46 du 27/11/2025 :
Michèle Audin, une vie de combats et d’engagements

Michèle Audin, mathématicienne et écrivaine, est décédée le 14 novembre à l’âge de 71 ans. Difficile en quelques mots de revenir sur une vie aux mille facettes entrelacées. Une vie commencée de manière tragique : en 1957, son père, militant du Parti communiste algérien et partisan de l’indépendance de l’Algérie, avait été enlevé puis torturé à mort par les parachutistes français de Massu, dépêchés pour écraser l’insurrection algérienne. L’armée étouffa l’affaire en affirmant que Maurice Audin s’était évadé pendant un transfert. Ce qui est devenu « l’affaire Maurice Audin » a vite pris de l’importance grâce à ses collègues mathématiciens [1] et à la mobilisation du monde universitaire – Pierre Vidal-Naquet publia, en 1958, L’affaire Audin, une synthèse des enquêtes menées. Les gouvernements successifs ont tous couvert les mensonges de l’armée. La reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin sera dès lors un combat de plusieurs décennies pour sa veuve et ses enfants, dont Michèle. Celle-ci s’illustrera notamment en 2009 en refusant la Légion d’honneur que voulait lui décerner Sarkozy, alors qu’il n’avait pas daigné répondre aux interpellations sur la mort de Maurice Audin.

Mathématicienne reconnue pour ses travaux en géométrie « symplectique » (essentielle à l’étude des invariants et des dynamiques des systèmes mécaniques), elle tenait par ailleurs à féminiser tous ses manuels de géométrie, fait rare en la matière !

Côté littérature, Michèle Audin faisait partie de l’Oulipo, pour Ouvroir de littérature potentielle, – un groupe littéraire créé par le mathématicien François Le Lyonnais et l’écrivain Raymond Queneau, dont les membres se fixent des contraintes pour mieux libérer les possibilités infinies de la langue : Georges Pérec, l’auteur de La Disparition, roman écrit sans qu’il y ait une seule fois la lettre ‘e’, en faisait partie.

En dehors de ses articles et ouvrages didactiques de mathématiques, Michèle Audin a écrit de nombreuses biographies de mathématiciens et s’est particulièrement intéressée à la place des femmes dans les mathématiques : elle a été, au début des années 1990, présidente de l’association Femmes et maths.

Mais Michèle Audin s’est aussi faite historienne. On retiendra notamment ses ouvrages consacrés à la Commune de Paris, romanesques ou non. Tous allient une immense érudition, fruit du minutieux travail d’archives de l’autrice, et une attention particulière portée aux vies des milliers de communardes et communards anonymes qui, 72 jours durant, sont montés « à l’assaut du ciel ». Tout amateur de la Commune trouvera par ailleurs son bonheur sur le blog de Michèle Audin (https://macommunedeparis.com/) où elle relatait en détail toutes ses enquêtes sur les traces de la Commune.

En guise d’hommage à cette intellectuelle toujours engagée du côté des exploités et des opprimés, nous indiquons les liens de trois critiques de ses livres parues naguère sur le site de Convergences révolutionnaires dont nous conseillons à tous et à toutes la lecture.

Boris Leto

* Comme une rivière bleue
* Josée Meunier, 19, rue des Juifs
* La semaine sanglante : mai 1871, légendes et comptes

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[1] Sa thèse fut présentée in absentia par son directeur de thèse, René de Possel, face à un jury de mathématiciens prestigieux, Jacques Favard, Laurent Schwartz et Jacques Dixmier, et devant un public nombreux.
Byrrh
 
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