fil "interventions de La Riposte, tendance du PCF"

Re: fil "interventions de La Riposte, tendance du PCF"

Message par Gayraud de Mazars » 08 Oct 2025, 15:02

Salut camarades,

Les libertés publiques et les droits des travailleurs en recul dans le monde
Le mardi 7 octobre 2025
Article publié sur le site de La Riposte
David NOËL, PCF Méricourt

https://www.lariposte.org/2025/10/les-l ... -le-monde/

Pour la douzième année, la Confédération syndicale internationale (CSI), a publié son rapport annuel sur l’état des droits des travailleurs dans le monde.

Née en 2006 de la fusion de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – à laquelle appartenaient la CFDT et FO – et de la Confédération mondiale du travail (CMT) – à laquelle appartenait la CFTC – et rejointe dès sa fondation par la CGT, la CSI est la première internationale syndicale dans le monde. Représentée à l’Organisation internationale du travail (OIT), elle compte 191 millions de travailleurs et de travailleuses au sein de 340 organisations affiliées nationales dans 169 pays.

L’indice des droits dans le monde, publié chaque année, se fonde sur 97 indicateurs issus des conventions et de la jurisprudence de l’OIT. S’appuyant sur les signalements de ses syndicats nationaux, la CSI a établi une échelle de notes allant de 1, en cas de violations sporadiques des droits des travailleurs, à 5+ quand les travailleurs ne disposent plus d’aucune garantie des droits à cause de l’effondrement de l’État de droit dans leur pays.

Depuis le début de l’indice en 2014, le nombre de pays classés 5+ est passé de 8 à 12 : parmi ces pays, on retrouve par exemple le Yémen, le Soudan ou encore Haïti. Trente-neuf pays, dont l’Arabie saoudite, la Russie, l’Iran, les Philippines ou le Zimbabwe obtiennent la note de 5 : les travailleurs y sont privés de pratiquement tous les droits.

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dont la note moyenne est de 4,68, demeurent la pire région au monde pour les travailleurs et les travailleuses, devant l’Asie-Pacifique dont la note moyenne est de 4,08. L’Afrique enregistre une note moyenne de 3,95, en recul par rapport aux 3,88 de l’année dernière et aux 3,26 qu’elle obtenait il y a une décennie. Sur le continent américain, la note moyenne de 3,68 a peu changé, mais l’enregistrement des syndicats a diminué dans 92 % des pays du continent américain et les travailleurs ont été détenus par les autorités dans six pays sur dix. Enfin, l’Europe, a vu sa note moyenne passer de 2,73 à 2,78 depuis l’année dernière alors qu’elle obtenait 1,84 en 2014.

Toujours plus d’entraves aux libertés syndicales

Dans le détail, près de neuf pays sur dix dans le monde ont violé le droit de grève, tandis qu’environ huit pays sur dix ont privé les travailleurs du droit de négocier collectivement pour obtenir de meilleures conditions de travail.

Ainsi, dans 74 % des pays, les travailleurs se sont vus refuser le droit de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat. En 2025, 47 % des pays ont arrêté ou détenu arbitrairement des syndicalistes, contre 46 % en 2023, et plus de quatre pays sur dix ont nié ou limité la liberté d’expression ou de réunion.

En 2025, les dix pires pays au monde pour les travailleurs étaient le Bangladesh, le Bélarus, l’Égypte, l’Équateur, l’Eswatini, le Myanmar, le Nigeria, les Philippines, la Tunisie et la Turquie. L’Argentine est une parfaite illustration du déclin des libertés civiles et de l’attaque concertée menée par les gouvernements de droite radicale à l’encontre des syndicats et des travailleurs observe la CSI, qui constate que « Depuis son entrée en fonction en décembre 2023, le président Javier Milei a entrepris d’amender 366 lois dans le but de déréglementer les conditions de travail et les salaires, de démanteler les protections syndicales et de privatiser les entreprises publiques ».

La CSI s’inquiète particulièrement de l’abus du prétexte de « l’influence étrangère » dans la loi pour réprimer le mouvement syndical indépendant comme on a pu le voir en 2024 en Géorgie ou en Russie.

Pour autant, la CSI note que des victoires syndicales sont possibles. En juin 2024, les législateurs du Canada ont adopté à l’unanimité une loi très attendue contre les « briseurs de grève », à l’issue de consultations approfondies avec les syndicats. À l’île Maurice, la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) s’est battue pour la protection des travailleurs migrants tandis qu’au Ghana, le syndicat des mineurs (Ghana Mine Workers’ Union, ou GMWU) et d’autres organisations ont mené une campagne fructueuse qui leur a permis d’obtenir des autorités ghanéennes au mois de septembre 2024 qu’elles annulent la licence d’exploitation de la mine d’or de Bogoso-Prestea, détenue par l’entreprise britannique Future Global Resources (FGR) qui avait cessé de les payer depuis janvier 2024.

Pour le secrétaire général de la CSI, Luc Triangle, « Le mouvement syndical mondial est la plus grande force démocratique sociale qui existe sur le globe pour défendre les libertés démocratiques, améliorer la vie des travailleurs et préserver leurs intérêts dans le monde du travail. Adhérer à un syndicat permet de se protéger de l’exploitation et de créer un front uni contre l’élite mondiale bien organisée, qui cherche à façonner le monde à son avantage en obligeant les travailleurs à en supporter le coût ».

Si quelqu’un pouvait en douter, le rapport annuel de la CSI sur l’état des droits des travailleurs dans le monde devrait suffire à l’en convaincre…


Fraternellement,
GdM
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Message par Gayraud de Mazars » 08 Oct 2025, 19:48

Salut camarades,

Il faut sauver le délinquant Sarkozy
Mercredi 8 octobre 2025
Article publié sur le site de La Riposte
Par GO/ La Riposte

https://www.lariposte.org/2025/10/il-fa ... t-sarkozy/

Les discours populistes comme ceux de Marine Le Pen et Sarkozy, cherchant à jeter le discrédit sur les tribunaux, accusant les juges – mais seulement quand leurs décisions ne les conviennent pas – d’être « politisés » d’avoir un « tableau de chasse » ou de chercher une « vengeance politique », visent à exciter la défiance envers le système judiciaire. Fortement relayés par CNews, Europe1, BFM et d’autres canaux médiatiques, cette propagande finit forcément par influencer une partie de la population. Catherine Nay, éditorialiste politique d’Europe 1, nous explique que Sarkozy a été « blanchi de toutes les accusations principales », qu’il est « persuadé d’être martyrisé par la justice, ce qu’il est depuis des années, par Médiapart et par la Justice. On dirait qu’il y a un pacte. » Nicolas Sarkozy ne serait pas un criminel, mais une victime de la justice, qui aurait conclu un « pacte » avec Médiapart !

On a connu ce genre de manipulation de l’opinion publique concernant les affaires judiciaires du MODEM, des assistants parlementaires du RN, de Rachida Dati, et maintenant avec Nicolas Sarkozy et ses complices. Dans chaque instance, on prétend qu’il n’y a pas de preuves, que les accusations et condamnations sont motivées par des affinités politiques. Il y a eu parfois, bien évidemment, des décisions de justice qui relèvent d’une « justice de classe », fondée sur des lois injustes. Mais dans tous les cas mentionnés, il faut avoir un esprit particulièrement tordu pour prétendre que « les dossiers sont vides ».

Quels sont les faits ? Au mois d’avril 2012. Médiapart a publié un document provenant des archives de l’État libyen et daté de décembre 2006, qui faisait état de la promesse de verser 50 millions d’euros pour soutenir le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Sarkozy a déclaré que « le juge a dit » que le document est un faux. Or, effectivement, lors de la plainte de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux contre Médiapart, la présidente du tribunal a effectivement dit que le document était « probablement » un faux. Cependant, après plusieurs années d’enquête, trois décisions de justice consécutives (première instance, appel, et à la Cour de cassation) ont relaxé Médiapart de « faux et usage de faux » et Sarkozy et Hortefeux ont dû verser de l’argent à Médiapart, en conséquence de leur plainte déboutée.

En vérité, l’essentiel de cette question est ailleurs. L’importance du document est qu’il a révélé la rencontre secrète qui a eu lieu entre Brice Hortefeux en tant que collaborateur de Nicolas Sarkozy et Abdallah Sanoussi, terroriste pour le compte de l’État libyen, et que c’est sur cette rencontre que s’appuyait – entre bien d’autres éléments – la charge d’association de malfaiteurs, dont Sarkozy a été trouvé coupable. Il s’agissait de discussions secrètes en vue du financement occulte de la campagne présidentielle de 2007. Rien ne prouve que le document soit un faux, et la Justice française, par ces trois jugements, dit qu’il ne l’était pas. Mais de toute façon, les négociations secrètes (à l’époque, mais plus maintenant grâce au travail de Médiapart), elles, sont parfaitement vraies.

Est-ce que le dossier est « vide », est-ce qu’il « ne s’est rien passé », autrement dit, quand, en automne 2005, Brice Hortefeux et Claude Guéant sont envoyés à Tripoli pour négocier le transfert des millions d’euros auprès du beau-frère de Kadhafi, condamné à la prison à perpétuité en France pour son rôle dans l’attentat contre le DC10 de la compagnie UTA en 1989 ? Rappelons que cet attentat a coûté la vie à 170 personnes, dont 54 français. Rappelons aussi que Sanoussi est également soupçonné d’implication dans l’explosion du vol Pan American 103 au-dessus de Lockerbie, en Écosse, en 1988. Qu’est-ce que c’est, si ce n’est pas « association de malfaiteurs » ?

Le jugement qualifie cette négociation de « pacte corruptif ». Les soutiens de Sarkozy déclarent sans sourciller que l’argent recueilli n’a pas servi à financer la campagne. Ils prétendent aussi que le jugement en dit autant. C’est faux. Le jugement dit que l’enquête a permis retrouver la trace, par des éléments matériels, des virements bancaires, etc., de 6,5 millions d’euros effectivement versés par le régime de Kadhafi, dans le but de financer la campagne présidentielle de Sarkozy et que des espèces en grosses coupures, illégales en l’occurrence, et d’origine incertaine, circulaient au QG de la campagne. Prétendre, dans de telles circonstances, à l’instar de certains journalistes et politiciens qui défilent sur les plateaux de télévision et les antennes de radio, que Sarkozy et ses complices sont innocents, que le jugement contre eux se base sur des motivations politiques et sont sans fondement en droit, relève tout simplement d’une conspiration orchestrée contre la vérité digne des soutiens fanatisés de Donald Trump aux États-Unis.

Si tout se passe comme prévu, Sarkozy ira en prison. En soutenant cette décision de justice, que nous trouvons, soit dit en passant, plutôt clémente au regard du crime « d’une gravité exceptionnelle » qu’il a commis, La Riposte n’invite pas ses lecteurs à avoir une confiance aveugle dans la justice et dans la magistrature. Nous savons pertinemment qu’il existe des lois injustes et parfois des interprétations contestables des lois. Plus généralement, nous savons que le droit, dans un ordre social donné, sert nécessairement à encadrer et perpétuer cet ordre, c’est-à-dire la domination des puissants capitalistes sur la vaste majorité de la population. Il y a bien des lois que nous voudrions supprimer. Mais d’autres lois sont nécessaires et justes, comme celles qui qualifient le comportement de Nicolas Sarkozy de criminel. Les magistrats en charge de cette affaire ont effectué leur travail avec diligence et professionnalisme. Aujourd’hui, ils font l’objet de menaces de violences et de mort.

Le traitement médiatique de cette affaire fait par la majorité des médias et particulièrement les chaînes d’information avec son lot de mensonges répétés en boucle, témoigne de la façon la plus flagrante les sournoiseries dont est capable la classe capitaliste pour défendre leurs intérêts. La manipulation de l’opinion publique n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Nicolas Sarkozy est l’un des représentants politiques de cette classe et a des liens organiques avec elle. Il est membre du conseil d’administration du groupe Accor, du groupe Barrière et du Groupe Lagardère détenu à majorité par le multi milliardaires Vincent Bolloré. Les médias CNews et Europe 1, en tête de prout dans la défense de Sarkozy, sont sous le contrôle de ce milliardaire. La quasi totalité des médias appartiennent aux capitalistes. Par ces canaux puissants, ils défendent un des leur et véhiculent leurs idées.

Les menaces et les cris d’indignation émanant des milieux réactionnaires montrent ils ne se contentent plus d’un système judiciaire ayant un rôle d’arbitre, appliquant la loi tout en conférant une certaine stabilité à l’ordre établi dans son ensemble. Elles veulent une justice qui ferme les yeux sur les crimes de leur camp. Ce dont elles ont besoin, ce n’est plus un arbitre, mais un esclave.


Fraternellement,
GdM
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Message par Gayraud de Mazars » 11 Oct 2025, 06:29

Salut camarades,

130 ans d’histoire de la CGT
Le vendredi 10 octobre 2025
Article publié sur le site de La Riposte
[Cet article sera republié fin octobre pour le journal papier fédéral du PCF 21 "L'Avenir de la Côte-d'Or"]
Par Jean VIGREUX, Historien

https://www.lariposte.org/2025/10/130-ans-cgt/

C’est au cours du XIXe siècle qu’apparaît le syndicalisme en France. Le vieux pays rural connaît à son tour ce qu’on appelait, il y a quelques années « la révolution industrielle » : on ne passe pas rapidement de l’atelier à l’usine, des vertes vallées ou pays noirs, c’est un processus lent et à plusieurs étapes. Toutefois ce changement des méthodes de production, d’apprentissage et de division du travail débouche à la naissance du monde ouvrier conduisant à l’émergence des syndicats. Ces associations ouvrières ont pour principal objectif l’amélioration des conditions de travail et de vie des familles ouvrières.

Pour comprendre la misère qui règne, il est utile de lire ou relire les romanciers du XIXe siècle, les mémoires des médecins hygiénistes, ou encore les Carnets d’enquête d’Émile Zola, qui dressent le tableau de cette société (tantôt chez le monde des employées de commerce à Paris, tantôt chez les mineurs du Nord, etc.). Ces conditions de vie déplorables sont liées au changement des modes de production, la plupart des économistes qui ont pensé cette révolution industrielle, ont insisté sur l’importance des bas salaires, comme le souligne Ricardo et surtout Marx. Ce dernier souligne la « force de travail » (à la différence des matières premières etc.) qui est la valeur produite par le travail. Elle correspond au type d’exploitation capitaliste : maximiser la survaleur (augmentation du temps de travail et de son intensité). Il s’agit de rogner sur le temps des repas impact, sur la nourriture, sur l’usure musculaire, sur le sommeil, sur l’usure mentale (mort par surmenage) induisant une forme d’aliénation…

C’est dans ce contexte que les syndicats naissent. Toutefois, cette émergence est lente, le terme de Chambre syndicale ouvrière est employé pour la première fois vers 1863. Par la suite, on utilise le seul mot, plus ancien syndicat. Pourquoi ce retard, quels sont les cadres juridiques et politiques de ce phénomène ? N’oublions non plus pas les dures répressions du siècle en particulier celles de juin 1848 et de 1871.

On peut alors percevoir les premières raisons de ce retard, c’est la peur du monde ouvrier, comme l’évoquait le titre judicieux de l’historien Louis Chevalier, à son étude sur le monde ouvrier de cette époque, Classes laborieuses, classes dangereuses.

Ce syndicalisme est en quête d’unité et de reconnaissance à la fin du XIX e siècle, mais on voit bien de nos jours que cette quête a échoué. Les affiches dont je parlais tout à l’heure montrent bien, la pluralité syndicale. En France, il n’existe pas, comme ailleurs en Europe un syndicalisme uni, par exemple en Grande–Bretagne, coexistent les syndicats de métier (craft union), les syndicats d’industrie (industrial union) et les syndicats généraux (general union) regroupés au sein du TUC (Trade Union Congress). Depuis ses origines, ce syndicalisme britannique est fortement lié au réformisme.

La pluralité syndicale en France traduit sans doute une offre démocratique, mais cela peut également souligner des faiblesses, voire des contradictions au sein du syndicalisme. Quel type de syndicalisme défend-on ?

Origines et formation

La coalition ouvrière : un phénomène interdit et contrôlé

Si la Révolution française introduit en France la Liberté comme idéal consacré en 1789 dans le cadre de la DDHC, au nom de ce même principe, la liberté du travail, elle interdit la coalition ouvrière. C’est la fameuse loi Le Chapelier de juin 1791 qui stipule : « les citoyens d’un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont une boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d’un art quelconque ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni président ni secrétaire ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibération, former des règlements de leurs prétendus intérêts communs (…) ». (article 2). Et l’article 8 prévoit que tout attroupement composé d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers « sont tenus pour attroupements séditieux ». Cette loi qui est abolie finalement en 1864.

Ainsi, durant le siècle, le monde ouvrier est sous contrôle. Au cours de la Restauration et la Monarchie de Juillet, ce sont les mêmes principes qui président. Toutefois, la modernisation économique, liée en premier à l’essor du chemin de fer au cours des années 1840, caractérisée par le fameux « enrichissez de vous » de Guizot, soulignent des changements importants avec la réelle émergence d’un prolétariat, mais qui reste sans droit. La question sociale devient alors un enjeu crucial, au même titre que le suffrage universel. Si les trois glorieuses de 1830 sont le « point d’arrivée et le point de départ de la Monarchie de Juillet », pour l’historien Philippe Vigier, cette Révolution est à la fois limitée par son caractère libéral, mais aussi par la question sociale qui émerge. La crise de 1846-1847 est à l’origine de la renaissance du mouvement ouvrier. Certes la Seconde république instaure de nouveau le suffrage universel, afin que le pays réel corresponde au pays légal, et propose pour lutter contre le chômage la mise en place d’ateliers nationaux. Toutefois, leur échec conduit à l’insurrection ouvrière et populaire de juin 1848 qui est lourdement réprimée.

Pourtant en 1848, la plupart des penseurs socialistes, que l’on dénomme souvent comme utopistes proposent déjà des projets de coalition ouvrière. Ainsi Pierre Joseph Proudhon met sur le papier l’idée d’un syndicat général de la production ; il s’agirait de rassembler les ouvriers par secteur d’activité, afin que l’on partage le travail, pour lutter contre le chômage, mais aussi d’instaurer la solidarité, afin de subvenir aux besoins lors des maladies ou accidents, mais aussi par le biais de caisses de pension de retraite. Telles sont alors les idées qui sont semées et qui pourront germer.

Vers la reconnaissance officielle

Si le Second empire instaure un régime de despotisme, marqué par la répression et l’encadrement du peuple, il est aussi caractérisé par l’essor économique. La volonté d’orienter l’économie vers le libre-échange, en particulier en 1860, avec le traité franco-britannique, conjuguée avec une politique étrangère offensive, coupe le régime de l’un de ses soutiens actifs, la bourgeoisie d’affaires qui se sent menacée.

Dès lors, Napoléon III se rappelant sans doute son ouvrage sur l’extinction du paupérisme, permet dans un premier temps à quelques ouvriers de partir à Londres pour l’Exposition universelle de 1862. Là, ils rencontrent le Trade-unionisme et de retour, demandent, comme ces 5 ouvriers typographes, « l’abolition de la loi sur les coalitions, le droit de réunion et d’association ». L’opposition républicaine qui renaît également appuie ses revendications. L’empereur reconnaît le droit de grève (1864),c’est la fin du délit de coalition. C’est ainsi que les première Chambres syndicales naissent :

En 1867, à Paris, il y a des chambres d’ébénistes, de cordonniers, de typographes et d’orfèvres. L’Empire confirme alors l’autorisation des associations ouvrières (1868). Ainsi, dans la capitale, naissent les chambres syndicales des tailleurs de pierre, des mégissiers, des tailleurs, des mécaniciens, puis un an plus tard ce sont les menuisiers, les peintres en bâtiment, les chapeliers et les boulangers. La même année c’est à Marseille que l’on voit se mettre en place les associations de boulangers, cordonniers, tonneliers, scieurs de long, puis à Bordeaux celle des employés.
C’est bel et bien le métier qui est à la base de cette organisation syndicale. Notons d’emblée, avec l’historien Georges Lefranc, qu’il s’agit avant tout des métiers qui ont conservé une structure artisanale, ce ne sont pas les ouvriers du sous-sol, ni de l’industrie chimique.

Dans un premier temps on assiste à la fédération des chambres syndicales à base professionnelle : ainsi en 1870, il y a la création de la Chambre nationale des ouvriers chapeliers. Toutefois ce mouvement fédéral, est également accompagné d’un mouvement unitaire ; Eugène Varlin, ouvrier relieur et figure du mouvement ouvrier, annonce à la fin de l’année 1869, la création d’une Chambre fédérale de Sociétés ouvrières de Paris. Le tout s’inscrivant dans un mouvement plus général, impulsé par la naissance de la Première Internationale ouvrière à Londres en 1864.

Fédérations syndicales et bourses du travail

Si le mouvement ouvrier participe à la proclamation de la république le 4 septembre 1870, après la défaite de Napoléon III à Sedan, et qu’il marque son attachement à la défense patriotique en organisant la Commune de Paris, la lourde répression qui s’ensuit limite quelque peu ces velléités révolutionnaires. Pourtant les chambres syndicales persistent et en 1876, on assiste à la première rencontre nationale à Arras, où se retrouvent 255 délégués des chambres syndicales de Paris et 105 de province. On affirme alors l’indépendance du mouvement face à l’Etat et à l’idéologie socialiste, en réaffirmant le mutualisme. Pourtant face à ce syndicalisme réformiste émerge un syndicalisme révolutionnaire, fondé sur le collectivisme à partir de 1877. C’est là une des caractéristiques principales de la période, et c’est bien sûr une matrice importante pour le reste de l’évolution du champ syndical.

C’est grâce à l’arrivée des Républicains au pouvoir, que la donne change. Certes la République était proclamée depuis 1870, mais elle était aux mains des monarchistes et des conservateurs. Le tournant de 1879-1880 conduit à des changements importants ; il ne s’agit pas de rappeler toutes les lois Ferry, mais seulement la loi de 1884 autorisant les syndicats ouvriers et patronaux. Cette loi permet alors le développement selon les mots de l’initiateur Waldeck Rousseau d’un syndicalisme d’hommes sages. Car il s’agit encore de surveiller les leaders.

Ainsi se développent les syndicats. En 1886, à Lyon, on assiste à la naissance de la FNS. A ce congrès, 169 délégués venus de 45 villes donnent la majorité aux guesdistes et se séparent sous les cris de Vive la révolution sociale. Un syndicalisme révolutionnaire est ainsi affirmé.

Parallèlement naissent les Bourses du travail qui participent à la formation des ouvriers, mais aussi un service de secours d’entraide, bref un véritable mutualisme (coopérative alimentaire, caisse de secours et de solidarité en cas de maladie, d’accidents ou de chômage). La Bourse du travail est un lieu de réunion où les divers syndicats centralisent cours professionnels, bibliothèques et services de renseignements.

Paris montre l’exemple dès 1886, puis c’est un mouvement qui gagne toute la France. Six ans plus tard, en 1892, c’est création lors du congrès de Saint-Etienne de la Fédération des Bourses du travail, où il y 14 bourses ; en 1895, on en compte 40 ; 74 en 1901 ; 157 en 1908. Celle de Dijon est créée en 1893.

Ce mouvement montre aussi une autre des matrices de ce syndicalisme français, à savoir le mutualisme, l’entraide et la formation. L’émancipation passe par le savoir, c’est la volonté du dirigeant de la fédération des bourses du travail, Ferdinand Pelloutier, d’inspiration anarchiste. Cette tendance marque également l’émergence du syndicalisme en France pour aboutir à ce qu’on appelle l’anarcho-syndicalisme, face aux tendances socialistes. Pourtant l’unité est prônée par tous et, en 1895 c’est la naissance de la CGT.

Unité ou diversité ?

La Confédération générale du travail et son action

En 1895, au congrès de Limoges, c’est l’unité syndicale qui est à l’ordre du jour. La FNS et la FNBT fusionnent. La création de la Confédération Générale du Travail marque la volonté d’unification entre un syndicalisme de métier et un syndicalisme à base géographique ; bref, c’est l’union du mouvement syndical sous ses différentes formes.

Le concept théorique fondateur de la CGT depuis ses origines jusqu’en 1906 est celui de l’anarcho-syndicalisme. Celui-ci repose sur la mise en pratique du slogan de l’AIT : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Intéressons nous aux premières victoires et aux premières défaites de syndicat. D’abord, la CGT s’emploie à régler ses problèmes statutaires. Parallèlement son action prend en compte la durée de la journée de travail. Ce sont les 8 heures. Mais il s’agit aussi de lutter contre la troupe lors des grèves ; les répressions restent fortes en témoignent celles de Draveil-Vigneux en 1908. Elle s’engage également sur la voie du pacifisme.
En 1906, la Charte d’Amiens revendique la disparition du salariat et du patronat en utilisant la grève générale. Elle réaffirme l’autonomie du syndicat vis à vis des partis politiques. Cette charte pose les bases du syndicalisme révolutionnaire où la grève générale est l’outil de lutte par excellence. Le syndicat « aujourd’hui groupement de résistance, sera dans l’avenir le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale. L’émancipation intégrale ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste. » (cf. § 4.1.). Cette Charte d’Amiens constitue l’originalité française, l’autonomie syndicale par rapport au parti politique devient un référentiel important, même s’il peut rester fictif à certaines périodes. Mais cette spécificité s’oppose au modèle européen de la social-démocratie. Quels sont alors les adhérents à ce syndicat unifié à la veille de 1914 ?

Le choc de la guerre 1914-1918

Le syndicalisme français qui prônait la guerre à la guerre ou plutôt la grève générale, lorsqu’éclaterait la guerre, se rallie sur la tombe de Jean Jaurès en août 1914 à l’union sacrée par la voix de son dirigeant Léon Jouhaux. La guerre de 1914-1918, comme toutes les guerres, est désastreuse sur le plan social, et peu nombreux sont ceux qui refusent l’Union Sacrée contre l’Allemagne. La majorité de la CGT collabore à l’effort de guerre et le ralliement à la défense nationale touche tous les secteurs du mouvement ouvrier. Extrêmement marginalisés, les minoritaires pacifistes peinent à se contacter s’ignorant les uns les autres.

Toutefois, quelques individualités continuent à prôner le pacifisme. Pierre Monatte démissionne de la direction de la CGT. Les conférences de Zimmerwald (septembre 1915), puis de Kienthal (avril 1916) étendent la lutte pacifiste : y participent Merrheim et Bourderon du syndicat. De 1916 à 1917, la contestation pacifiste prend de l’ampleur tandis que le consensus belliciste s’effrite, comme peuvent le souligner les grèves et les mutineries de 1917. À la CGT, comme à la SFIO la minorité pacifiste s’étoffe. Cependant, en 1918, le gouvernement Clemenceau réprime les militants ouvriers pacifistes, soupçonnés de défaitisme. La répression touche notamment les anarchistes, les syndicalistes. L’armistice scelle l’impossible réconciliation entre pacifistes et bellicistes, entre patriotes et internationalistes. Après la guerre, la CGT se réorganise, le pouvoir échappant aux syndicats pour passer entre les mains de la Commission Administrative et du Bureau Confédéral. Toutefois les grèves de 1919-1920 et les effets de la Révolution russe conduisent à une nouvelle scission, dans la suite de la naissance de la SFIC et du maintien de la SFIO, deux syndicats se font face la CGTU et la CGT, soulignant l’existence d’un syndicat révolutionnaire et d’un syndicat réformiste.


Fraternellement,
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Message par Gayraud de Mazars » 12 Oct 2025, 07:42

Salut camarades,

Le Manifeste de Zimmerwald demeure d’une brûlante actualité : « Par-dessus les frontières, par-dessus les champs de bataille, prolétaires de tous les pays unissez-vous ! »

zimmerwald.jpg
Photo de Zimmerwald 1915
zimmerwald.jpg (294.97 Kio) Consulté 181 fois


Deux berlines transportaient Zimmerwald ce qui était très peu des délégués. C'était une époque en 1915 où Trotsky disait qu'à Paris "il cherchait les révolutionnaires à la bougie". De cet épisode glorieux et héroïque du mouvement ouvrier international et de sa future direction révolutionnaire la chanson de Zimmerwald reste célèbre et tout un programme :

"Pionniers rouges, marchons en colonnes,
Nos pas martèlent le sol ;
Drapeaux rouges éclatants au soleil du couchant
Emergeant de la houle des blés,
Nos pas sur le sol semblent dire en cadence :
Tu guideras nos pas, Zimmerwald.

Là-bas, émergeant de la plaine,
Paysan reprend haleine,
De la guerre a souffert bien qu’il n’ait pas de terre,
Aujourd’hui c’est toujours la misère ;
On entend sa faux qui chante dans les blés :
Tu guideras nos pas, Zimmerwald.

Sortant éreinté de la mine,
Regagnant son noir coron,
Le mineur que l’on croise et qui lève le poing
Dit : le monde va changer de base.
Le pic sur le sol, qui creuse le charbon :
Tu guideras nos pas, Zimmerwald.

Voici un régiment qui passe.
Bétail marchant vers la guerre.
Dans les rangs des yeux clairs fixent notre
drapeau
Mais l’officier oblige à se taire.
Au reflet des fusils le soleil a écrit :
Tu guideras nos pas, Zimmerwald.

Partout la parole de Lénine,
De Liebknecht et de Rosa
Retentit dans les champs, les casernes, les
usines,
L’ennemi est dans notre pays ;
Si la guerre éclate, le bourgeois à abattre
Sera écrasé par Zimmerwald.


Zimmerwald, 1915. Internationalisme et socialisme, face à la guerre
Le samedi 11 octobre 2025
Article publié sur le site de La Riposte
Par GO / La Riposte

https://www.lariposte.org/2025/10/zimme ... la-guerre/

Il y a 110 ans, en septembre 1915, un peu plus d’un an après le début du terrible carnage de la Première Guerre mondiale, une vingtaine de représentants d’organisations et de groupements socialistes antiguerre se réunissaient à Zimmerwald, près de Berne, en Suisse neutre. Il serait facile de considérer cet événement comme insignifiant, comme l’ont fait les dirigeants socialistes européens ayant trahi leur « internationalisme » d’avant-guerre. Cependant, la conférence de Zimmerwald devait jouer un rôle très important dans le développement du mouvement ouvrier international à partir de 1915, non seulement en tant que point de référence pour les groupes jusqu’alors dispersés véritables internationalistes dans ce qui restait du mouvement socialiste, mais aussi en clarifiant les lignes de démarcation entre les différents courants oppositionnels de l’époque.

Le déclenchement de la guerre en août 1914 a provoqué un effondrement immédiat et ignominieux de la Deuxième Internationale, qui regroupait les partis socialistes. Les directions de pratiquement tous les partis ouvriers, à l’exception notable de la composante « bolchevique » de la social-démocratie russe – qui s’était établie comme un parti séparé en 1912 – et des sociaux-démocrates serbes ont capitulé à la pression du patriotisme national, soutenant leurs « propres » États nationaux dans la guerre, se mettant au service des rois, des empereurs et des républiques capitalistes, dans la vaste mobilisation d’hommes et de ressources qui allait aboutir à la mort de quelque 11 millions de soldats, avec 23 millions de blessés et un nombre de morts de non-combattants estimé entre 6 et 12 millions.

Des membres socialistes du parlement, d’éminents dirigeants syndicaux, et même de grandes figures distinguées dans l’élaboration et la propagation d’idées révolutionnaires, ont été emportés par la vague chauvine. Les dirigeants de l’ancienne social-démocratie allemande ont soutenu l’établissement d’une dictature militaire en Allemagne, afin de traquer et de persécuter les opposants à la guerre. Avec leur accord, Karl Liebknecht, élu au Reichstag, a perdu son immunité parlementaire, avant d’être jeté en prison. Après la guerre, pendant la Révolution allemande, ces mêmes dirigeants ont applaudi son exécution, ainsi que celle de Rosa Luxemburg, et des milliers d’autres ouvriers en révolte. En France, des dirigeants socialistes, dont le célèbre représentant du « marxisme orthodoxe », Jules Guesde, ont participé au gouvernement et à la persécution de militants opposés à la guerre. L’anarchiste russe Pierre Kropotkine a soutenu la guerre du régime tsariste. Le mentor politique de Lénine, Georges Plekhanov, qui a apporté une contribution vraiment exceptionnelle à la pensée révolutionnaire dans la période d’avant-guerre, a sombré dans le patriotisme impérialiste le plus répugnant. Juste après le début de la guerre, il a déclaré devant la socialiste italienne et amie de Rosa Luxemburg, Angelica Balabanova : « En ce qui me concerne, si je n’étais pas aussi vieux et malade, je rejoindrais l’armée. Donner un coup de baïonnette à vos camarades allemands me ferait le plus grand plaisir ! »

Aussi surprenant que cela puisse paraître à première vue, quiconque examine sérieusement la propagande pacifiste des sections de l’Internationale socialiste verra que les germes de cette trahison étaient déjà évidents. Les députés et les élus locaux, les permanents des partis et des syndicats, se sont souvent sentis plutôt à l’aise dans la routine bureaucratique des positions qu’ils occupaient. Pour eux, le socialisme était devenu un thème de rassemblements publics et de conférences internes, mais pas un objectif de lutte dans la pratique. Cela les a conduits à une adaptation opportuniste progressive à l’ordre existant, mettant l’accent sur des réformes limitées et faisant preuve de réticence à organiser des luttes coûteuses à l’issue incertaine. Dans la pratique, la solidarité internationale entre les sections nationales s’est transformée en un accord tacite de fermer les yeux sur l’opportunisme des autres. Il existe de nombreux exemples de la façon dont leur opposition à la menace grandissante de la guerre a été entachée d’opportunisme. Par exemple, avant la guerre, la direction de la SFIO (section française de l’Internationale), ayant déclaré son opposition à la guerre, a demandé à ses homologues allemands à garantir que l’Allemagne ne participerait jamais à une guerre. August Bebel (mort en 1913), au nom des sociaux-démocrates allemands, a répondu, à juste titre, que son parti ne pouvait pas donner une telle garantie, parce que les décisions étaient prises ailleurs. Implicite dans la demande française était un positionnement que l’on pourrait résumer ainsi : « S’il vous plaît, ne nous mettez pas dans une situation où nous serons contraints de cautionner une guerre contre l’Allemagne ». Ce genre de pacifisme peut sembler radical en temps de paix. Mais elle est parfaitement inutile une fois la guerre déclarée. C’est une chose d’être pacifiste en temps de paix. Mais une fois la guerre commencée, que faire ? La réponse à cette question, des deux côtés du Rhin, était « la défense de la Patrie ».

Les millions d’ouvriers qui avaient cru à la rhétorique « internationaliste » des dirigeants de l’Internationale socialiste les voyaient maintenant encourager le massacre au nom de la Patrie. L’effondrement de l’Internationale a été un choc terrible, bien qu’un grand nombre de travailleurs aient été eux-mêmes pris dans la ferveur patriotique, croyant, pour la plupart, que la guerre serait terminée dans quelques mois. Même ceux qui restaient fermes dans leurs convictions antimilitaristes, comme Alfred Rosmer et Pierre Monatte en France, étaient envoyés sur le front pour la plupart. Les politiques répressives des gouvernements, combinées au départ de millions de personnes vers le front, ont entraîné la désintégration presque complète du mouvement ouvrier.

Cependant, tout le monde n’a pas cédé à la fièvre patriotique. Dans toute l’Europe, des groupes d’opposition dispersés, bien que faibles et isolés, espéraient renouer le fil de l’internationalisme et du socialisme. Cela nécessitait de travailler avec une extrême prudence. Tous, à une époque où les communications étaient beaucoup plus difficiles qu’aujourd’hui, et surtout en temps de guerre, cherchaient des informations et des contacts possibles avec des groupes et des individus partageant les mêmes idées à l’étranger.

Vers la fin du mois de janvier 1915, un dirigeant du Parti socialiste suisse, Robert Grimm, est venu à Paris pour explorer la possibilité de rétablir le contact entre les socialistes des pays belligérants. Il a rencontré le dirigeant de la SFIO, Pierre Renaudel, qui lui a dit assez sèchement que c’était impossible. Grimm s’est tourné vers le groupe anarcho-syndicaliste autour de Rosmer et Monatte et publiait La Vie Ouvrière, et a pris contact avec un groupe de militants russes et polonais qui publiaient – incroyablement, compte tenu de l’extrême de leurs ressources – un journal quotidien intitulé Nashe Slovo (Notre Parole). Ce groupe comprenait Léon Trotsky, en France à l’époque en tant que correspondant de guerre du journal ukrainien Kievskaja Mysl, Julius Martov et V. A. Antonov-Ovseenko.

Quelques mois plus tard, un deuxième visiteur étranger s’est rendu à Paris, le député socialiste italien Odino Morgari, effectuant une tournée dans plusieurs pays dans le même but que Grimm. Il a rencontré à son tour les militants autour de Nashe Slovo et de La Vie Ouvrière. Comme Grimm, il a essuyé une réaction hostile de la part de la plupart des figures de proue du mouvement socialiste. À la fin de la tournée, Morgari, en accord avec Grimm, a décidé d’organiser une conférence internationale en Suisse. En juillet, il a été convenu que cela aurait lieu dans le village de Zimmerwald, à environ 7 miles de la ville de Berne, en Suisse, du 5au 9 septembre 1915.

Quatre voitures suffisaient pour emmener la vingtaine de délégués sur place. Lénine était présent, représentant les bolcheviks, et se mit immédiatement à organiser un groupement de gauche pour combattre les éléments pacifistes et conciliants parmi les délégués. Merrheim, par exemple, secrétaire général de la CGT Métallurgistes, représentant La Vie Ouvrière (Rosmer et Monatte avaient été enrôlés dans l’armée), a clairement indiqué et dès le départ qu’il n’accepterait que des résolutions se bornant strictement à la revendication de la paix, et n’acceptait pas l’appel à combattre le social-patriotisme, à relancer la lutte de classe et l’action révolutionnaire, rédigé par Karl Radek et présenté comme le credo de la gauche zimmerwaldienne autour de Lénine. Un autre délégué français, Salomon Grumbach, journaliste au quotidien socialiste L’Humanité, était également connu pour son « social-chauvinisme ». Il était donc clair d’emblée qu’il y avait des divergences politiques majeures entre les délégués. Le « groupe de gauche » de Lénine n’avait que 8 délégués, et il y avait des divergences d’approche même entre eux.

Après les rapports nationaux, Lénine proposa une résolution et présenta un texte qui servirait de « manifeste » pour la conférence. Cependant, il était immédiatement évident qu’il n’avait aucune chance d’obtenir une majorité pour ces textes. La majorité voulait se concentrer sur la question « pratique » de la paix et laisser la lutte pour le socialisme, comme c’était l’habitude du mouvement socialiste d’avant-guerre, à un avenir lointain. Trotsky a pris la parole vers la fin de la discussion. Il a avancé une position intermédiaire qui, selon lui, serait la meilleure issue possible dans les circonstances, à condition d’obtenir une majorité.

Trotsky essaya de séduire les délégués qui, tout en n’appartenant pas au groupe de Lénine, ne suivaient pas les délégués sociaux patriotes de droite. Il a reconnu que la résolution bolchévique négligeait la nécessité d’une action pratique immédiate pour la paix. En même temps, disait-il, ceux qui s’opposent à Lénine penchaient vers le pacifisme bourgeois et négligeaient la question de la lutte des classes et du socialisme. Il proposait donc une position intermédiaire, mettant la lutte pour la paix au premier plan, mais expliquant les causes impérialistes de la guerre et dénonçant la « réaction capitaliste » dans tous les pays concernés. Son texte dénonçait également l’échec de la direction de l’Internationale socialiste, appelant les travailleurs à soutenir l’appel de Zimmerwald à rétablir la coopération internationale et à lancer une lutte pour une paix, « sans occupations et sans annexions », sans mesures économiques punitives, et en respectant le droit des nations à l’autodétermination. Enfin, le texte de Trotsky appelait les travailleurs à agir sur la base de la lutte de classe pour la « cause sacrée du socialisme » et se termine par le mot d’ordre connu de millions de travailleurs à l’époque : « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! » La motion a été adoptée.

Ni Lénine ni Trosky n’étaient entièrement satisfaits du contenu du Manifeste de Zimmerwald. Il n’appelait pas clairement à la création d’une nouvelle Internationale, par exemple. Cependant, malgré ses lacunes, ils l’ont tous deux soutenu, estimant qu’il représentait un pas en avant significatif. Le Manifeste de Zimmerwald a capté l’attention de la couche la plus militante et la plus consciente de la classe ouvrière, au-delà des frontières nationales. Il a servi de point focal pour l’opposition à la guerre, devenue une boucherie épouvantable sur une grande partie du continent européen.

Le Manifeste de Zimmerwald servait également d’appel à l’opposition au social-chauvinisme, c’est-à-dire à la tentative de justifier la poursuite du carnage et des sacrifices de la guerre comme un « premier pas » vers la justice sociale. En ce sens, cela a aidé à clarifier la différence entre le pacifisme pieux des socialistes de droite, procapitalistes, au sein du mouvement, et ceux qui considéraient la lutte contre la guerre comme inséparable de la lutte contre le système qui en est responsable.

On dit souvent que Zimmerwald était un précurseur de la Troisième Internationale (communiste), qui a émergé en 1919-1920 en grande partie sur la base d’une différenciation au sein des anciens partis socialistes selon les mêmes lignes qui ont été plus ou moins clairement tracées à la conférence, mais cette fois à une échelle massive. Certes, Zimmerwald a joué un rôle dans ce développement. C’était une lueur d’espoir dans les jours les plus sombres du massacre impérialiste de 1914-1918. Cependant, l’événement principal, et de loin, dans la préparation de la nouvelle Internationale a été le renversement du tsarisme et l’établissement du pouvoir soviétique en 1917.

Certes, le nouveau régime de démocratie ouvrière issu de la révolution s’est avéré incapable de se maintenir. Il a été étouffé par l’isolement de la révolution dans un pays très arriéré, tant sur le plan social qu’économique, et a finalement sombré dans les horreurs du stalinisme. Néanmoins, la révolution de 1917 mérite une étude et une discussion approfondies parmi de la part des militants anticapitalistes de notre époque, tout comme les années de préparation théorique et pratique qui en ont jetée à la base. Zimmerwald occupe une place importante dans cette préparation, en opposition à l’horreur de la guerre et de l’impérialisme.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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