Docu : IA, exploitation et décadence

Docu : IA, exploitation et décadence

Message par Zorglub » 26 Fév 2025, 22:04

Un docu récemment sorti sur France 2, Les sacrifiés de l'IA, «revisionnable». C'est le service public mais il faut créer un compte.

C'est à conseiller. Le docu montre ces « travailleurs du clic ». Il y a des détenues d'une prison finlandaise payée au lance-pierre pour ce travail.
Puis le témoignage poignant d'une mère ukrainienne réfugiée en Bulgarie, qui n'a trouvé que ce travail. Si elle peut montrer ce qu'elle fait, annotations d'images, il lui est interdit de parler de son salaire.

Puis ce sont les prolétaires de pays du Sud, en Afrique, p.ex., Kenya notamment, exposés aux contenus les plus infâmes au point que de nombreux font des dépressions ou des syndromes de stress de post-traumatique. Plusieurs craquent devant la caméra. Et beaucoup sont à visage masqué car ils peuvent risquer la prison pour parler de ce qu'ils font ou faisaient.

Les images montrent des gens triant des déchets d'immenses décharges en Afrique qui récupère les déchets matériels, et désormais numériques, que cette société capitaliste produit.

Ainsi, on exploite et on abrutit des gens pour rendre plus « intelligents » des LLM (Large Language Models, les ChatGPT et cie).

Le docu insiste sur l'IA mais ces travaux existaient bien avant, pour de la modération et du filtrage de données pour les compagnies du numérique.

Ainsi, des centaines de millions de travailleurs que le rapport de Banque mondiale compte, peu importe la proportion dévolue à l'IA, pour autant que ce soit calculable.

On voit aussi une femme en larmes quand elle parle de son travail : à longueur de journée, surveiller d'autres prolétaires, chauffeurs, livreurs qui ont une caméra embarquée à l'autre bout de la planète. Panoptique et exploitation connectées.

L'une des raisons de ce besoin de main-d'œuvre, prévue, et observée, est que des LLM alimentés par des données générées par des LLM s' «effondrent » (collapse), leurs réponses devenant moins pertinentes et très rapidement « délirantes ». Se basant sur des probabilités, il faut des ensembles de données présentant suffisamment de variance.

C'est pour cela que les Gafam et autres pompent massivement le web de toutes les données structurées qu'ils trouvent : médias, mais aussi Wikipedia (au point de saturer leurs serveurs un moment) mais aussi sur des sites illégaux. Ainsi, Meta/Facebook a été pris la main dans le sac en ponctionnant un très gros site à moitié légal répertoriant des millions de livres et articles scientifiques : 82 téraoctets ( 82 000 gigaoctets, pour du texte, c'est énorme).

Le capitalisme ne pouvait que transformer toute la chaîne en monstruosités : de l'exploitation minière, 6 millions de morts dans la guerre larvée de la région des Grands Lacs, des centaines de milliers pour la Russie et l'Ukraine, pour sortir coltan, cuivre, néodyme et cie.
Internet transformé en foire commerciale et en poubelle idéologique. Des millions de travailleurs traumatisés et épuisés puis les montagnes de déchets électroniques.

L'article de LO n°2951 :
Intelligence artificielle : des sacrifiés par millions

Le développement de l’intelligence artificielle n’aurait pas lieu sans la surexploitation d’un grand nombre de nouveaux prolétaires qui, seuls, permettent à ces systèmes de fonctionner.

Un reportage de France 2 intitulé « Les sacrifiés de l’intelligence artificielle » a rendu publiques des informations confidentielles des grandes compagnies engagées dans ce secteur. Les prolétaires qu’on appelle les data-workers existaient avant que l’on parle d’intelligence artificielle, mais ils sont à présent entre 150 et 430 millions, selon la Banque mondiale. Google annonce qu’il aura besoin d’un milliard de ces travailleurs pour les années à venir, répartis dans le monde entier, et surtout dans les pays pauvres.Cela en ferait la première branche mondiale d’emploi.

Ces travailleurs subissent une surexploitation et des cadences forcenées pendant dix heures par jour, faites de gestes répétitifs, destinés à sélectionner des milliers de données qui sont ensuite traitées par des ordinateurs géants. Ils subissent une dictature, car ils sont astreints au secret sous peine de poursuites, voire de prison, s’ils révèlent ce qu’ils font à qui que ce soit, parmi leurs proches, sans parler de journalistes ou de représentants officiels. Ils ont l’interdiction d’adhérer à un syndicat. Les salaires atteignent à peine 200 dollars par mois pour un travail pouvant aller jusqu’à 60 heures par semaine.

Les quelques témoignages recueillis révèlent la dégradation rapide de la santé psychique de ces travailleurs, au Kenya par exemple. Voilà comment un site propatronal, « Innovation.com », a traité ce problème, avec toute la franchise et le mépris qu’on peut en attendre : « Dans les pays en voie de développement, l’IA offre de nouvelles opportunités économiques. Les entreprises peuvent externaliser les tâches de l’IA, telles que l’annotation de données ou d’images, à des travailleurs dans le monde entier, offrant ainsi des opportunités de revenus pour les personnes ayant accès à Internet, même dans des régions éloignées… C’est un biais des pays privilégiés, qui perçoivent les tâches d’annotation pour l’IA comme des microtâches. Pourtant c’est un travail nécessaire à la révolution IA que peu d’individus dans le monde sont prêts à accomplir. » Et pour cause, devrait-on ajouter.

Quant aux « opportunités de revenus », elles sont surtout pour les compagnies de l’informatique qui peuvent accumuler des milliards de surprofits. Mais c’est aussi une force de travail qui est gaspillée à grande échelle. Car, dans des pays condamnés au sous-développement par l’impérialisme, combien d’équipements pourraient être construits grâce au travail utile de ces centaines de millions de travailleurs ? Et quand la technologie aura vraiment avancé, on peut se demander quel sera le sort de ces galériens modernes, promis au retour à la misère.

Un des auteurs du documentaire « Les sacrifiés de l’IA » a très justement résumé le problème : « On ne s’intéresse qu’à ce que pourrait permettre l’IA, alors qu’on aurait dû commencer par poser la question : avec quels moyens est produite l’IA ? » Et c’est en effet avec de l’exploitation humaine.

Ce qui s’est mis en place autour du développement de l’informatique et de l’IA, n’est pas « un détail ». Mais, jusqu’à présent, seuls certains membres de l’OIT, l’Organisation internationale du travail, dépendant de l’ONU, ont dénoncé le traitement réservé à ces centaines de millions de prolétaires, ainsi que des associations et des chercheurs, certains journalistes, voire aujourd’hui la Ligue des droits de l’homme. Tous se placent sur un terrain humanitaire, mais la classe ouvrière mondiale, et en premier lieu celle des pays riches, doit considérer ces travailleurs comme des sœurs et des frères d’exploitation. Dans le monde capitaliste, la barbarie accompagne toujours ce qui pourrait être, dans une autre société, un progrès incontestable.

Paul Sorel
Zorglub
 
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Re: Docu : IA, exploitation et décadence

Message par Julian » 26 Avr 2025, 10:01

Espérons que la sensibilisation croissante entraîne une vraie prise de conscience et une mobilisation pour défendre ces travailleurs trop souvent sacrifiés.
Julian
 
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Re: Docu : IA, exploitation et décadence

Message par Zorglub » 26 Avr 2025, 11:41

Bienvenue Julian,

Tu alignes des raisonnements idéalistes ici. Mais surtout que les travailleurs, ici comme là-bas, non seulement se défendent par eux-mêmes, mais passent à l'offensive. Cette exploitation féroce est le fruit de l'absence de réaction du prolétariat dans la lutte de classe mais aussi politiquement dans le cadre d'un capitalisme sénile.

C'est le sens des dernières phrases de l'article :
Tous se placent sur un terrain humanitaire, mais la classe ouvrière mondiale, et en premier lieu celle des pays riches, doit considérer ces travailleurs comme des sœurs et des frères d’exploitation. Dans le monde capitaliste, la barbarie accompagne toujours ce qui pourrait être, dans une autre société, un progrès incontestable.
Zorglub
 
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Re: Docu : IA, exploitation et décadence

Message par Julian » 30 Avr 2025, 12:32

Ce qui me frappe, c’est qu’on parle souvent de « technologie de rupture », mais sans rupture sociale, ces avancées ne servent qu’à raffiner les rouages de l’exploitation. Le défi, c’est justement d’articuler cette critique à des formes d’action concrètes, ici comme ailleurs. Peut-être que ces « invisibles » que l’IA rend encore plus invisibles seront aussi ceux qui, à terme, deviendront le cœur de nouvelles formes de luttes globales.

Mais il y a du chemin, et c’est à nous aussi de ne pas détourner les yeux.
Julian
 
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Re: Docu : IA, exploitation et décadence

Message par Zorglub » 30 Avr 2025, 22:20

Avant des « actions concrètes », raisonnons concret. La critique, la gauche en est capable aussi. Les « actions concrètes», les « nouvelles formes de luttes globales », ce sont les grèves, la création de partis ouvriers communistes révolutionnaires.
Zorglub
 
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